Chapitre 8

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« Les plus grandes victoires sont celles que l'on remporte sur soi-même. »

Flavius Belby, Comment la bavboule m'a sauvé la vie, éd. Wizard-Sport, 1787.


(Il fut un temps.)


Le Club des bavbouleurs s'était brisé.

Amos en était venu à cette triste constatation en Histoire de la Magie, alors que la voix monocorde de Binns échouait à prendre le pas sur ses pensées. Il ne pouvait pas s'empêcher de s'identifier aux gobelins en pleine révolte. Quelle tristesse ! Ils s'approchaient de la victoire, tous rassemblés contre les sorciers. Il avait fallu qu'Ulrik la Malice se faufile chez l'ennemi pour leur voler leur arme secrète. Mais voilà, Barbok le Barbu, gobelin ambitieux mais intègre, s'était fâché contre ses méthodes. Incapables de s'entendre, ils avaient tous fini par faire bande à part et adieu la révolution !

Ce n'était pas si différent du drame de Gouroc St. Vulfric, quand on y pensait. Dans les deux cas, alors qu'ils auraient dû avoir un projet commun, ils laissaient les divisions les affaiblir !

Amos jeta un coup d'œil du côté de Rufus. Son ami ne l'avouerait jamais, mais il n'était pas beaucoup plus heureux. Il ne plaisantait plus beaucoup depuis la « rupture » et chaque fois qu'il avait le malheur de croiser Ludo, Barty ou Cornelius, ses yeux lançaient des éclairs.

« Qu'il se la mette là où je pense, sa foutue Charte... »

Parce que non, Rufus n'arrivait pas à être heureux. Et ça le frustrait. Il ne comprenait pas. Plus de réunions voulait dire du temps libre, beaucoup de temps libre. N'était-ce pas ce qu'il avait toujours voulu ?

Adieu réunions interminables présidées par un individu aussi aimable qu'un pic à glace !

Plus jamais il subirait les foudres de Barty pour être arrivé trente secondes en retard. Terminées, les blagues à deux balles de Ludo ou la lâcheté de Cornelius, il laissait derrière lui les placards à balai et son allergie à la poussière.

Il en avait rêvé de ce temps libre, il l'avait ! Il pouvait sociabiliser avec les filles ! Sortir son vieux balai du placard, entamer une bataille explosive avec les garçons de sa maison, remplir son rôle de Préfet trop souvent négligé. Il avait même du temps pour s'ennuyer !

C'était ça, la vie sans bavboule : la liberté.

— Tu ne crois pas qu'on devrait leur parler ? souffla Amos.

— Je te l'ai dit : si l'autre rabat-joie veut discuter, il sait où me trouver.

C'était plutôt clair pour Rufus : il n'avait pas envie de retrouver la salle de réunion, surtout pour écouter la voix glaciale de Barty régler des détails administratifs. Et puis, le Serdaigle l'avait dit lui-même, non ? « On n'a pas besoin de toi. »

Rien que d'y penser, il en était furieux. Bien sûr, Rufus n'avait pas été tendre envers la Charte, mais les mots du Serdaigle avaient toujours su trouver leur cible.

— Barty, faire le premier pas ? s'étonna Amos.

Rufus lui décocha un regard noir.

— Et pourquoi pas, hein ? Ça le tuerait pas d'être sympa de temps en temps plutôt que de passer son temps à m'engueuler.

— Barty... sympa ?

Il était vrai qu'il n'utilisait pas le vocabulaire qui s'appliquait le plus au jeune Serdaigle.

Bavbouleur un jourWhere stories live. Discover now