prologue.

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Hasard ou ordre naturel, le déclin commença avec l'automne. Dans le rapport frontal qui l'opposait à son état nouvellement découvert, longtemps les forces étaient restées équilibrées. Jusqu'à ce matin du moins, un sécateur à la main, débarrasser ses rosiers des fleurs fanées. Le jardinage se mariait parfaitement avec son nouvel environnement. C'était une activité légère, un plaisir coupable qui l'empêchait de se perdre dans ses pensées.

Il était baissé sur une fleur quelconque -il avait encore du mal avec les noms, il n'était qu'un débutant qui faisait de son mieux pour garder ses plantes en vie. Soudain, le sécateur tomba de ses mains, il vit la rotation de la Terre dans une turbulence cyclonique dont il était le centre. Le mouvement l'emporta, il s'abattit sur le sol, il gardait les yeux ouverts, le monde était lumineux et parcouru d'intenses éclairs, un malaise l'attaqua soudainement, il sentit son ventre se nouer. La sensation remonta, de son estomac à sa poitrine, et un instant il déversa le contenu pâteux dans un flux continuel.

La vague s'éloigna, il observa le paysage détruit et méconnaissable. Une sensation de dégoût s'empara alors de lui, d'une part née du vomi et d'autre part du fait que ses efforts venaient d'être anéantis, il avait passé énormément de temps dans ce jardin, il tenta de se convaincre que le vomi constituait probablement un engrais naturel. L'alerte était passée. Il était fatigué, il pensa qu'il aurait à régler quelques problèmes domestiques dès que ses forces le lui permettraient. Le réfrigérateur était presque vide et il sentait en lui monter un désir vorace, une grande envie de mangue. Il se rendrait au marché du village probablement un peu plus tard, il fallait aussi faire le ménage, la poussière s'accumulait à l'intérieur : faire les vitres, nettoyer le four, d'ici quelques mois il ne pensait plus être capable de le faire.

Il eut soif. Il retira ses gants de jardinage, et prenait la pose pour se lever. Il appuya ses mains sur le sol, les jambes en premier pensa-t-il, cela devait probablement être drôle à voir. Il venait de rentrer dans son quatrième mois. C'était devenu impossible à cacher, il avait remarqué les regards accusateurs et les murmures qui faisaient écho quand il quittait sa petite colline, s'il en avait le pouvoir, il éviterait de descendre dans le village, mais malheureusement c'était devenu une nécessité. Il n'avait plus le droit d'être égoïste, il n'y avait plus que lui désormais. Il prit la décision d'abandonner ses outils, il rentra dans la maison un pas après l'autre, il marchait par prudence, il avait perdu le luxe de rater un pas, de tomber et de se faire mal.

Il referma la porte à clé, en se rendant dans la cuisine, son regard croisa un vieux miroir accroché dans l'entrée, il s'approcha, instinctivement il observa son profil. Son ventre avait bien poussé, il remonta son haut, son nombril était légèrement sorti, une drôle de ligne s'y était dessinée, partant du nombril jusqu'au bas ventre, il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire.

-J'ai vraiment hâte de te rencontrer, souffla-t-il en passant une main sur la surface arrondie.

Soudain son sourire, se fana. Ses yeux se mouillèrent, mais il balaya ses larmes d'un revers de la main. Il avait cru comprendre que les sautes d'humeur et les nausées étaient monnaie courante en état de grossesse, s'il n'était déjà pas pris par un profond désarroi. Il se demanda s'il ne souffrait pas d'un syndrome de l'imposteur qui taisait subtilement son nom. Il n'arrivait pas être heureux, pourtant il vivait les moments les plus importants de sa vie. Il avait pris la meilleure décision possible, alors pourquoi il n'arrivait pas.

En chaque instant, il se devait de prendre une profonde inspiration et se répétait toujours les mêmes mots...

- Jungkook n'est plus là, il t'a abandonné, il ne reviendra pas, tu es tout seul dorénavant.

Il n'avait aucune envie de perdre l'enfant, il s'était fait une raison, il avait décidé de le garder alors il s'efforçait d'être heureux, il avait arrêté de pleurer, il essayer constamment de nouvelles activités, mais rien n'y faisait, rien ne pouvait combler le vide de son cœur, il avait trop aimé. C'étaient des mots simples, mais son subconscient n'arrivait pas à se faire une raison. Il y repensait toujours à cette nuit, il l'analysait de bout en bout pour comprendre ce qui avait bien pu mal tourner.

Le temps était une chose bien étrange. À ceux qui en ont le moins il semble lourd, tandis que la jeunesse donne des ailes, même si elle porte le poids du monde sur ses épaules. L'idée de la toute-puissance semble alors si séduisante qu'on se dit qu'il y a forcément mieux à faire que de réviser ses examens. C'était la tête enfoncée dans la cuvette des toilettes, le souffle court, la gorge essorée qu'il rendait ce qui ressemblait à son repas de la vieille, mais n'en avait étrangement pas le goût. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre ce qui lui arrivait, entre les nausées matinales, les sautes d'humeur et la sensation constante de mal-être, il ne fallait pas être bien sot pour comprendre. Il lui avait fallu souiller un paquet d'appareils contenus dans le paquet de tests de grossesse, pour finalement se faire à l'idée, le fait avait fini par s'imprimer de manière indubitable dans son subconscient. Ironiquement, il était plutôt excité par l'idée, certes il avait craint la réaction de Jungkook, encore alors son petit-ami, mais il avait cru bon de penser que leur amour était assez fort pour surmonter cette épreuve, il parlait très souvent de mariage et de famille, il pensa que ça arrivait un peu tôt, mais il en était tellement sûr, ils auraient trouvé un moyen.

Après la mort de son oncle, son seul parent, il avait pris la décision de quitter sa petite campagne afin de prouver à tout ce qui le traitait comme un paria qu'il avait une quelconque valeur, il n'avait eu aucune idée qu'au bout du tournant, il aurait compris le sens d'un sentiment qu'il pensait ne jamais comprendre. Il avait trouvé Jungkook ou plutôt Jungkook l'avait trouvé au détour d'un couloir, un grand brun au sourire charmeur dont l'odeur rappelait la senteur musquée d'une forêt après le passage d'une pluie diluvienne. Beau, intelligent, il ne fallut pas longtemps au jeune oméga pour tomber sous le charme de l'étudiant en médecine de troisième année, de quatre ans, son aîné. Il s'était très vite investi dans une relation passionnelle, leur amour avait beaucoup escaladé se transformant en un besoin constant et oppressant à tel point que Jimin avait dû faire de nombreuses concessions pour rester auprès de son homme. Il avait aimé avec fougue. Il n'a jamais cessé de le faire et il souffrait parce qu'il n'avait pas su se détacher de ses sentiments.

Par une soirée qu'ils avaient décidé de passer ensemble comme à l'accoutumée que Jimin avait décidé de se jeter à l'eau et de finalement annoncer la nouvelle fortuite à l'alpha. Mais ce dernier ne s'était jamais présenté. Il l'avait alors attendu, mais il était clair que le concerné faisait tout pour l'évité, frustrer d'apprendre que son homme passait du bon temps à une soirée par la bouche d'une connaissance, Jimin avait voulu le confronter. Il lui aurait dit s'il lui en avait laissé l'occasion, il pensa.

Son amour s'était blotti dans les bras d'une autre, Jungkook l'avait quitté et humilié devant tous. Il avait beaucoup pleuré, son esprit était embrouillé par la peine, il n'aimait pas penser aux restes des évènements, il n'en restait que l'oméga avait ressenti le besoin de partir, n'ayant nulle part où aller, il était rentré dans la maison qui l'avait vu grandir à contrecœur.

Jimin prit une grande inspiration, son cœur se calma. Il engloutit un verre d'eau et rejoint sa chambre où il resta jusqu'au soir.

monochrome rainbow ; jkookWhere stories live. Discover now