– Tu es bête.

Nous rions à présent de bon cœur. Du coup, Kevin est rassuré et ajoute :

– Bon, c'est pas tout ça mais je vais être en retard.

– Je voudrais tout de même en reparler si tu as le temps après les cours ? J'ai bien réfléchi à ce qui s'est passé hier.

– C'est vrai ? Je peux sécher la première heure si tu veux.

– Nan, ne rate pas ton cours pour moi. On aura tout le temps d'en discuter ce soir.

– Tu es sûr ? Tu n'es pas fâché contre moi j'espère.

– Nooooon ! File et n'y pense pas avant ce soir. Tu rentres à quelle heure ?

– Sans doute autour de 18h et toi ?

– Moi il sera plus tard, je ne commence qu'à 10h, c'est une journée décalée. Je passe à la bibliothèque et je pourrais être ici pour 20h. Je nous ramène un plat du traiteur. Du poisson ça te va ?

Kevin me regarde et reste, un instant fugace, figé, comme suspendu hors du temps.

– Euh oui c'est gentil, euh, oui, oui, du poisson, tout me va.

Je le sens perturbé par ce que je viens de lui proposer. C'est vrai que même si nous nous entendons super bien, nous n'organisons jamais les repas ensemble. On a chacun notre zone privée dans le frigo, on met certaines choses dans un étage commun mais essentiellement des restes de charcuterie ou de fromage qu'on pense ne pas pouvoir finir. Et au moment du repas, si on se retrouve assis en même temps autour de la table, c'est par le hasard de nos horaires. Je me rends compte que cette proposition pourrait laisser comprendre autre chose. Il doit être en train de se demander si je ne veux pas donner un caractère solennel à ce qui pourrait bien être un remontage de bretelles en règles. Ou alors, l'usage du « nous » va-t-il au contraire le faire espérer quelque chose de plus positif de ma part ? De prime abord, je veux juste lui dire que je suis en paix avec lui et que j'ai apprécié ce qu'il m'a fait. Je veux lui avouer que le contact de ses mains, le fait qu'il soit un mec, tout ça, a éveillé quelque chose que j'ignorais chez moi et que j'ai du mal à maîtriser. J'avoue que j'espère qu'il va me rassurer à ce sujet. Lui qui est gay, il pourra me confirmer que ce que je ressens n'est pas suffisant pour faire de moi un homo. En même temps, je vais aussi lui avouer que j'ai surpris sa conversation nocturne et lui dire ce que j'en pense. Je ne veux pas qu'il se fasse des films : ce n'est pas parce que j'ai apprécié toutes ces choses en lui hier matin qu'il doit espérer quoi que ce soit avec moi. Et promis, je ne ferai pas défaut à l'une des qualités qu'il apprécie chez moi : le respect. Ce sera une constante dans tout ce que je lui dirai ce soir, il ne devrait pas s'inquiéter à ce sujet.

– Très bien. Je te souhaite une bonne journée. Ta danse avec la table m'a fait rater l'appel de Sam, elle va bien rire quand je vais lui expliquer pourquoi je n'ai pas su décrocher.

Je vois que Kevin veut me poser une autre question et je ne sais pas pourquoi, j'ai la ferme impression qu'il se demande si j'en ai parlé à Sam mais, soit je me trompe, soit il n'ose pas. Il me salue, enfile rapidement ses chaussures, me souhaite une belle journée et tourne les talons.

Je me surprends à humer les derniers effluves de son eau de toilette une fois la porte refermée. Et, bon sang, voilà que mon érection me reprend. Il faut que j'arrête ce déni, ce que je ressens n'est pas habituel. Kevin m'a fait quelque chose physiquement hier et ce quelque chose est en train de se transformer en une forme d'attirance. Je ne suis pas gay, moi, pourtant ! Donc ce n'est pas une attirance pour les hommes. D'ailleurs ça n'apparaît pas comme ça du jour au lendemain ce truc. Non, je suis attiré par Kevin. Voilà, ça doit être ça. Je ne sais pas en fait. Peut-être suis-je tout simplement déjà nostalgique de ses mains sur moi. Ou alors, est-ce déjà le manque de sexe qui revient ?

Ma copine me manque mais je veux rester fidèleWhere stories live. Discover now