Chapitre 4

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Je m'arrêtai dans mon élan, interrompue par les deux personnes qui venaient de rentrer dans la pièce "Alice.. On est plus seules...". Elle se retourna et murmura "C'est pas vrai...". Je restai un moment à observer les deux individus de la tête aux pieds. Il y avait une fille et un garçon qui devaient avoir un ou deux ans de plus que nous. Ils étaient habillés en noir de la tête aux pieds, leurs bras étaient tatoués en intégralité et ils semblaient assez en colère. La fille s'avança vers nous et nous aida à nous relever
-C'est bon, prenez pas cet air effrayé, on vous fera aucun mal.
-On a rien contre les lesbiennes, ajouta son ami en riant
-Euh, on est pas lesbiennes, me défendai-je
-On fait juste des expériences. Pour essayer, compléta Alice
Ils s'étouffèrent de rire. Je me sentis extrêmement mal à l'aise. Je commençai à me ronger les ongles. Cela me gênait que l'on m'ait vu en train d'embrasser une fille mais ça n'avait pas l'air de déranger les autres. Le garçon, qui était jusque là resté en retrait, s'avança et lança "Moi c'est Thomas et elle c'est Julie, on est pas ensemble au cas où vous vous poseriez la question".

Après qu'Alice nous ai présenté toute les deux, Thomas attrapa une bouteille et en proposa à chacun de nous. Je pris une gorgée avant de la poser au milieu. Julie décida d'engager la conversation juste avant que je le fasse :
-Mais.. Qu'est-ce vous faites là exactement ?
-On s'est échappées de notre lycée et comme on cherchait un refuge, on s'est dit qu'une vieille maison abandonnée c'était une bonne idée. En plus, personne viendra nous chercher ici. Et vous ?, demandai-je
-Nous ? On a quitté le lycée l'année dernière, on s'est rendu compte qu'on arriverait jamais à rien dans la vie alors on noie notre chagrin dans l'alcool, rigola Thomas. On vit dans un appart' un peu plus bas qu'on a réussi à transformer en taudis en l'espace d'un mois. Et puis on a découvert cet endroit et on s'est dit que c'était toujours mieux de dégueulasser cette maison plutôt que notre appartement.

Je n'ai pas trouvé ça tout aussi drôle. Je me suis rendue compte que je finirai comme ça moi aussi. Coincée entre les murs d'un bâtiment insalubre, attendant que la mort se décide enfin à m'emporter. Les larmes me montèrent aux yeux, je décidai alors de boire un autre coup. Puis deux. Puis 3. Puis je finis la bouteille et en pris une autre avant de remarquer qu'Alice me regardait fixement. Elle m'attrapa le poignet, m'empêchant ainsi de boire un coup de trop. Je lui souris et la remerciai.

Nous venions à peine de commencer à nous amuser que mon téléphone sonna. Un appel de ma mère. "Oh non, pas maintenant !", pensai-je. Je décrochai avec un peu d'appréhension :
-Allo ?
-Zoe ? Rentre tout de suite ! Où tu es allée traîner encore ? Je t'avais dit de rentrer à 19h !
Je m'approchai de la fenêtre et vis qu'il faisait déjà nuit. J'aimais cette ambiance. J'aimais la fraîcheur de la nuit, sa noirceur, son ambiance lugubre. Je n'avais pas envie de rentrer. Pas après tous ces efforts que j'ai fait pour m'évader. C'était le moment ou jamais pour prendre cette liberté dont je rêvais depuis si longtemps.
-Maman, va te faire foutre.

Puis je raccrochai. Le groupe me regardai avec insistance. Je me sentis pendant quelques instant trop observée pour prononcer un quelconque mot.
-Quoi ? lachai-je finalement en souriant légèrement
-Ce que t'as fait... J'aurais jamais osé.. affirma Alice
-Respect, dit Thomas.

Ils me serrèrent chacun leur tour dans leur bras. Je me sentis pour la première fois aimée. "Je n'avais plus rien à perdre de toutes manières, et surtout pas ma mère.", murmurai-je à Julie qui me donna une grande claque dans le dos, comme un signe d'amitié qui me mit du baume au cœur.

Chronique d'une lesbienne refouléeWhere stories live. Discover now