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Megumi relève la tête lorsqu'il reçoit une goutte sur le nez

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Megumi relève la tête lorsqu'il reçoit une goutte sur le nez. Le vent se lève, il se rappelle de ce que les profs leur ont dit avant de partir :

— Et faites attention en rentrant chez vous : ne traînez pas, il y a un typhon qui se prépare.

Les cyclones ne sont pas si rares dans leur région, mais celui-ci s'annonce particulièrement violent. Surtout que sa ville est située sur la côte sud du Japon, la mer qui se déchaîne est un spectacle impressionnant. Megumi a eu l'occasion de l'apercevoir une fois, tandis qu'il rentrait chez lui après les cours. Tels des chevaux lancés au galop, les vagues avançaient à toute vitesse sur la plage où elles s'écrasaient avec fracas.

Il les a contemplé un instant, subjugué par la beauté de l'océan qui exprimait sa rage à travers l'écume opaline qui pétillait sur le sable blanc. Puis le vent l'a poussé dans le dos, il a senti la pluie s'infiltrer sous ses vêtements et il a repris conscience. Il a repris sa marche, le cœur battant à vive allure.

Depuis ce jour, Megumi nourrit un mélange de peur et d'attirance envers l'océan, qu'il soit au repos ou non. Un sentiment contradictoire qui lui tord le ventre chaque fois qu'il passe par la plage pour retourner chez lui et que son regard se pose sur l'étendue d'eau salée qui s'étale jusqu'à l'horizon. Il a envie de plonger à l'intérieur, de ne faire qu'un avec la mer, de laisser son corps retrouver cet élément dans lequel il se sent si bien. Mais il est effrayé à l'idée de se laisser engloutir par les flots, de ne pas réussir à remonter à la surface et de finir par se noyer sous la pression.

Alors Megumi reste passif. Il se contente de l'observer de loin en attendant de choisir son camp, de voir lequel de ses deux sentiments contradictoires prendra le dessus.

Encore une fois, il s'est trop longtemps attardé dehors et le typhon est déjà là, prêt à le dévorer tout entier. Il s'en veut de s'être aventuré si loin de chez lui en sachant qu'une tempête se préparait. Il n'avait simplement pas pu résister à l'idée de rendre visite à Shiro et Kuro, deux chiens errants semblables à des loups pour lesquels il s'est pris d'affection.

Il a fait leur rencontre un jour de pluie, tandis qu'il marchait tranquillement en direction du lycée abrité sous son parapluie. Près du temple après le pont, deux chiens blanc et noir semblaient l'attendre, assis sur leurs pattes arrières.

La scène était étrange, improbable, irréelle. On aurait dit des esprits protecteurs, les gardiens mystiques du sanctuaire. Megumi ne les avait jamais vu, mais leur poil était propre et ils semblaient en bonne santé. Il ne croyait pas aux fantômes ou aux yokai, ce qui explique sans doute la réaction modérée qu'il a eu. Il ne s'est pas posé de question avant de leur frotter la tête et de continuer son chemin.

Dans son dos, les deux chiens l'ont regardé s'éloigner du coin de l'oeil. Megumi a senti un frisson, et lorsqu'il s'est retourné dans leur direction, ils avaient disparu.

Depuis, chaque fois que Megumi passe devant le temple, Shiro et Kuro — renommés ainsi en raison de la couleur de leur pelage — l'accueillent la queue remuante et la langue pendante. Megumi a pris l'habitude de jouer avec eux. Il ne les a jamais aperçu ailleurs que dans les alentours du sanctuaire. Quand il en parle à ses camarades de classe qui empruntent le même chemin que lui, ils affirment ne jamais avoir vu ces chiens, si bien que Megumi se demande parfois s'ils ne sont pas le fruit de son imagination.

Mais il sait que la sensation de ses doigts entremêlés dans leurs poils est tout sauf irréelle. Les chiens ont sûrement peur des autres et c'est ce qu'il répond à ses camarades de classe qui le dévisagent et sous-entendent dans leurs remarques déplacées qu'il a des hallucinations.

Il a tendance à ne plus voir le temps passer quand il s'attarde pour jouer avec eux. Les secondes se transforment facilement en minutes lorsque ses mains se perdent dans leurs fourrures vaporeuses. Ainsi, tandis que le vent menace de déraciner les arbres les plus fragiles et que la pluie tombe si fort que des flaques se sont déjà formées, Megumi court pour rentrer chez lui avant que la tempête ne dégénère.

Il n'essaye même pas de sortir le parapluie de son sac, sachant qu'il ne lui serait d'aucune utilité au vu de la puissance du souffle des nuages qui rugit contre ses oreilles. Il s'arrête un instant, juste avant de passer par le pont et de retrouver sa maison. À bout de souffle, les mains sur les genoux, il observe les vagues remuer les entrailles de l'océan, hypnotiques et meurtrières. Son cœur bat de plus en plus vite.

Il se remet à courir, même si c'est dangereux parce qu'il peut glisser à tout instant, même si c'est dangereux parce que le vent est si fort qu'il pourrait le faire décoller du sol et le jeter dans les profondeurs de la mer. Il est tellement concentré dans sa course qu'il ne voit même pas la fille sur le trottoir d'en face, debout sur la rambarde censée la protéger de la chute. S'il ne l'avait pas entendu crier, Megumi ne se serait pas arrêté.

Malgré le grondement du vent, le clapotis de la pluie et le mugissement des flots, Megumi perçoit ce cri qui se détache des hurlements du ciel et de la mer. Il se stoppe soudain dans sa course pour se tourner vers cette silhouette perchée sur le rebord face à l'océan. Les yeux écarquillés et le cœur battant, il observe cette fille en uniforme hurler à plein poumons un mot qu'il ne comprend pas, comme un appel de désespoir à l'attention de la tempête qui lui répond en se déchaînant de tout son soûl.

À ce moment-là, Megumi ignore s'il est subjugué par le typhon qui ne manquera pas de les engloutir s'ils ne vont pas rapidement se réfugier chez eux, ou s'il est tout simplement sous le charme de cette fille à la voix cassée par la rage qui déborde de ses yeux.

Les cris du typhonOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz