Chapitre 20

472 22 0
                                    

Dans la voiture, il n’y avait que Justin, moi et le silence, troublé seulement par le ronronnement du moteur. Gabriel nous rejoindrait tout à l'heure. Je m’étais laissé aller sur le siège, perdue dans mes pensées. Les arbres et les bâtisses  défilaient devant mes yeux, sans vraiment les remarquer.
—La journée a été riche en émotions, dit doucement Justin.
—C’est peu dire, soufflai-je.
—Je sais que tu n’es pas entièrement satisfaite de cette sortie, dit-il au bout d’un moment. Je devais te donner des réponses et au lieu de ça, te voilà avec de nouvelles questions.
Je ne lui répondis pas, à quoi bon le faire? Je voulais retrouver ma vie d’avant, loin de toute cette histoire.
—Que s’est-il passé entre toi et Jared pour que vous vous insupportiez à ce point?
Il changea du tout au tout. Je le vis se raidir et les lumières du tableau de bord me firent voir ses mains crispées sur le volant. Ses yeux devinrent froids et ses lèvres pincées  ne formaient plus qu’une ligne droite. « Avoir la rage », c’est l’expression qui me vint à l’esprit en le voyant dans cet état-là.
Quoi que Jared ait pu lui faire, ça devait être grave. S’il l’avait voulu, il aurait pu briser le volant avec sa force surhumaine mais il se retint, toujours crispé portant. Je ne pouvais pas savoir ce qu’il ressentait car je n’étais jamais passée par là. Je savais seulement que si ça avait été moi, si je m’étais trouvée à sa place en cet instant, j’aurais voulu avoir l’aide de quelqu’un  pour m’aider à passer au travers. Alors sans réfléchir plus longtemps, je posai doucement ma main sur son bras en y exerçant une légère pression. Je n’espérais pas qu’il se confie à moi, non. Je voulais simplement qu’il sache que j’étais là. Il expira longuement comme s’il avait retenu sa respiration pendant un temps.
—Je ne te force à rien, lui dis-je.
—Merci, dit-il au bout d’un instant.
Pour dissiper cette atmosphère tendue qui s’était installée dans l’habitacle, je tentai de changer de sujet.
—Tu m’as fait savoir que cette guerre a eu depuis quelques  siècles déjà, non?   
—Oui.
Il se demandait surement où je voulais en venir. Moi aussi d’ailleurs. Que ce soit sur le net, au cinéma ou dans les livres, les vampires avaient généralement des loups garous comme ennemis jurés. Il ne m’a pas dit si cette guerre était entre ces deux espèces.
—Les vampires et les loups garous se haïssent apparemment.
— C’est l’une des rares choses qui soit vraie au milieu de tout ce folklore.
— La guerre a fait de nombreuses victimes dans les deux camps mais où étions-nous? Enfin, je parle des humains. Je suppose que ça a du marquer notre histoire, non?
— Oui, à un moment ou un autre. Les trois espèces ont été atteintes.
— Alors, c’est quoi l’histoire?
— Pour reprendre ce que je disais, je ne sais pas laquelle de ces trois espèces est la plus ancienne. Je vais te dire ce que je sais. Depuis longtemps, les vampires considèrent les humains comme leur steak particulier. Ils les tuent dans différentes circonstances. Ça peut être à cause de la faim, de la frustration, du manque de contrôle dans le cas des tout jeunes vampires ou tout simplement par pure malveillance. Mais ça s’est empiré, pendant la guerre il leur fallait se nourrir  et le sang est quelque chose de vital pour un vampire. Je te passe les détails. C’est pour cette raison qu’il y autant de morts sur les champs de bataille. Toutefois, je n’essaie nullement de justifier nos barbaries.
Il s’arrêta à un feu rouge, signe qu’on était de retour en ville, et se tourna vers moi.
—Pour répondre à ta question, poursuivit-il, je vais te dire ceci. A cause de l’étrangeté de ces décès ou le fait que les autorités humaines n’ont jamais trouvé de coupable, ça vous a mis la puce à l’oreille et de là toutes les légendes concernant les vampires ont pris naissances. Des vies ont été brisées, totalement détruites et c’est ce qui risque de se produire une fois de plus.
—On doit l’empêcher ou du moins essayer. Avec l’augmentation de la population depuis les quatre dernières décennies, notre curiosité et nos nouvelles technologies, les résultats seraient catastrophiques.
—On fera tout pour éviter ça. Une fois suffit.
Le feu passa enfin au vert. D’après mes calculs, ça faisait environ une cinquantaine de minutes qu’on roulait et la durée du trajet dépassait à peine soixante minutes.
—Les loups garous et les vampires se haïssent, reprit-il. C’est dans nos gènes, on y peut rien. C’est en outre une façon d’équilibrer les choses. On s’entretue, comme ça on reste moins nombreux. La planète est déjà surpeuplée, pas la peine d’en rajouter une couche.
—Mais qu’est-ce que tu racontes?
—Disons que je viens de te faire comprendre ma façon de voir les choses et à mon avis la Nature a un sens de l’humour assez particulier.
—Et ton frère, il en pense quoi de tout ça?
—Il n’a jamais partagé ses pensées sur ce sujet.
Tout cela donnait matière à réflexion alors je m’y attelai en y consacrant les dernières minutes du trajet. Alors que Justin se garait devant la maison, j’en vins à la conclusion que le monde dans lequel je croyais vivre n’était qu’une illusion et maintenant que je m’étais réveillé, la réalité s’affichait à moi telle une immense affiche incontournable. Une arme pointer sur vous, un couteau sous votre gorge ou des crocs dans votre jugulaire, de jour comme de nuit le danger rodait sous différentes forme. Voilà le monde que je découvrais.
Je descendis de la voiture et jetai un coup d’œil autour de moi. Les lumières de la maison étaient éteintes, ma mère n’était pas encore rentrée. Ma moto n’était pas en vue donc j’avais un peu d’avance sur mes amis. Chez Jared non plus, les lumières n’étaient pas allumées  mais il n’était pas absent, je l’aurais parié. Je jurerais qu’il se trouvait dans sa chambre et que son regard ne me quittait pas. Cette pensée me donna des frissons désagréables.

Sois mienne Où les histoires vivent. Découvrez maintenant