00 - Prologue

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janvier 2010

— Cette fois, ça suffit Mikey. J'en peux plus, j'me tire.

La porte de l'appartement claqua sur les derniers mots de la jeune femme. Enveloppée dans un long manteau aux effluves masculins, elle séchait ses larmes. Elle sanglotait sans pouvoir s'arrêter, emportée par la nuit sombre de Tokyo.

Pourtant, c'était elle qui était partie, qui avait pris ses cliques et ses claques après avoir dit stop. Mais ça faisait quand même un mal de chien. Son cœur hurlait de douleur, esseulé et dépendant du rythme cardiaque de celui qu'elle aimait éperdument. Il était perdu, incapable de fonctionner seul après des années aux côtés de son amant.

La brune accéléra le pas, se fondant avec délicatesse au travers des buildings. Elle avançait tel un fantôme, discrète et silencieuse, le cœur en peine. Elle errait sans savoir où aller, elle n'avait plus d'endroit où rentrer. C'était la triste vérité de milliers d'âmes dépourvue de leur sœur, brutalement arrachée à leur quotidien bienheureux.

Ses talons claquaient contre le béton, sa chevelure détachée s'agitait dans tous les sens, victime des caprices du vent nocturne et hivernal. Les larmes ne cessaient de glisser de ses prunelles émeraude et se figeaient sur ses joues, arrêtées dans leur course folle par la brise glaciale.

Elle resserra son manteau contre elle, inspirant au passage l'odeur familière qui imprégnait le tissu. L'esprit embaumé par l'eau de Cologne, son corps lui hurla de faire demi-tour. Telle une drogue, le parfum lui embrumait l'esprit et les sens, amenant dans l'esprit de la jeune femme l'image du blond souriant. Elle tendit le bras pour le rattraper, mais sa main ne se referma que sur du vide. Le mirage s'évapora sous ses yeux dégoulinant de peine. Un nouveau coup de poignard lui transperça le cœur et un énième sanglot lui déchira la cage thoracique.

Elle bifurqua dans une rue faiblement éclairée par quelques lampadaires à la lumière chétive. Une fine buée s'échappait de ses lèvres entrouvertes, témoignage du froid ambiant. Une odeur de poubelle mêlée à celle des égouts régnait dans l'atmosphère et un couinement de rongeur traversa la nuit tokyoïte.

La brune continua d'avancer avant de se figer, le regard posé sur la silhouette debout sous le dernier lampadaire. Le halo de lumière camouflait l'identité de l'homme, aidé par le nuage de fumée qui l'entourait. Il observait pensivement le sol, son index et son majeur pincé autour d'un cylindre de nicotine.

La brune se ressaisit et reprit son chemin, le regard rivé droit devant elle. Les perles salées continuaient de rouler sur ses joues, avec une régularité digne d'un métronome. Elle passa rapidement la silhouette inconnue, sans prendre le temps de faire attention à son identité.

Les claquements de pas derrière elle, typiques de ceux d'un homme d'affaires chaussé de talonnettes, la firent accélérer la cadence. Mais la voix qui retentit par la suite, conduisit la femme à la pétrification.

— Dorobō neko, je commençais à désespérer de pouvoir te parler seul à seule.

La femme tourna lentement la tête pour observer de ses yeux émeraude celui qui avait ruiné tant de vies. Des lunettes rectangulaires décorées de montures grossières, un crâne rasé sur les côtés, mais surtout un air sadique et pervers sur le visage, l'homme face à elle lui donnait la nausée. Une cigarette pendait au bout de ses lèvres étirées en un rictus des plus malsain.

La brune se sentit immédiatement bouillonner de rage. Tout était de sa faute. Sans lui pour bouleverser l'équation, son cœur ne serait pas déchiré en mille morceaux et elle ne serait pas en train de se vider de ses larmes. Non, sans lui, elle serait auprès de celui qu'elle aimait de tout son être.

DOROBŌ NEKO ¦ mikey [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant