Les enfants de nos enfants (Southeast Jones)

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On n’avait pas encore récupéré la télévision, quelques stations de radios émettaient sporadiquement un peu de musique et de l’information ; mais bien peu de personnes possédaient le moyen de les recevoir. On vit apparaître les Hérauts d’état qui à cheval, à vélo ou en voiture à vapeur sillonnaient les différentes régions de leur pays respectif afin de tenter de rééduquer les membres des C.E… Les ordres étaient simples, clairs et sans appel, les Comités d’Épuration et toutes les milices assimilées étaient déclarées hors-la-loi, chaque citoyen avait le devoir sinon l’ordre de porter assistance aux Unités de Protection. Plus de vingt ans s’écouleraient avant que ne s’arrête le massacre.

L’horloge indiquait neuf heures dix, Leroy devait s’impatienter, Milan prit pourtant le temps de boire une tasse de café et de jeter un coup d’œil sur les titres du journal, soigneusement plié et repassé à l’anglaise.

— Rosy, vous pouvez faire entrer monsieur Leroy, dit-il en appuyant sur le bouton de l’interphone.

***

Il entra sans frapper, un couffin dans la main gauche.

— Assieds-toi, Alain, comment vas-tu ?

Son visage se crispa, dans ses yeux on pouvait lire toute la détresse du monde, de l’incompréhension aussi. Il sourit amèrement.

— Docteur…

— Ton enfant ?

Il acquiesça silencieusement, difficile de penser que cet homme aux allures de grand adolescent avait plus de cinquante ans. Les mutants vieillissaient très lentement.

— Sabine n’est pas avec toi ?

— Elle est morte en couches, nos meilleurs sensitifs n’ont rien pu faire.

— Je suis désolé, pourquoi ne m’as-tu pas prévenu ?

— Parce que ça ne vous concerne pas. Vous savez bien que nous préférons rester entre nous. Vous êtes trop différents…

— Parce que je n’ai pas subi de mutation ?

— Nous préférons parler de talent. Je vous aime bien toubib, mais même dans votre bouche, ce mot a quelque chose d’insultant, il rappelle des temps bien sombres. Nous trouvons le terme d’Omégas plus approprié.

— C’est quelque peu présomptueux mais j’aime bien le nom ; ainsi vous seriez le dernier maillon de l’évolution ?

— Nous n’en n’avons aucune certitude, il est probable que les talents vont encore s’amplifier, aujourd’hui nous naissons avec un don, parfois deux, je pense que dans un très lointain avenir chacun les possédera tous. Peut-être même formerons nous une immense gestalt qui tôt ou tard accédera à l’immortalité non en tant qu’individu mais d’entité unique. Certains érudits croient aussi que nous nous délesterons de toute matière organique pour devenir purs esprits.

— Comme Dieu ?

Leroy sourit.

— Ne nous prêtez pas ce genre d’orgueil. De toute façon je ne crois pas en Dieu.

Milan s’était levé pour examiner l’enfant.

— C’est un très beau garçon, quel est son nom ?

— Nous ne leur donnons un nom que quand ils sont capables d’émettre consciemment. Avant, ce n’est pas utile, ils sentent leurs parents, savent qu’ils sont là. Quoi qu’il arrive, le lien psychique qui unit un enfant à sa famille est puissant et efficace jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres. Jordan, mon aîné, vit au Luxembourg, à chaque instant du jour ou de la nuit, je sais où il est, si je le désire je peux même savoir ce qu’il fait ou lui parler…

L'Homme de demainWhere stories live. Discover now