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 Nos regards s'étaient croisés pour la première fois un matin de septembre. J'avais quatorze ans, je me sentais mal dans ma peau et dans ma vie, persuadé que personne ne pouvait me remarquer. J'étais un ado insignifiant, dégingandé et trop timide. Je vivais dans une bulle, gardée en place par ma mère. Je n'avais ni ami, ni personnalité. Je n'étais rien.

Il avait quatorze ans aussi, et il était tout. Des cheveux d'un brun éclatant, des yeux verts et une peau matte dans défaut. Il portait des converses jaunes et riait fort. Il était délégué de classe, sportif, aimé des professeurs et sortait avec des jolies filles.

Il avait suffi que je lui fasse une blague vaseuse pour qu'il éclate de rire en pleine classe. Un fou rire qui lui avait coupé le souffle, avait fait rougir ses joues. Nous étions en seconde, en cours de SES. Nous avions fini dehors, et meilleurs amis. Je n'avais jamais fait de blagues qu'à lui, et il avait découvert une part de moi que je n'aurais voulu montrer à personne d'autre. Il m'avait montré une part de lui qu'il ne montrât jamais à quiconque d'autre que moi.

« Il me faut un café »

Son regard lorgnait sur un MacDo qui bordait le périphérique. Je ne voulais pas perdre de temps, mais docilement, j'obtempérai. Je pris la première sortie pour accéder au Drive du fast-food. L'odeur du graillon de si bonne heure me soulevait le cœur.

L'interphone crachota pour nous demander notre commande. Ethan se pencha par-dessus moi, une main appuyée sur le volant pour répondre. Ses cheveux effleurèrent mon menton, un épi lui formait comme une plume sur le sommet du crâne.

L'employée derrière la vitre prenait son temps pour préparer sa commande. Il baissa le son des infos qu'il écoutait, il savait que je détestais ça.

« Tu vas me dire ce qu'il se passe. »

Je regardai s'éloigner la Clio rouge devant nous, il lui manquait un feu arrière. La plaque était alsacienne.

« Ed... »

La fenêtre de service s'ouvrit, je tendis le bras pour récupérer le tout et payer dans le même temps. Ethan grogna un vague « merci » quand je lui posai le gobelet et le sachet sur les genoux. Je me garai plus loin, le temps qu'il puisse manger.

« Tu as faim ? »

Je secouai la tête, il vint agiter son beignet au sucre devant moi.

« Si moi je n'ai pas mangé, toi non plus. »

Il approcha le met sucré de ma bouche, je le croquai pour lui faire plaisir. Le goût de la nourriture grasse dans ma bouche me fit grimacer mais il ne le vit pas, occupé à engloutir le reste. Je bus une gorgée de café trop chaud, le laissant me brûler la gorge alors que je l'observai lécher ses doigts.

« Je suis désolé pour Lola. »

Il ne dit rien, se contenta de grimacer lui aussi et haussant les épaules. Il se brûla à son tour en buvant.

« Tu sais Edwin, j'ai pas hésité une seule seconde hier. Ca ne veut pas dire que j'ai cru à ton histoire, je suis confiant mais pas encore complétement demeuré. Je veux savoir ce qu'il se passe.

_ Non.

_ Arrête tes simagrées. Tu le sais, je te suivrais jusqu'au bout du monde, mais pas Lola. Tu ne peux pas lui reprocher d'avoir mal pris le fait que je sois là, avec toi, à aller dieu seul sait où, à une semaine de Noël, pour soit disant aller faire du surf.

_ Tu as raison, on ne va pas surfer.

_ Est-ce qu'au moins on va à la maison ? En Vendée ? J'ai bien compris hier que ça ... Ca n'allait pas.

Le dernier arrêtWhere stories live. Discover now