Chapitre 9 - L'Expérience des Fentes

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Le trajet retour me fit du bien. Feid avait passé un bras autour de ma nuque, et pressait son corps contre le mien, m'offrant sa chaleur et sa présence, comme s'il avait besoin de moi autant que moi de lui. Ce qui était hautement improbable.

Arès marchait à côté de nous. Ni l'un ni l'autre ne parlait, et le silence m'aidait à me reprendre. Par moment, Arès effleurait le mnéis de Feid. Sans doute communiquaient-ils ainsi, se dispensant de paroles. Nous retraversâmes la passerelle, puis ils me conduisirent en direction du quartier des habitations où je n'étais encore jamais allé.

Voir le lieu où ils vivaient ensemble me fit mal. C'était une preuve bien trop tangible de la solidité de leur relation. Je me sentis comme un parasite entre eux.

Ils m'accueillirent pourtant dans leur appartement avec chaleur, me donnant l'impression que j'étais plus que bienvenu, que j'avais été longtemps attendu. Ils vivaient dans un loft spacieux partagé en plusieurs espaces : un salon avec un grand canapé d'angle, une espace cuisine, une chambre en partie dissimulée par des paravents holographiques occultants, et une salle de bain derrière une porte entrouverte, près du grand lit.

Arès murmura une commande vocale et la lumière se tamisa, la grande baie vitrée qui offrait une vue sur l'espace se colora lentement pour afficher un décor de plaine à l'herbe bleutée, sous la pluie. Le paysage brumeux eut sur moi un effet reposant, le bruit de l'eau était un délice.

― Je préviens son médecin qu'il reste avec nous, dit Arès à Feid, si le scan hormonal lui arrive avant qu'il le voie, il va paniquer. Je vous rejoins ensuite. Sois doux, mes phéromones ont dû l'épuiser.

Feid hocha la tête, prit ma main et m'emmena en direction de la salle de bain. Nous passâmes devant leur lit qui était immense. Nous aurions pu y dormir à trois sans manquer de place. Mais il faudrait certainement que je retourne au centre médical quand je me serais un peu calmé. Mon seul réconfort était que si je rentrais assez tard, je ne serais peut-être pas forcé de subir le traitement...

Feid baissa l'intensité de la luminosité dans la salle de bain lorsque nous entrâmes. Ici aussi, on entendait la pluie et derrière le large hublot, une illusion holographique réaliste à s'y méprendre offrait la vue d'un champ déroulant ses vallons d'herbe bleue dans la lumière vaporeuse.

Être dans une salle de bain avec Feid me fit l'effet d'un électrochoc. J'eus l'impression de m'éveiller de la torpeur dans laquelle l'étrange pouvoir d'Arès m'avait plongé.

Mais qu'est-ce que je foutais ? se secoua mon cerveau troublé. Il était l'amant d'un Aphaïs irrésistible, beau et puissant, confiant, fascinant, et bienveillant avec ça ! Arès était si parfait qu'il n'était même pas possible de le détester ! Il s'était forcément trompé, je ne pouvais tout simplement pas plaire à Feid comme lui me plaisait.

Et pourtant... J'avais envie de saisir cet instant. Je ne voulais que cela : ne pas me demander pourquoi j'avais le droit d'être là, ne pas imaginer qu'ils m'utilisaient peut-être pour s'amuser, et qu'ils me renverraient ensuite dans ma chambre d'hôpital le cœur lacéré. Je n'avais plus la force de réfléchir à comment me protéger, même mes espoirs étaient modestes : je ne rêvais pas de retrouver un jour les habitants de Sénéry, je ne rêvais pas d'être heureux, ni d'être aimé par Feid. Je voulais simplement me sentir vivant assez longtemps pour échapper aux griffes du désespoir.

Quand il envahit mon espace et posa ses mains sur moi comme si je lui appartenais, je sus que j'aurais ce dont j'avais besoin. Et peut-être même un peu plus.

Ses mains se posèrent sur mes épaules et remontèrent sur ma gorge. Il avait l'air concentré à nouveau, ses yeux semblaient chauffés au fer blanc et les espaces de l'iris laissés visibles par ses pupilles dilatées ressemblaient à de petites lames aux pointes acérées.

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