31. Mene'thil

545 73 43
                                    

On arrive avec cinq petites minutes de retard au centre.

On tente de rentrer en se faisant discrètes, ce qui échoue lamentablement...

- Bonjour. Vous êtes en retard, nous réprimande l'animatrice.

Priya se fait toute petite, au risque de manquer de respect sans vraiment le vouloir à cette pauvre dame.

C'est donc à moi que revient l'honneur de lui répondre.

- Bonjour, désolée. Ma fille ne voulait pas me quitter. J'ai dû la calmer avant de pouvoir venir.

Le regard de la bonne femme change du tout au tout, et devient compatissant.

- Ce n'est pas grave, je n'en étais qu'aux présentations. Je vous en prie installez vous avec les autres parents.

Pourquoi tout le monde nous dévisage ?

Ah oui, c'est vrai. Le look.
Tatouées de la tête aux pieds, outrageusement maquillées, piercées un peu de partout et avec des habits disons... Spéciaux.

- S'il vous plaît, est-ce que la future maman peut se présenter aux autres ?

Oh seigneur.

- Je m'appelle Priya Reyes, j'ai vingt-cinq ans et je suis enceinte de....

Elle me regarde, à la limite de la panique.

Attends, elle sait pas de combien elle est enceinte ?

Je lui chuchote qu'elle s'est faite engrosser il y a cinq mois.

- Cinq mois. Je suis enceinte de cinq mois.

- Comment vivez vous cette grossesse ?

Oh oh...

- Pas très bien. Plus de clope, plus d'alcool, plus d'herbe. C'est vraiment nul. Je fais quoi moi, sans ma Margherita du samedi soir ? Je vous le donne dans le mille, rien.

Je me retiens d'exploser de rire à la tête que tirent tous les autres.

La nana se racle la gorge, et tente de garder la face.

- Oh. Et bien... D'accord. Et vous ne voyez rien de positif à cette grossesse ?

- J'ai encore plus envie de baiser que d'habitude. Et je peux vous dire qu'en temps normal, je passais déjà la plupart de mon temps à poil les jambes écartées.

OK pardon, là je suis obligée d'éclater de rire.

- Mes seins ont doublés de volume, ça aussi c'est génial. Mise à part le mal de dos qu'ils me filent, ils sont ultra canons.

Elle s'attrape la poitrine et la remonte, pour imager ses dires...
Je savais qu'à un moment où à un autre ça allait partir en couilles.

Simplement, je ne pensais pas que ce serait aussi rapide.

La formatrice se racle de nouveau la gorge, extrêmement gênée par ma meilleure amie.

Putain, quand je raconterais ça à Logan !

Pire, à Morgann !

Rholala comment ça va être énorme !

Bon, tout le monde coupe court à la présentation de Priya, pour éviter qu'elle ne continue de débiter des conneries, et le cours commence.

Il y a beaucoup de théorie.
TROP de théorie.

Ayant déjà vécu un accouchement, j'ai une petite longueur d'avance sur les autres, vu que le cours n'est composé que de futurs nouveaux parents.

- La clé de tout, c'est la respiration ! Il faut respirer.

OK, la je m'énerve.

- Mais vous m'emmerdez tous avec votre respiration à la con ! Quand t'as l'impression qu'on t'arrache les entrailles et qu'on se fait un collier avec tes boyaux, t'as pas vraiment envie de respirer en prenant une longue inspiration de quatre secondes et d'expirer en quatre secondes non plus ! T'as juste envie de refaire ton clebs qui a couru pendant trois kilomètres.

Au tour de Priya de se mettre à rire.

Elle se souvient d'à quel point des envies de meurtres m'étaient apparues, le jour où tout le monde a décrété que je ne respirait pas assez...

- Pourtant, c'est très important la respiration. Cela permet de canaliser la douleur et de...

- Je pense que pour que l'accouchement se passe au mieux pour la maman, il faut la laisser faire comme elle veut. Si je ne me sent pas à l'aise avec votre respiration à la con, alors je respire comme un chien. Je vais pas m'emmerder à faire attention aux moindres détails ! Vous croyez que j'avais que ça à foutre de compter les secondes, quand j'avais des contractions toutes les deux minutes ? C'est beaucoup trop prise de tête. Et quand on en est à ce moment là, faut pas se prendre la tête.

- Ah, voilà, justement. Comme l'a dit madame, il est important de se vider l'esprit lors de l'accouchement ! Tout ce qui compte c'est vous, et votre bébé.

Elle a écouté ce que je viens de lui dire ou quoi ?

En tout cas, les autres participant ont l'air de l'avoir fait, vu la tête paniquée qu'ils tirent tous...

- OK, donc leçon numéro une : respirer comme un chien, répète ma meilleure amie à voix basse.

La théorie se termine, et vient la pratique.

La formatrice mime son propre accouchement, et c'est vraiment ridicule.

On est à deux doigts de la filmer pour montrer la vidéo aux autres !

En toute bonnes commères que nous sommes, on s'amuse à critiquer et à se moquer.

Un peu de temps avec ma meilleure amie m'avait manqué.

Nos sourires retombent bien vite, lorsque c'est à nous de faire cette petite scène.

Bizarrement, on redevient sérieuses, et on prend l'exercice très à cœur.
Je conseille Priya, et elle me pose des questions par rapport à certains éléments de mon accouchement.

- Oui, c'est très bien, dit une voix féminine derrière nous.

La formatrice nous regarde avec un grand sourire.

- Vous avez un atout Priya. Votre compagne est déjà passée par là, profitez en.

Tu crois qu'on fait quoi connasse ?

- Et vous aussi vous avez assisté à un accouchement, malgré le fait que ce ne soit pas vous qui étiez en travail. Vous avez donc déjà certains éléments très précieux en votre possession !

- Heu, comment ça j'ai assisté à un accouchement ?

- Et bien... Vous n'étiez pas là lors de la naissance de...

- Amalia ? Non, moi à la base j'étais en train de tatouer le dos d'un mec. Puis Mene'thil à hurlé quand elle a perdu les os, elle s'est barrée à l'hôpital, et moi j'ai juste encaissé mon client avant de passer à l'autre.

Mon dieu, la tête que tire l'animatrice est incroyable.

- Donc vous n'avez pas assisté à la naissance de votre fille ?

Houla, j'ai peur de comprendre.

- Vous croyez qu'on est quoi au juste, demandais-je.

- Et bien...

- Vous croyez qu'on est ensemble ?

- Ce n'est pas le cas ?

Oh bordel elle nous a prise pour des lesbiennes !

L'heure se termine, et sans même lui répondre, nous récupérons nos affaires et nous dirigeons vers la sortie.

D'un simple regard, ma meilleure amie et moi nous comprenons.

Nous nous retournons vers la dame, puis on se roule une pelle magistrale.

- On n'y retourne plus jamais ?

- Plus jamais, dis-je en acquiescant.

The Burnt Fire (SDNG Tome 3)Where stories live. Discover now