Chapitre 18

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Les examens sont à présent terminés. Comme je le pensais, tout s'est bien passé pour moi. Je n'étais pas obligé de les passer en fait. J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, la médecine, c'est pas trop mon truc. Est-ce que j'étais un peu trop jeune, il y a 3 ans, pour résister au rêve de mes parents ? Sans doute, mais j'étais une victime consentante. C'est le soucis quand on a un peu trop de facilités à l'école. On finit par ne pas nécessairement être passionné par quoi que ce soit. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. J'ajouterais que l'on n'y prend, du coup, aucun plaisir. Faute de mieux, je me suis lancé dans des études qui m'assuraient l'approbation de mes géniteurs. Est-ce l'affirmation de ma nouvelle identité sexuelle qui me donne à la fois courage et conviction dans le changement ? Sans doute cela m'aide à me forger un caractère et à savoir ce que je veux dans d'autres domaines. Si je sais maintenant avec qui je veux partager ma vie, je sais aussi ce que je veux en faire de cette vie. La biologie me paraît plus correspondre à mes goûts avec le but de faire de la bio-informatique un jour. Vous l'avez deviné, je devrai d'abord étudier la bio et augmenter mes connaissances en informatique également. Ces deux ingrédients permettant, seulement ensuite, de se lancer dans cette fameuse bio-informatique. Je ne pense pas avoir perdu 3 ans avec la médecine, j'ai acquis des notions qui me serviront, c'est certain.

La semaine chez mes parents est sympa. Ca fait du bien de les revoir. Je ne suis plus rentré depuis le début de la pandémie. Auparavant, je rentrais toutes les deux ou trois semaines et les assouplissements sanitaires de ce début d'été sont les bienvenus. Je me rends compte ne pas nécessairement avoir brossé un chouette portrait d'eux jusqu'à présent. Vous devez sans doute ne les voir que comme des vaches à lait dont je profite financièrement. Ce n'est pas tout à fait faux mais mes parents, c'est plus que ça. Bien sûr, le grand confort matériel dans lequel je vis depuis ma naissance facilite beaucoup de choses. Mais, même s'ils portent facilement la main au portefeuille, mes parents ont des valeurs et je sais que mon coming-out ne devrait pas poser trop de soucis. Ce n'est pas l'homosexualité de leur fils qui va représenter une déception pour eux. En famille, le journal télévisé ou les émissions de reportage de société sont généralement l'occasion de débats et de partages d'opinions. Papa et maman sont très larges d'esprit et nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de parler sexualité. J'ai ainsi l'assurance que seul le bonheur de leurs progénitures importe. Pas la manière dont ce bonheur est atteint.

– Sauf avec les animaux hein Alex... tu sais bien que médecins et vétérinaires ne sont pas vraiment des amis.

Papa conclut souvent ses interventions sur des sujets sensibles par une note d'humour absurde. C'est sa manière à lui de montrer tout le sérieux de la substance principal de son propos.

Maman aborde souvent ces débats avec des considérations plus concrètes et ce sont souvent les aspects pratiques des choses qui l'interpellent. Sur le fait d'avoir des enfants dans les couples du même sexe, elle trouve dommage que seulement l'un des parents pourra être biologiquement père ou mère. Elle le pense sincèrement sans aucune arrière-pensée malsaine.

– Quand je vous regarde, toi et ta sœur, ce qui me fait chaque fois chavirer c'est d'admirer à quel point vous êtes l'addition de votre père et moi. L'amour de deux êtres, c'est la fusion de leurs identités. Et les enfants en sont la plus belle émanation. C'est un aboutissement qui ne peut être vraiment complet pour les gays ou les lesbiennes.

Et j'insiste, ce n'est pas le discours de quelqu'un qui serait contre la procréation assistée pour les homos. Elle est vraiment triste que tant de gens qui le mériteraient passent à côté de ça.

Non, mon homosexualité ne sera pas le soucis. Ce qui va les chagriner, c'est Sam. Et cela me renverra à toutes mes contradictions vis-à-vis d'elle. Ils l'aiment beaucoup et la considère depuis longtemps comme leur belle-fille. La récente séparation de ma sœur a été un coup dur pour eux. Ma mère a pleuré plus d'une fois, même si Charlotte n'avait de cesse de la rassurer en lui expliquant qu'ils se quittaient en bons termes. Son compagnon rêvait de mariage et d'enfants, ma sœur pas. Il était prêt à mettre sa carrière entre parenthèses et être père au foyer mais, même ainsi, Charlotte ne se sentait pas encore prête. Elle disait souvent qu'elle a eu la séparation la plus difficile qui existe parce que c'est dur de se quitter quand on s'aime encore si fort. Mais elle ne voulait pas l'enfermer dans une vie qui ne le rendrait pas heureux. Il avait promis qu'il pourrait s'en accommoder mais avait rapidement dû avouer qu'il n'en aurait sans doute pas toujours le courage. C'était la meilleure décision comme papa l'avait, avec son style bien à lui, si bien illustré :

Ma copine me manque mais je veux rester fidèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant