Chapitre 8 : Un Mois

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Léonard trainait des pieds, malgré l'enthousiasme mal dissimulé de Dana, qui était ravie de faire le trajet jusqu'à leur lieu de travail en sa compagnie.

Cela faisait un mois que Léonard avait pris un congé, et il appréhendait. « L'affaire Bettanlit-Hautfourd » faisait la une de l'actualité depuis maintenant deux bonnes semaines et demi, et Léonard savait que les bourgeois parisiens ne parlaient que de ça.

Les rares fois où il était sorti dans des lieux publics, depuis qu'il s'était temporairement installé chez sa meilleure amie avec sa mère, il avait bien senti qu'on le dévisageait, qu'on murmurait sur son passage. Il essayait bien d'ignorer ces messes basses désagréables, mais c'était bien plus facile à dire qu'à faire.

Léonard n'appréhendait pas de se remettre au travail, loin de là. Il avait été pris dans des procédures judiciaires depuis que la police avait été mise au courant du possible empoisonnement de Charlotte Bettanlit par son mari.

Une première étape avait été franchie. Les deux expertises avaient bien établi que la substance récupérée par Anatole était du poison, et ils avaient pu obtenir une ordonnance d'éloignement. Bernard Hautfourd ne pouvait plus approcher celle qui restait pour le moment sa femme. L'audience devant le juge quant à l'annulation du mariage était prévue le mois suivant.

Ce que Léonard appréhendait, c'était le regard de ses collègues.

Serait-il toujours apprécié ? Il était resté passif pendant treize longues années, incapable de tenir tête à son beau-père, mettant de cette façon sa mère en danger. Il avait honte, honte d'avoir gardé le silence tout ce temps, derrière l'excuse de ne pas vouloir faire de mal à sa mère.

Il aurait dû prévoir que sa mère finirait par souffrir tôt ou tard. À quoi est-ce qu'il s'attendait ? À ce que le Duc finisse par tomber amoureux d'elle ? Il n'avait juste pas de courage, il n'était qu'un lâche. Personne n'aimait les lâches.

Sa meilleure amie avait bien tenté de le rassurer, lui affirmant que ses collègues lui demandaient presque tous les jours de ses nouvelles, et s'ils pouvaient faire quelque chose pour l'aider. Léonard avait dû mal à y croire.

Dana avait visiblement demandé elle aussi conseil à Kleatin, qu'elle devait connaître mieux qu'elle ne voulait bien le dire à son meilleur ami. Au cours de l'un de leur rencontre, l'avocat lui avait dit qu'il ne devait pas se blâmer pour la situation. Il n'avait que dix-sept ans quand sa mère s'était remariée et s'il était à un an de l'âge adulte, il restait un enfant, au moins aux yeux de la loi. Et les enfants n'ont pas à payer pour les erreurs des adultes.

Kleatin lui avait également rappelé qu'il était seul contre trois, même si Anatole avait récemment retourné sa veste. S'il avait pu, son père l'aurait sûrement déshérité, mais la loi française n'autorisait pas de telle chose. Un parent peut seulement déshériter son enfant si celui-ci commet un crime envers sa personne, ou quelque chose du genre, s'il avait bien compris.

Léonard avait toujours tenté de se convaincre du contraire, mais il se souciait du regard des autres. Ça lui plaisait d'être le collègue sympa avec qui on peut rire et discuter de tout, et qui est toujours prêt à rendre service. Il se doutait bien qu'il serait désormais le pauvre Léonard, et que les gens seraient beaucoup plus sur la retenue en sa compagnie.

— Allez, Lenny, on va être en retard !

En retard par rapport à quoi ? On arrive toujours une heure avant tout le monde.

— Je n'ai pas envie d'y aller... Tu m'avais dit de prendre autant de temps que je voulais, non ?

La créatrice s'arrêta dans ses pas et se retourna vers son assistant qu'elle commençait à distancer.

CendrillonWhere stories live. Discover now