La frégate

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Ceci est une nouvelle que l'on m'a demandée d'écrire en cours de littérature et art. Je pense en faire une réécriture un peu plus longue parce qu'il nous avait été demandé de ne faire que deux pages word maximum, mais je ne vais pas vous mentir, j'en suis plutôt fière🥰
N'hésitez pas à me laisser vos avis et à voter !

Bonne lecture,
Sihem xx

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À Louknas, dans un vaste manoir surplombant le village avoisinant vivait paisiblement une peintresse. Elle n'était ni vaniteuse, ni avare et passait la majeure partie de son temps à peindre et faire du troc chez les antiquaires et auprès des marchands étrangers. Un jour, alors qu'elle venait de parcourir son jardin pour la énième fois en quête d'idées nouvelles et de rêveries, elle fut contrainte de rentrée chez elle quand les cieux commençaient à gronder. Quelque chose venait de bouleverser le calme de l'étang auprès duquel elle était assise. Le ciel autrefois si bleu et chanteur tournait en un gris orageux et elle courut à l'entrée de son manoir afin de s'y abriter, son carnet de croquis entre les mains. Entre ses pages dormait un secret qu'elle seule connaissait. Elle le glissa précieusement dans sa besace et entreprit de monter les interminables marches de l'escalier en colimaçon. Il menait vers un couloir orné de tapisseries pourpre et doré au bout duquel se trouvait une pièce magnifiquement décorée. Elle ne se soucia que très peu des livres dormeurs de la bibliothèque en chêne et n'accorda aucune importance au chien qui sommeillait au pied de celle-ci. À la place, elle se dirigea vers la fenêtre où elle put contempler le soleil fuir ce qui fut sa piste de danse, pour laisser la lune tournoyer à son tour. Mais ce qui l'intrigua davantage fut un paysage mystérieux comme elle en trouvait dans ses carnets de croquis, à la seule différence qu'elle n'avait pas peint celui-ci. Intriguée, elle s'en approcha.

Elle était entourée à présent d'une obscurité totale, silencieuse, effrayante, comme si une main géante avait laissé tomber sur tout le village un épais manteau de glace qui les aurait aveuglés. L'atmosphère douce et parfumée avait laissé place à un froid mordant et pénétrant. Loin sur les flots, naviguait une frégate combattant hardiment le vent du Sud.

Elle tendit l'oreille, n'entendant que le grondement lointain de la circulation, le crissement des bottes sur le bois humide, la douce mélodie du joueur de harpe et les ordres du capitaine Parjurnel. La jeune femme leva les yeux vers l'agate du ciel qui tourna vite à un indigo parsemé d'étoile. Alors qu'un large bâtiment venait à sa rencontre, elle prit le temps de l'examiner. Il était fin et usé, à trois mâts entièrement garnis de vergues, de voiles, de cordes et de poulies. L'océan devenu noir d'encre se déchainait contre la coque et venait même arroser les gaillards avant et arrière du navire.

L'équipage masculin se précipitait de part et d'autre du pont, tenant tonneaux et cordage afin que rien ne leur échappe. Pas même cette jeune femme toute frêle et grelotante à travers sa robe de chambre. Malgré la crasse et la fatigue, on pouvait y déceler une grande beauté. On ne prit guère la peine de lui lier les membres qu'on la fit monter sur la planche. Au-dessus, un noir abyssal, en dessous, le néant, le chaos, la terreur. Elle ne pouvait ni crier, ni appeler à l'aide. La gorge nouée, elle avança maladroitement tentant vainement de garder l'équilibre, tout en sachant pertinemment où elle finirait. Ou plutôt, comment elle finirait. Seule. Grelotante. Noyé. Les cinquante canons et le pavillon noir n'avaient rien d'intimidant face à ce spectacle. Arriverait-elle à nager et atteindre une rive ? Ou son crâne volerait-il en éclat en cognant le flanc du bateau ? Ses membres se dissocieraient-ils de son corps au moment de toucher l'eau ? Mourrait-elle les poumons remplis d'eau avant de mourir de froid ? Ou serais-ce l'inverse ?

La robe au vent, les cheveux trempés et plaqués contre son visage et sa bouche, le regard hypnotisé par les vagues, elle contemplait ce qui allait être bientôt son destin funeste. Le grondement des vagues semblait s'être arrêté. Les hurlements du capitaine n'étaient plus qu'un lointain souvenir. Certes, elle avait peur, mais elle se remémora les souvenirs de sa vie passée, et regretta de ne plus avoir l'occasion d'ancrer ce moment sur la toile.

La peintresse sursauta à l'entente du grondement de la foudre et des gouttes de pluie qui se déchainaient sur la vitre, et ce fut l'aboiement de son chien la ramena à la réalité. À ses pieds gisait une flaque d'eau. Un frisson de terreur la parcourrait quand elle constata qu'elle était trempée jusqu'aux os.

La frégate | Short StoryHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin