Comètes De Mots

Retrouvailles

Je sens enfin tes douces caresses, après plusieurs mois sans te voir. Ton absence pesait ici, sur tout le monde, certains priaient chaque jour pour te voir revenir. Leurs supplications résonnent encore en mon sein, accompagnées de toutes leurs autres demandes. Je suis le réceptacle de toute leur tristesse, mais aussi de tout leur espoir. En ton absence, j'ai rencontré de merveilleuses personnes ! Des personnes avec une grande âme, celles qui redonnent foi en l'humanité quand tout est sombre, quand tout est nuit. Elles éclairaient mon cœur avec leur joie et leur espoir, au milieu de tous ces êtres éteints. Éteins, c'est bien le mot pour les décrire.

Je comptais chaque seconde depuis ton départ, je suivais la course de la grande aiguille, lente et lancinante. Le temps passe si lentement, et sans toi, il n'y a plus rien pour rythmer mes jours, malgré les cloches qui me font trembler chaque heure, ainsi que le flux et reflux des gens. L'ombre s'est abattue depuis des mois et ma peau s'est ternie. Plus personne ne s'émerveillait de mes divines couleurs, les vitraux paraissaient fades sans ton éclat. 

Il y a eu un enterrement il y a peu de temps. Je pense que tu te souviens d'à quel point cela me rend triste et grise de voir tous ces gens habillés en noir défiler, la mort dans l'âme et le mort dans une boîte. Je n'ai jamais compris pourquoi enferment-ils leurs amis partis ; ont-ils peur qu'ils s'échappent ?

Je sais qu'ils restent là, figés comme des statues en s'effilochant au fil des années. Ils reposent pour toujours dans le cimetière que se tient sur mon flanc droit. Leurs proches viennent leur rendre visite et ils leur parlent même. Comme s'ils allaient répondre ! Les humains sont des créatures si étranges ; ils ne s'ouvrent à leurs congénères qu'une fois ces derniers incapables de les écouter.

Dans certaines régions du globe, plus au Sud, tu es présent tous les jours. Pourquoi vas-tu leur rendre visite en me laissant seule et transie ? Je t'aime d'un amour plus pur que le son de mes cloches et plus clair que la neige qui pèse sur mes pierres ! Tous ces autres gens ne peuvent pas avoir plus besoin de toi que moi. 

Je te demande pardon, je ne devrais pas te faire ainsi des reproches alors que tu viens seulement de revenir. Je suis convaincue que tu as tes raisons, même si elles ne sautent pas aux yeux au premier abord.

Aujourd'hui, je sens enfin ta chaleur m'envelopper comme un châle doux. Ma roche froide et trempée s'éveille de nouveau, et j'entends les piaillements des oiseaux nichant dans mes sommets qui chantent ton retour. Un nombre plus important de fidèles sont venus à la messe la fois précédente, et je suis certaine qu'ils seront encore plus nombreux la fois prochaine. Ta présence emplit de joie mon cœur, mais il ravive aussi la vie de ce village, comme une bouffée d'oxygène raviverait la flamme d'une bougie. Les gens s'activent, accélèrent, acclament ton retour, et dans quelques mois les touristes commenceront à arriver. 

Tes éclats qui se reflètent dans la neige illuminent mes pierres. Ce simple gris fade devient un chatoiement de mille lumières qui émerveilleront les humains, les animaux et le vent.  Mes vitraux reprennent vie, se projetant au sol comme des animaux avides. Les couleurs courent sur les dalles de marbre pour venir s'enrouler autour des piliers et s'allonger sur les bancs.

Cette cloche, qui accueille mon cœur glacé, miroite enfin sous ton feu. Un diamant ne brillerait pas plus que cette pièce de métal qui rythme la vie des habitants de cette petite bourgade, et ne serait pas plus précieux. Je me sens enfin revivre ; après un hiver et une nuit longs de plusieurs mois, te revoilà enfin, lumière de mes jours, Soleil.

***

J'ai oublié de publier la semaine dernière, mais voici une nouvelle partie. Je l'ai écrit pour le concours de la dernière flamme : le thème était les retrouvailles et la contrainte était que l'on ne devait pas avoir comme narrateur un personnage humain ou humanoïde. J'espère qu'il vous plaira, n'hésitez pas si vous avez des remarques ou des questions !