Give Me Your Pain

985 45 8
                                    

POV Danielle

3 semaines plus tard, plateau de tournage

.

Il est presque 17 heures à ma montre. Pour être honnête avec vous, cette journée de tournage est éprouvante. Nous tournons plusieurs scènes à différents endroits, décors sur plateau et lieux réels à l'extérieur, et ça depuis plus de sept heures maintenant. Nous sommes sur le tournage des deux premiers épisodes de la reprise de « mid-season », les premiers épisodes passant à la télévision après la pause hivernale. Cette pause que beaucoup de fans impatients détestent ouvertement. Bref, vous voyez de quels épisodes je parle ? Oui, je veux parler de celui de la mort tragique du Docteur Andrew DeLuca, le petit frère de ma petite amie dans Station 19.

Ces épisodes qui vont me faire découvrir une autre facette du jeu d'actrice de Stefania dans une peine jouée avec justesse et fort réalisme de mon point de vue. Vous voyez pour moi, Stefania dans la série ou dans la vie réelle en fait aussi, c'est un sourire, un soleil qui rayonne, elle apparait et soudain le monde va mieux mais là c'était différent, très différent des autres scènes que j'ai joué avec elle. Certes, cette journée doit être davantage éprouvante pour Stefania car jouer la souffrance, l'impuissance face à la mort violente, la tristesse et surtout devoir pleurer autant qu'elle l'a fait pour les besoins de l'histoire devant la caméra et sur autant de scènes d'affilé est quelque chose de difficile qui à la longue nous atteint et joue sur nos nerfs.

Sachez-le, nous sommes des acteurs, c'est vrai mais nous sommes surtout des humains et pleurer n'est pas chose aisée à vivre et encore plus sur une longue durée. Parfois, nos techniques pour arriver à sortir nos larmes sur commande passent par des pensées tristes, sombres, très dures, vraies ou fausses. Chaque acteur utilise ses propres techniques, pour certains pleurer c'est aussi facile que de sourire ou de faire un clin d'oeil mais nous n'avons pas toute cette chance et c'est pour cette raison qu'un acteur a souvent besoin d'un peu de temps après certaines scènes éreintantes pour l'esprit ou pour le corps, histoire de se rassembler si je puis dire. Certaines émotions jouées par l'acteur se mêlant parfois étrangement et pas de la plus plaisante des manières à notre humeur, notre état d'esprit du jour, d'une fissure réelle ou d'un problème lié à notre vie personnelle resurgissant car elle l'aura décidée. Il y a des acteurs qui arrivent avec grande aisance à séparer très simplement sa propre vie d'un rôle, mais certains rôles parfois déteignent sur nous, plus qu'on le voudrait. Cela peut même désarçonner sur le moment, mais le temps sur un plateau de tournage c'est de l'argent comme vous le savez, il faut vite savoir se reprendre, l'expérience aidant, mais avoir des collègues bienveillants rend les choses beaucoup plus agréables.

Tout ça pour vous dire que cette journée est beaucoup plus dure à vivre que je ne l'aurais cru, il est vrai que ce n'est pas la première fois que je vois mes chers collègues être dans la peine en jouant leur personnage et que cela m'atteigne un peu était clairement déjà arrivé. Je suis quelqu'un d'hyper-sensible donc vous comprenez. Mais je ne sais pas, avec elle, avec Stefania c'est intrinsèquement différent. Comme beaucoup de choses d'ailleurs. Tout parait décuplé. Est-ce elle ? Est-ce moi ? Ou est-ce l'addition de nous deux ? M'être rapprochée en amitié de ma partenaire dans la série, n'aide pas je pense. Enfin, si, peut-être à rendre certaines scènes à l'écran plus vraies que nature car croyez-moi quand je vous dis que de voir Stefania jouer son rôle à la perfection, voir ses jolis yeux voilés, la voir en larme si intensément, la voir sortir ça avec ses tripes de je ne sais où, littéralement brisée par la mort du petit frère de son personnage, et bien non, je ne peux rester de glace. La voir dans cette souffrance aussi fausse soit-elle en réalité, me touche tellement.

Oui, cela m'atteint réellement. Rien que d'y penser, là maintenant, ça me fend le coeur. Est-ce bizarre ? Cette envie d'être proche d'elle, de la réconforter avec une caresse, une main attentionnée ou juste la serrer, la frôler ; tout ça n'est presque pas joué, forcé ou surjoué. Enfin, non je crois que ça, je ne le joue pas. Est-ce profiter de mon rôle ou d'elle que de la toucher en en ayant vraiment envie ? Est-ce que je la trompe d'une certaine manière ? Parfois je me dis que je ne devrais pas ressentir ça, enfin pas sans lui en parler. Peut-être qu'il le faudrait... Et puis, mince ! Je suis tactile, très tactile même et avec tout le monde et c'est le genre de choses que j'ai l'habitude de faire.

Mon regard compatissant, aimant et attentif à son mal-être derrière la caméra n'est pas feint, non il ne l'est pas, tellement Maya me ressemble ou plutôt que je ressemble à Maya sur certains points et de plus en plus. Stefania est la femme que j'aime à l'écran ; enfin non, Carina... Vous voyez, je me perds si facilement quand je parle d'elle.

.

.

POV Danielle

19h, plateau de tournage, même journée

.

- Et coupez ! Parfait, c'est bon. Pas la peine de refaire cette séquence, j'ai ce que je voulais. J'ai toutes les scènes pour ce plan et les différentes prises avec les deux angles suffiront. Filmer en caméra épaule ne pose pas de soucis à l'image, on va laisser comme ça. Fit le réalisateur s'adressant au chef opérateur à ses côtés mais aussi pour toute l'équipe, y compris les acteurs.

Puis, il rajouta :

- Très bien, merci pour cette journée de travail l'équipe. On remet ça demain et avec la même bonne énergie qu'aujourd'hui. Eh Stefania, tu as été géniale.

- Merci. Dit-elle simplement, humblement alors qu'elle venait de s'essuyer un peu le coin des yeux avec un mouchoir avant de le ranger dans sa poche.

Son sourire était sur ses lèvres mais je la connais maintenant et elle n'avait pas l'habitude de ne répondre qu'un simple petit mot. Elle est du genre à débiter des mots à une vitesse folle, les bras s'agitant de toutes parts et tout ça avec son accent italien qui ressort crescendo. J'adore. Enfin, ce que je veux dire c'est que j'en ai très vite conclu qu'elle était fatiguée et usée par ses séquences tristes en plateau.

- « Ma sì perfetta » ! Fis-je un peu maladroitement pour la faire sourire, alors que je la sers contre moi.

Elle me rend mon étreinte. Elle rit joliment tout en me félicitant pour mes quelques mots.

- Joli ton italien. Alors tu apprends vraiment, ce n'est pas une blague... Je croyais que tu disais ça comme ça.

- Bien sûr que j'apprends, pourquoi est-ce que je te dirais des bêtises à ce sujet ?

Elle sourit à mes mots enjoués alors que je fronce faussement les sourcils mais elle n'était pas encore remise et sans que je m'en rende compte, déjà je lui proposai :

- Je vois que ces séquences t'ont un peu atteinte, ce que je comprends totalement vu que j'ai eu vraiment de la peine de te voir comme ça, j'ai eu envie de te réconforter même sans jouer Maya, tu vois ton jeu m'a réellement touchée. Est-ce que tu veux qu'on reste ensemble ce soir et qu'on boive un peu de vin ? Et je ne dirais pas non à cette chose délicieuse au fromage que j'ai goûtée la dernière fois.

- Merci, Danielle. Tu es si mignonne, « fidanzata ». Avec plaisir, ta compagnie ne pourra que me faire du bien. Oh, tu parles des « grissini al formaggio », je dois avoir ça chez moi, oui.

Par réflexe, elle me prend dans ses bras succinctement, je crois qu'elle me remercie d'avoir lu en elle. Toutes deux habituées par cette proximité allant de paire avec notre travail, nos rôles, n'est-ce pas ? L'équipe de tournage avait l'habitude qu'on soit collé tout le temps l'une à l'autre, tout le monde sur le plateau savait qu'on passait notre vie à faire des stories Instagram, des soirées séries TV et des Visios live en compagnie l'une avec l'autre. D'ailleurs, cela ne rassurait pas toute l'équipe car ils avaient toujours peur qu'on « spoil » en direct et dévoile un détail important aux fans qui n'attendent que ça.

Vous savez, notre routine était faite d'une belle spontanéité alors parfois je débarquais chez elle à l'improviste dans sa jolie maison aux allures « provençales » et inversement. Par exemple, pendant la pause hivernale, vivant toutes les deux à Los Angeles, nous étions toujours fourrées chez l'une ou chez l'autre et oui, même sans que vous ne soyez au courant de quoique ce soit mes chers fans de Marina.

Réalité ou fiction [En pause]Where stories live. Discover now