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— Excusez-moi de vous déranger, j'aurais aimé vous poser quelques questions sur une danseuse qui aurait dansé ici il y a longtemps

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— Excusez-moi de vous déranger, j'aurais aimé vous poser quelques questions sur une danseuse qui aurait dansé ici il y a longtemps.

La professeure de danse lui jette un regard austère, ne se gênant pas pour le détailler de la tête aux pieds. Megumi tique. Il déteste les gens qui juge l'apparence en se basant sur les préjugés. Il a l'impression qu'elle l'inspecte sous toutes les coutures, comme si elle cherchait à pénétrer son âme.

— Vous n'êtes pas danseur, je me trompe ?

— En effet. Mais je ne voulais pas vous concerter à mon sujet.

— Cessez de traîner en longueur, j'ai horreur des gens qui tournent autour du pot. J'ai un autre cours qui commence dans dix minutes, tâchez de faire vite.

Il n'aime pas du tout la façon dont elle s'adresse à lui. Elle le regarde de haut et ne cache pas le dédain qu'il semble lui inspirer. Il sent Kishi serrer son bras un peu plus fort tandis que la professeure de danse lui jette un regard austère, il soupire intérieurement pour ne pas lui mettre son poing dans la figure et poursuit son interrogatoire.

— C'est à propos d'une danseuse qui aurait peut-être assisté à vos cours il y a de ça des années. Elle se faisait appeler Kishi Ikari.

— Je vous demande pardon ?

Son regard a changé, il s'est assombri comme son justaucorps qui tire sur le noir. Visiblement, ce nom ne lui est pas inconnu. Megumi ne dit rien, attendant qu'elle lui explique sa réaction. Il reste impassible, mais contrairement à lui, Kishi a du mal à se contrôler, en témoigne la poigne de ses mains autour de son bras droit. Il ne serait d'ailleurs pas étonné qu'elle y laisse des marques rouges.

— Pourquoi vous intéressez-vous à une jeune fille décédée il y a plus de quinze ans ?

— C'est personnel. Alors, elle faisait bien partie de vos cours ?

La femme laisse passer un ange. Il passe lentement, il flotte entre eux comme une plume poussée par le vent. Elle a froncé les sourcils, elle jauge Megumi du regard. Elle a l'air de se demander si elle peut lui en parler ou s'il vaut mieux le mettre à la porte à cause de son inconvenance.

— Oui, mais son vrai nom n'est pas Kishi Ikari. C'est un surnom que lui avait donné ses camarades.

— Pourquoi ?

— À cause de sa façon de danser, mais c'est également un jeu de mot avec son vrai prénom. Elle s'appelait Kioshi Ikeda. Kioshi signifie calme, mais Kioshi n'avait rien de calme. Que ce soit sa personnalité ou sa façon d'interpréter une danse, Kioshi était une boule de feu qui évoquait la mer sous la tempête. C'est comme ça qu'est né le surnom de Kioshi Ikeda : Kishi Ikari, le bord de mer en colère.

Au fil de son explication, Kishi a petit à petit relâché son emprise sur le bras de Megumi. Elle observe avec fascination cette femme qui la connaît mieux qu'elle-même. Megumi ignore pourquoi, mais il sent poindre en lui un soupçon de fierté. Il est content de pouvoir aider Kishi à trouver réponses à toutes les questions qu'elle se pose sur sa vie d'avant.

— Je vois.

— Vous ne devriez pas évoquer son nom trop souvent. Ça pourrait être perçu comme de la provocation.

Megumi fronce les sourcils, il ne comprend pas. Il sent une brise glaciale se faufiler entre ses vêtements et faire onduler ses cheveux. La femme frissonne, l'ambiance semble s'être rafraîchie. Kishi s'est tendue, il la sent stressée. Comme si elle se doutait de la révélation de son ancienne professeure de danse et qu'elle savait que cette vérité ne serait pas plaisante à entendre.

— Ne me dites pas que vous ignorez comment elle est morte ?

Son ton s'est fait plus bas. Elle a chuchoté ces mots comme si elle avait peur qu'on l'ait entendu. Elle avait l'air de lui confier un secret, un secret inavouable et destructeur.

— Non, je ne le sais pas.

La femme le dévisage à nouveau. Elle tremble, Megumi ignore si c'est à cause du froid qui s'est installé ou la confidence qu'elle hésite à lui confier.

- Elle s'est suicidée, murmure-t-elle enfin.

C'est au tour de Megumi de se figer et d'écarquiller les yeux de stupeur. La brise le percute de plein fouet, lui gèle le sang et les os. Il ne s'était jamais posé de question sur la mort de Kishi, mais il était loin de se douter de la vérité. Son cœur bat un peu plus vite et pour une fois, ce n'est pas à cause de Kishi qui a plaqué son bras entre ses seins. Un sentiment de tristesse qu'il n'a pas ressenti depuis bien longtemps enveloppe son cœur, il se mord la lèvre.

Il tourne la tête à sa droite et la vision que lui offre Kishi le bouleverse tout autant. Elle semble aussi surprise que lui. Elle s'est immobilisée et assimile la révélation avec stupéfaction. Megumi ignore si elle est sur le point de s'effondrer ou de lui agripper le bras pour s'empêcher de fléchir.

Finalement, Kishi tient bon sans son aide. Malgré ses jambes aussi faibles qu'un vol de papillon, elle reste debout.

— Ça fait quinze ans maintenant, ça faisait longtemps que je n'en avais pas entendu parler. En particulier venant de la part d'un lycéen. Vous êtes de la famille ?

Megumi ne sait pas quoi répondre. Son cœur pèse si lourd dans sa poitrine qu'il a l'impression de porter une boule de bowling. Doucement, Kishi s'accroche à son bras. Elle est beaucoup plus délicate que tout à l'heure comme si cette fois-ci, c'était à elle de le réconforter et de lui envoyer du courage. Elle hoche la tête avec un sourire pour montrer à Megumi qu'elle va bien.

— En quelque sorte, se contente-t-il de répondre.

La femme opine de la tête. C'est à ce moment-là que de nouvelles danseuses pénètrent dans le gymnase, sortant des vestiaires habillées de leurs justaucorps blanc. Megumi comprend qu'il est temps de s'en aller, il s'incline devant la professeure de danse pour la remercier de sa patience.

Lorsqu'ils sortent de la salle, il inspire une grande bouffée d'air comme s'il respirait à nouveau.

Les cris du typhonWhere stories live. Discover now