– Il vaut mieux une bonne amputation nette et précise que de passer sa vie à soigner un membre qui se meurt.

Je me mets à imaginer quelle punchline il pourra sortir à mon égard. J'en accepterais sans doute plus facilement une si j'étais droit dans mes bottes. Mais, tout comme avec Kevin, j'ai décidé de m'en tenir à mon scénario.

– Tu as des nouvelles de Sam ? Elle est bien installée ?

– Oui maman. Je l'ai eue au téléphone hier. La maison où elle loge est parfaite et elle s'est faite une amie déjà. La voisine a son âge et est passionnée de littérature française.

– Ah, c'est chouette ça. C'est sûr que, du coup, ça permet de faire connaissance. Pas évident les premiers jours dans un nouveau pays.

Sur ces mots, mon père se lève et ramasse son assiette et ses couverts pour les porter en cuisine.

– Papa, attends. J'ai quelque chose à vous dire et c'est pas facile.

Suspendu à mes lèvres, mon père reste ainsi, debout avec sa vaisselle sale en équilibre incertain. Mes parents me regardent à présent, interloqués.

– Bon, en fait, c'est fini avec Sam.

Il m'est de plus en plus facile de mentir et le goût de la honte m'emplit déjà. Je ne suis pour autant pas encore expert en la matière et mon cœur sursaute à l'idée qu'ils en parlent avec elle à l'occasion.

– Quoi ? C'est, c'est sérieux ? C'est définitif ?

– Oui maman. D'autant plus définitif que c'est parce que j'ai rencontré quelqu'un d'autre pour qui mes sentiments sont encore plus forts.

– Tu es vraiment sûr de ça ? Sam et toi, vous êtes ensemble depuis si longtemps. Elle fait partie de la famille Alex.

– Je sais papa, je sais. Tu penses bien que je me suis torturé l'esprit plus d'une fois et j'ai retourné le problème dans tous les sens. J'ai essayé de me forcer, de revenir à la normale mais c'est impossible. La personne que j'aime est... c'est...

– C'est qui ? On la connaît ?

– Mais noooon. Arrête de m'interrompre maman. Ce que j'essaie de vous dire c'est que...

– C'est que tu aimes un garçon c'est ça ?

Merci papa. Tu n'es plus le seul homme que j'aime sur cette terre mais tu restes mon héros. Mes larmes sont ma seule réponse à sa question qui n'était que toute rhétorique. Ses mots avaient l'intonation d'une interrogation mais mon père savait qu'il tapait dans le juste. Nous sommes trois à pleurer à présent. Deux traits humides barrent le visage de ma tendre maman, tout comme le mien. Papa, quant à lui se retient un peu mais je vois clairement que ses yeux ne brillent pas uniquement à cause de l'éclairage de la cuisine.

– Pfiou. Ca c'est de la nouvelle ! Je vais pas te cacher que c'est un jour auquel on pense quand on est parent mais, du fait que tu étais avec Sam, je n'étais pas préparée pour toi. Ta sœur, à la limite, mais pas toi.

– Vous allez continuer de m'aimer ?

– Mais qu'est-ce que tu racontes-là ? Mais t'es pas mon fils pour dire une bêtise pareille ! Bien entendu qu'on va continuer à t'aimer. Arrête, je ne mériterais plus d'être ton père si ça changeait quoi que ce soit.

– Merci papa.

– La même chose pour moi Alex. Viens ici, viens, laisse-moi te faire un câlin. Interdiction de refuser.

Nous restons ainsi collés à trois. Papa a redéposé ce qu'il avait dans les mains pêle-mêle sur la table, il me caresse les cheveux d'une main et me donne des petites tapes dans le dos de l'autre. Maman a collé sa joue contre la mienne et ses pleures se mélangent aux miens. Aucun de nous ne semble vouloir briser l'harmonie de ce moment.

Ma copine me manque mais je veux rester fidèleحيث تعيش القصص. اكتشف الآن