L'elfe

77 16 101
                                    


Quand Solenn se réveilla, elle voulut immédiatement se rendormir. Elle n'avait vraiment pas la force d'aller au lycée. Alors elle garda les paupières closes. D'autant plus qu'elle avait fait un rêve qui l'avait chamboulée : elle avait rencontré son père, il s'était excusé pour ses années d'absence et lui avait promis de se racheter et elle voulait se raccrocher de toutes ses forces à ce rêve pour l'empêcher de s'éloigner. Elle était sur le point de se rendormir quand elle entendit une étrange litanie. Une voix grave, dans sa chambre ?

Elle repoussa sa couette et se leva brusquement mais le martèlement dans son crâne la fit retomber sur l'oreiller. Elle se trouvait dans une pièce circulaire, dans un lit en bois. Il était sculpté très finement, formant des arabesques élégantes. Lorsque Solenn leva les yeux, elle vit un jeune homme aux yeux bleus, aux cheveux châtains mais surtout, aux oreilles pointues, assis à côté de son lit.

— Où suis-je ?! s'affola Solenn.

— Bonjour, répondit l'autre d'une voix légèrement angoissée. Mon nom est Enaël.

Il s'arrêta alors pour la regarder dans les yeux pendant quelques secondes.

— Je suis un elfe.

Solenn n'en croyait pas ses oreilles. Un elfe ? Sans doute se trouvait-elle dans un asile psychiatrique, ou bien peut-être était-elle simplement en train de rêver. Mais elle posa à nouveau les yeux sur ses oreilles pointues, anormalement réalistes, puis sur la finesse et la beauté de cette pièce, caractéristique, en effet, des elfes. Son nom, également, était étrange. Enaël ?

— Je sais ce que tu penses, dit-il. Que tout ceci est faux, qu'il s'agit d'une mise en scène. Mais laisse-moi te raconter une histoire.

Il attendit quelques secondes, l'air d'attendre son assentiment. Comme il ne venait pas, il reprit:

— Un jour, un homme dont on ne sait rien, appartenant à notre passé, à notre futur, ou bien à notre présent, nous a créés. Depuis, nous vivons ici.

— Nous ?

— Nous, les elfes, les fées, les amazones, les centaures, les géants, les sirènes, les lilliputiens, les nains et les gobelins. Pour chacun de ces peuples, il a élaboré une dimension correspondant à ses besoins et à son mode de vie. Tu es ici chez les elfes.

— Je... Non, c'est impossible. Comment ai-je pu arriver ici alors que je...

Elle fronça les sourcils au souvenir de cet épisode.

— Alors que j'étais en train de courir dans une rue en cul-de-sac.

— Cet homme, continua-t-il sans l'écouter, afin d'accéder aux dimensions, eut l'idée de disséminer aux quatre coins de ta ville des plaques d'égout, disons, spéciales. On appelle celles-ci des Passages Multi-Dimensionnels. Ils permettent de passer d'une dimension au monde des humains, mais c'est le seul déplacement possible. Tu ne pourras pas parvenir aux géants en passant par notre Passage, par exemple.

— Mais, c'est impossible, répéta Solenn, abasourdie. Je veux dire, pourquoi, non, comment ? haussa-t-elle le ton. Créer un monde parallèle ? C'est absurde !

Il se passa la main dans le cou, visiblement embarrassé.

— Vous êtes en train de nier mon existence et celle de milliers d'êtres aux pouvoirs magiques.

Solenn remarqua lors l'encyclopédie posée sur ses genoux.

— Pourquoi lisiez-vous ceci à voix haute? demanda-t-elle en désignant le livre du doigt.

DIMENSIONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant