Ma copine me manque mais je veux rester fidèle

Chapitre 5

– Non Léa, c'est dans les films ça. L'histoire du gars qui arrive à séduire un hétéro, c'est juste un fantasme. Et moi c'est plus que ça avec lui. Je suis vraiment amoureux tu vois. Et j'ai rien fait pour et lui non plus. Je comprends pas ce qui m'arrive. Dès que je l'ai vu, la première fois, mon cœur s'est littéralement emballé et c'est pas une image. A chaque fois que je le vois dans l'appart, ça me fait ça. Son sourire, sa voix, ce qu'il dit, la manière dont il voit le monde. Ça me rend dingue systématiquement. Il est si gentil, si prévenant, si amoureux de sa copine et si respectueux d'elle et des autres. Ce gars est l'incarnation du respect. C'est la personne hétéro qui me respecte le plus. A chaque fois qu'il dit quelque chose qui pourrait me heurter, il s'excuse et explique ce qu'il veut vraiment dire. Et de manière générale, il pense toujours aux autres quand il fait ou dit quelque chose. Putain, c'est l'homme parfait !

– Ben oui je pleure ! Ca me fait toujours ça au bout d'un moment quand je pense à lui. Alors, il faut que ça s'arrête. Mon psy n'arrête pas de me dire que je dois passer à autre chose et moi, qu'est-ce que je fais ? Je profite de son manque de sexe pour lui proposer un coup tordu... J'ai envie de me jeter par la fenêtre là.

J'entends dans sa voix que Kevin pleure maintenant à chaudes larmes. Je sens bien qu'il parle tout doucement pour être certain que ça ne s'entende pas depuis ma chambre. Sa voix tremble et ses sanglots sont étouffés mais bien réels. Il marque à présent une pause ou bien il écoute ce que Léa lui dit. Ca me fait mal d'être la cause de tant de souffrance. Alors qu'il y a quelques secondes j'étais prêt à rentrer dans sa chambre et lui casser la figure, voilà que je me mets à être triste pour lui. Mais Kevin reprend déjà la parole :

– Non, le truc c'est que l'amour que je ressens pour lui est sincère putain. Je te dis, c'est la première fois que je ne contrôle rien de mes sentiments, je suis victime de ce que je ressens, je n'arrive pas à penser à autre chose. Quand je rentre des cours, rien que l'idée qu'il sera à l'appart me donne des ailes pour rentrer plus vite. Et le fait est que parallèlement à ça, sa présence, son odeur, absolument tout en lui me donne systématiquement une trique d'enfer. L'entendre exprimer son manque de sexe ce matin, je n'en pouvais plus. J'avais envie de lui sauter dessus et de le dévorer. Même si je regrette ce que je lui ai fait, je sais que mon corps exigeait que je fasse plus. Je me suis fait violence pour me limiter à cette mascarade de masturbation assistée. Et maintenant, il est plein de remords. Non Léa, il finira par se rendre compte, par m'en vouloir. Et comme tous les hétéros, il va nier avoir aimé ce qui s'est passé et me rejeter entièrement la faute. Et le pire c'est qu'il aura raison.

Je ne peux que deviner une Léa tentant de le consoler, de le rassurer. Et moi qui venais à la base pour que lui me réconforte sur mon ressenti, me voilà à imaginer ce que je pourrais lui dire pour qu'il aille mieux. Mais, je ne suis pas censé entendre cette conversation. Kevin se mouche, il respire plus fort et reprend la parole :

– Non Léa, c'est trop pour moi. J'ai pris ma décision, je ne vais pas reprendre l'appart l'année prochaine. J'ai déjà commencé à chercher autre chose et surtout, dans un autre bâtiment du campus. J'ai essayé toute l'année scolaire de me contenter de son amitié mais je n'y arrive pas. Si je continue, je vais péter un câble. Et je vais vraiment me fâcher avec lui du coup. Mais c'est peut-être ça la solution. Je lui dis tout, il me casse la figure, il me chasse de la coloc et je prends un nouveau départ. Putain, mais je sais pas Léa !

Kevin vient d'élever la voix. Il lâche un « merde » en chuchotant se rendant compte du bruit qu'il fait.

– Nan je vais rien lui dire, rassures-toi. Kevin va reprendre son petit rôle de colocataire gay, sympa et équilibré. Je serai souriant, décontracté et s'il s'inquiète encore pour ce matin, je le rassurerai comme il faut. Et dans quelques jours, pour être sûr qu'il ne se doute pas que tout cela est lié, je lui dirai que j'ai des soucis d'argent et que je dois prendre un logement moins cher.