Intrication

Chapitre 4 - L'Énergie du Vide

La discussion avec les médecins dura encore un long moment. Leur comportement n'indiquait pas du tout que mes craintes les agaçaient, qu'ils étaient pressés ou attendus ailleurs. Au contraire, ils prirent le temps de me rassurer longuement. Opsyma fit apparaître des images holographiques montrant sur des modèles ce qui se passait exactement quand l'extracteur fonctionnait et ponctionnait le sperme. Il m'expliqua à quoi servaient les petites impulsions électriques, comment les testicules étaient vidés et à quelle fréquence les gamètes étaient créés par l'organisme.

Il répondit à mes questions, m'expliqua ce qui était douloureux et m'apprit qu'il existait des pommades apaisantes à appliquer sur les bourses après chaque ponction, si l'inconfort persistait plusieurs jours.

Ensuite, il fit de même avec le lavement, me montra comment l'eau emplissait le ventre et le gonflait, il m'expliqua pourquoi il n'y avait aucun danger, insista sur le fait que ce n'était que de l'eau tiède, sans aucun produit désinfectant, mais qu'elle était chargée en nutriments faits pour entretenir et préserver la flore entérique.

Lui non plus ne jugea pas opportun de m'expliquer à quoi servaient ces lavements. Et leur refus de me le dire me fit clairement comprendre qu'il s'agissait d'une chose vraiment, vraiment choquante.

Néanmoins, j'avais trop de sujets de préoccupations pour m'appesantir sur celui-là.

La dernière chose que m'expliqua Opsyma était que j'allais être épilé, de manière définitive. Ce fut la nouvelle la moins dérangeante de la journée, en vérité. Les humains pratiquaient également cela dans l'espace. L'air, l'eau les déchets organiques et la poussière étaient régulés par des machines. Et supprimer tous les poils du corps assainissait considérablement la qualité de vie en milieu clos.

La norme dans l'espace était donc d'être entièrement épilé, en dehors des cils, des sourcils, et des cheveux que chacun était prié de garder soit courts, soient précautionneusement attachés pour ne pas en semer partout.

Opsoei me proposa de m'épiler lui-même, plus tard dans la journée, juste avant de m'administrer mon traitement. J'acceptai.

Je crus que notre entretien était terminé, mais Opsyma m'annonça qu'il avait une autre nouvelle pour moi.

― J'ai parlé avec Gordra hier. Il est très important que tu t'intègres rapidement à la vie sur Ispé. Plus tu auras de liens sociaux et d'activités quotidiennes, plus vite tu récupèreras. Les contacts physiques, la camaraderie et les échanges de tendresse sont fortement recommandés et raccourciront la durée du traitement puisque ton seuil hormonal se stabilisera de lui-même. Gordra a accepté en l'attente de la décision définitive de l'Intelligence en ce qui te concerne, de t'intégrer à une équipe d'ingénieurs et de mécaniciens.

Il transmit un holographe à Opsoei qui étudia une liste de noms et une maquette virtuelle de la station, indiquant où se rendre.

― Tu dormiras dans le centre médical pour l'instant, continua Opsyma, mais si l'Intelligence te juge inoffensif et volontaire, tu seras officiellement intégré à la communauté de l'Ispé et tu recevras un poste, un appartement, et un salaire.

Cette fois, je fus réellement surpris. Vraiment ? Je n'allais pas être traité comme un prisonnier de guerre, ou un esclave ? Ils pouvaient m'intégrer à la station comme l'un des leurs ? Si un ressortissant de l'Intelligence avait atterri sur Sénéry, il aurait passé au moins dix ans en prison avant qu'on envisage même de le faire travailler dans les mines...

― J'ignorais que... Je ne pensais pas que vous pourriez me faire vraiment confiance, admis-je, gêné.

Ils sourirent tous les deux.