L'état de santé de Harry s'est dégradé seulement quelques jours après notre premier baiser. Je n'avais pas pu aller à l'hôpital pendant la semaine parce que je devais réviser pour mes examens, et quand je suis entré dans sa chambre le samedi matin, je n'y étais pas préparé. Il avait un masque à oxygène qui lui prenait presque le visage entier et son corps semblait minuscule sous les couvertures. Il dormait encore et le simple fait de le voir dans cet état m'a donné la nausée, si bien que je suis sorti, incapable de penser correctement. Ça ne devait sûrement rien dire, mais je sentais que quelque chose n'allait pas. Même si je n'avais pas pu venir physiquement, on s'était envoyés des messages presque tout le temps, mais à aucun moment Harry ne m'avait mentionné son état de santé. Pris de panique, j'ai couru à la salle de pause où l'une des infirmières était en train de remplir un dossier.

'Harry, qu'est-ce qu'il est arrivé à Harry ?!' je demande, le souffle court.

'Tu n'es pas au courant ?' me demande-t-elle en levant les yeux vers moi.

'Au courant de quoi, bordel ?'

Incapable de me calmer, je pose les mains à plat sur la table pour lui faire face. Elle me connaît bien et elle sait qu'il ne faut pas y passer par quatre chemins avec moi. Mais je sens qu'elle est gênée et qu'elle aurait aimé que je sache pour ne pas être celle qui va m'annoncer une mauvaise nouvelle. Sauf qu'à cet instant même, je m'en contre fout de qui est en face de moi, tout ce que je demande c'est des explications. Je veux savoir pourquoi Harry est branché à une assistance respiratoire alors que la dernière fois que j'étais avec lui, il était dans mes bras et qu'il allait bien.

'Son état s'est nettement dégradé en seulement quelques jours...' finit-elle par m'expliquer. 'Comment ça, dégradé ? Il allait bien la semaine dernière et il suit ses traitements à la lettre !'

'Louis, calme toi s'il-te-plaît. Tu sais très bien comment ça se passe avec des patients malades, un jour ils vont bien et le lendemain, sans vraiment savoir pourquoi, leur état change.'

'Mais pas avec Harry ! Il est solide, il ne peut pas dégringoler comme ça.'
'Le traitement commence à ne plus être efficace...'

Cette dernière phrase m'achève. Soudain, j'ai l'impression que tout mon monde s'écroule et que plus rien ne va. Sauf que ce n'est pas qu'une impression. Là, plus rien ne va et c'est un fait. Comme pour Nolan, je n'avais pas mesuré à juste échelle la gravité de la situation et j'avais tendance à même minimiser la cruauté de la maladie. J'avais vu Nolan souffrir, mais je n'y avais pas cru jusqu'à ce que le point de non retour ait été atteint. Et j'ai fais pareil pour Harry. On a passé un mois à s'apprivoiser, on a appris à s'aimer à notre façon et malgré le contexte difficile, c'était beau. C'était tellement simple que j'en avais oublié parfois que ses jours étaient comptés et que ce n'était pas à nous de décider de la fin. Elle a été programmé pour nous. J'étais tellement obnubilé par mes examens et la préparation de notre voyage au bord de la mer que, pas une seule seconde, je n'avais imaginé que la maladie pouvait devenir plus forte que les traitements. Et ça m'a anéanti.

'Tu vas devoir être fort Louis, et pour deux.'

Quand je suis retourné dans la chambre de Harry, il était réveillé et je me suis jeté dans ses bras. Il n'a pas ouvert la bouche, on est juste restés allongé dans ce lit trop petit pour nous deux, sans se lâcher. Je refuse de m'éloigner de lui, alors je le serre le plus possible contre moi. Je sais qu'il a peur, même s'il a eu le temps de se faire à l'idée qu'il est condamné, mais il n'en montre rien. C'est son corps tremblotant qui me le fait comprendre et je l'embrasse partout pour qu'il se détende. Le ciel est gris dehors, alors j'allume les guirlandes autour du lit pour le réconforter. Je devrais aller m'occuper des autres enfants, mais je n'en ai pas la force et je pense que tout le monde le sait, parce qu'on ne nous a pas dérangé pendant longtemps.

A drop in the oceanWhere stories live. Discover now