- Stiles, ça va? Pourquoi on s'arrête?
     - Je ne sais pas.. Je l'ai perdu. Ça s'arrête ici.
     - Mais on est au milieu de nulle pars !
     - Je n'y peux rien, je ne sais pas aller plus loin. 
     - Pourquoi ici précisément? Tu as besoin de te concentrer à nouveau? Tu préférerais que je te laisse un peu tout seul?
     - Attends..

     Il leva sa main vers moi pour m'indiquer de me taire, son air devenant plus grave et sa respiration plus courte et tendue. Il avait été gagné par un nouveau sentiment que seul lui pouvait comprendre.

     - Tais-toi Derek..

     Il ferma son poing, ramenant son bras contre lui en tournant lentement sur lui-même. On aurait dit une balise à la recherche d'un signal. Et peut-être que cette image était en réalité très proche de ce qu'il se passait réellement. Il désigna une direction, déglutissant avec nervosité.

     - Là..
     - Tu en es sûr?
     - Oui.
     - Comment tu arrives à savoir ça Stiles?
     - Je le sais. C'est tout.

     Je hochai la tête, me remettant à marcher après lui. Il s'arrêta au niveau d'un arbre dont le tronc se scindait en deux à la base, passant la tête entre eux pour observer ce qu'il se trouvait de l'autre côté. Et plus loin au milieu d'une clairière recouverte de feuilles mortes, là juste devant nous, se trouvait une immense souche dont les racines bien encrées au sol s'étalaient sur plusieurs mètres. Je sentis la respiration de Stiles s'emballer alors qu'il mordait ses lèvres, plus angoissé que jamais. Il savait que faire un seul pas de plus allait nous plonger dans un océan de ténèbres et il était terrifié. Je l'étais tout autant que lui. Il chercha à prendre ma main, mais il passa au travers. Je hochai simplement la tête en sa direction, essayant de lui faire comprendre sans mots que je ne quitterais pas ses côtés. Il me rendit mon geste, osant enfin passer entre les troncs pour s'approcher de l'arbre mort.

     Mon cœur s'arrêta. La vision qui nous fût offerte était bien plus choquante que tout ce à quoi j'aurais pu m'attendre. Là, sur le dessus de la souche, un corps pâle et inerte reposait, attaché de force dans une position de Christ. Ses poignets étaient harnachés solidement de cordages serrés maintenant les ses bras lacérés étendus en croix. Plusieurs piquets en bois avaient été plantés autour de l'arbre pour maintenir le corps immobile à l'aide d'autres de ces cordages, s'assurant qu'encore vivant il lui aurait été impossible pour lui de bouger. Sur le torse nu de la dépouille étaient gravés à même la chair de nombreux symboles provenant d'une langue que je ne connaissais pas, ayant recouvert de sang le buste entier du mort. La gorge inanimée du cadavre avait été sectionnée dans toute la largeur par un câble de cuivre toujours enlacé autour de son cou, ce qui l'avait lui aussi décoré d'un collier à la couleur morbide. Et sur son visage immobile parsemé de petites tâches brunes, un bandeau noir était noué, cachant ses yeux pour qu'il ne puisse même pas assister à sa propre mort. Le corps était dans un état parfait, ne semblant pas avoir été impacté par le temps. Probablement un fait dû au Nemeton. Il avait été abandonné ici comme ça et personne n'y avait touché depuis maintenant deux ans. Nous venions de retrouver le cadavre de Stiles.

     C'est alors que le fantôme du jeune homme se mit à haleter en portant une main sur sa bouche, ouvrant de grands yeux en découvrant la dépouille dans cet état monstrueux. Si il en avait été capable, il aurait probablement vomi face à ce spectacle abominable. Sa respiration se teinta de sanglots, et alors que j'entrepris de m'approcher de lui pour venir le rassurer, il tomba à genoux devant son propre cadavre en se tenant la tête, hurlant à pleins poumons. Il frappait le sol de ses poings fermés, ne sachant même plus quoi faire de ses propres mains. Ses pleurs étaient atrocement douloureux à entendre, fendant le ciel jusqu'aux cieux les plus hauts. Il poussait de lugubres hurlements à en perdre le souffle, incapable de s'arrêter. Il exprimait son agonie sans relâche. Son corps tremblait et on aurait dit qu'il devenait fou à convulser de la sorte. Il tirait sur ses cheveux comme pour se les arracher, traînant son front contre le sol en continuant de tirailler ses cordes vocales. Le pauvre garçon était inconsolable. Je ne savait pas mettre des mots sur ce que je ressentais en le voyant s'effondrer ainsi. Sa douleur était juste à briser le cœur. Je ne pouvais même pas m'imaginer ce que Stiles devait ressentir à cet instant précis, découvrant son propre cadavre ainsi mutilé. C'était impossible. Je sentis un goût de sel rejoindre le coin de mes lèvres et c'est en portant ma main à ma joue que je me rendis compte que j'étais moi aussi entrain de pleurer. Comment rester de marbre face à ça?

     Stiles releva enfin la tête, rampant lamentablement jusqu'à la souche pour s'y hisser, semblant réellement pouvoir se tracter physiquement sur elle. Il pouvait la toucher, c'était ce que nous avions appris avec les tasses faites de son bois chez ma mère. Il grimpa donc rejoindre son corps, s'allongeant à ses côtés en continuant de pleurer à grosses larmes. Il se redressa difficilement pour le contempler plus en détail, s'asseyant en tailleur à côté du lui-même. Il se mordit la lèvre, tendant une main en sa direction. Il survola la dépouille du bout des doigts, ne les déposant jamais sur la peau gelée de son corps. Il tremblait de terreur et n'osait pas le toucher. Mais il se sentait visiblement poussé à le faire, presque comme si c'était ce pour quoi il était venu. Il le savait, ce qu'il avait à faire. Ma mère lui avait dit, c'était toujours quelque pars au fond de lui. Il se stoppa dans son geste, tournant la tête vers moi pour chercher dans mon regard un peu de courage. Il tordit ses lèvres douloureusement avant de me tendre sa main, m'invitant à le rejoindre près de son corps. Je n'émis aucune opposition, m'approchant lentement de son emplacement. Et alors qu'à mon tour je grimpai sur la souche immense, je me mis en tailleur de l'autre côté de la dépouille face à Stiles. Il me tendit fébrilement sa paume, attendant que je vienne y déposer la mienne. J'approchai donc ma main, venant la presser contre la sienne en ressentant son toucher pour la toute première fois. Je pouvais le sentir contre ma peau. Il entrelaça nos doigts, les refermant sur moi de peur que je ne m'éloigne. J'en fis immédiatement de même pour chasser cette crainte qui le rongeait et qui n'avait pas lieu d'être. Je ne partais nulle pars. Pas sans lui. Je restais là, à ses côtés. Il avait besoin de moi pour passer cette épreuve. Il déglutit bruyamment, regardant à nouveau le visage inerte de son propre corps. Il n'arrivait juste pas à trouver le courage de le toucher. Je l'avais compris en le regardant, c'était encore un geste trop dur à effectuer pour lui. Ses lèvres tremblaient et ses yeux vrillaient en essayant pourtant de rester encrés sur son cadavre. Il se sentait incapable même si il savait qu'il n'allait plus avoir le choix. C'était ce qu'il devait se passer. C'était comme ça que tout devait se dérouler. C'était pour ça que nous étions venus. Pour cet instant précis. Ma main libre s'empara de la sienne, la soulevant du bois contre laquelle elle reposait et l'approchant du buste lacéré. Si il ne pouvait pas le faire seul, j'étais prêt à le faire avec lui. Et alors que nos mains se pressèrent ensemble contre le cadavre de Stiles, nos esprits s'illuminèrent simultanément, plongeant dans une fontaine de souvenirs que nous n'arrivions pas à comprendre tant ils affluaient tous en même temps. Ma mémoire, sa mémoire, elles s'emmêlaient ensemble comme si nous n'en formions plus qu'une. Je me sentis comme quitter mon corps, n'existant maintenant plus dans ma propre réalité. Je n'étais plus en cet instant. Tout comme Stiles. Tout ce qui existait à cet instant précis n'étaient que nos souvenirs.

Le garçon de l'autre monde ( Sterek Fanfiction FR )Where stories live. Discover now