Chapitre 27

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   —Tu es bien silencieuse, remarqua Justin. Qu’est-ce qui te tracasse?
—Je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi, parmi toutes les filles qu’il y a sur Terre, suis-je celle à qui tout ça doit arriver. (Je quittai ses bras et contournai le plan de travail, trop agitée pour rester immobile.) C’est vrai quoi, ma vie est tout ce qu’il y a de plus normale. Je ne comprends pas.
—Moi non plus, mais certaine chose arrive sans qu’on ne sache pourquoi. C’était peut-être écrit quelque part ou c’est tout simplement le fruit du hasard. L’un ou l’autre des cas ne change rien à la situation.
—Et quelle est la situation actuelle? Les loups sont plutôt calmes, ça laisserait penser qu’ils préparent quelque chose. Que sais-tu sur eux?
—Leurs meutes, nombreuses, sont éparpillées à peu près partout sur le territoire. Ils sont dangereux et féroces. Ils sont tous sur le commandement d’un seul male.
—Laisse-moi deviner. L’Alpha?
—Il est plus fort, plus rapide, plus grand et plus féroce que les autres. Il est également plus intelligent. Ce qui me pousse à croire que tu as raison de penser qu’ils préparent quelque chose sinon ils auraient déjà tentée une manœuvre.
—Ce qui s’est passée ce soir ne compte pas?
—Cela pourrait passer pour de l’intimidation car tu lui es plus utile vivante que morte. Pourtant il y a un détail qui ne colle pas. (Je lui fis signe de poursuivre) S’il voulait t’intimider il aurait pu, au mieux, t’envoyer quelque uns de ses hommes pour te bousculer un peu…
—Très rassurant.
—Ou pire, continua-t-il sur sa lancée, les envoyer pour s’en prendre directement à tes proches. S’il est lui-même venu à toi, c’est qu’il a une idée derrière la tête. Résume-moi votre conversation.
—Voyons voir. De un, il sait que je suis au courant de votre existence. De deux, il est déterminé à m’avoir (effrayant). Et de trois, il te déteste, mais ça on le savait déjà.
—C’est tout?
—A peu près, oui. Mais il y a un truc qui me chiffonne. Lorsque je lui ai dit de ne pas me mêler à vos différents et que je n’avais rien à voir avec ça, il m’a dit que j’y étais déjà mêlée. Qu’entendait-il par la?
—Réfléchie à ce qui s’est passé ce soir et ce que je viens de te dire. Pourquoi te veut-il?
Voyons, Jared a dit qu’il me voulait et qu’il m’aurait, en plus il a changé son mode de fonctionnement ce soir, selon Justin. Quant à ce dernier il était responsable des siens et me voulait pour... Et là, il y eut un déclic dans ma tête. La conclusion était ahurissante.
—Il veut que je me range de son cote… parce que c’est lui l’Alpha. Tu es au courant depuis quand?
—Un bout de temps.
—Pourquoi tu ne me l’as pas dit? Ça me rappelle que tu adores garder tes informations pour toi.
—Je n’en voyais pas encore l’utilité, répondit-il stoïque.
—Non mais tu t’entends parler, sifflai-je. Je te rappelle que c’est toi qui m’as embarqué là-dedans. Je sais ce que j’ai à faire mais je n’y arriverai jamais si tu continues à me cacher des trucs comme ça. Cela ne te servira pas et tu le sais. Je n’arrive pas à te comprendre. (Je fulminais.)
—Tu n’y arriveras pas. J’ai toujours réfléchi et agi ainsi et je ne dis que ce qui doit absolument l’être afin d’éviter les dégâts.
—J’avais remarqué. (Sa déclaration m’avait refroidie.) Tu regrettes déjà.
—Non! Mais qu’est-ce qui te fait penser ça?
—Alors c’est quoi le problème, tonnai-je.
—Moi, répondit-il sur le même ton ce qui me laissa abasourdie.
—Quoi?
—C’est moi et toute cette histoire qui sommes entrain de t’empêcher d’avoir une vie normale. J’en suis arrivé à un point où je sais que je ne supporterais pas de te voir souffrir.
—Je dois le rencontrer, déclarai-je après un moment de réflexion.
—Pas question, trancha-t-il.
—Je dois le faire. Et avant que tu ne me l’interdises de nouveau, lançai-je précipitamment en sachant que c’était exactement ce qu’il allait faire, laisse-moi au moins me justifier. Etant ce que je suis, tu sais très bien que je dois prêter oreilles aux deux parties. C’est ainsi que ça doit se passer, sinon je ne servirais à rien.
—Je ne veux pas que tu t’approches de lui, décréta-t-il, les traits si sombres que ça en était presque effrayant.
—Pourtant, il le faut. (Je m’approchai de lui et mis ma main sur sa joue pour calmer la tempête qui faisait rage en lui et qui se reflétait dans ses yeux.) Si ce que tu m’as dit est vrai, il n’y aucune raison pour que je ne revienne pas.
—Pourquoi ai-je l’impression que tu me dis au revoir?
Je me mis sur la pointe des pieds et l’embrassai légèrement.
—Ce n’est pas le cas. Je te le promets.
Il poussa un soupir de résignation et posa ses lèvres sur mon front.
—Il faudrait que tu dormes un peu, la soirée n’a pas été de tout repos. Je te conduis à ta chambre.
On gravit l’escalier qui menait à l’étage. Il débouchait sur deux longs couloirs adjacents avec des conduis à ta chambre.
On gravit l’escalier qui menait à l’étage. Il débouchait sur deux longs couloirs adjacents avec des portes des deux côtes.
—Les chambres, dit-il en désignant les couloirs.
Je crois que la sienne était tout au fond, sur la droite. Oui, je m’en souvenais maintenant.
—Tu n’aurais pas quelques affaires à me prêter pour la nuit?
—Je peux te trouver ça. Je vais d’abord vérifier quelque chose ensuite je te les apporte. Installe-toi et fais comme chez toi.
—Merci.
—Je t’en prie.
Puis, il s’en alla. Si on m’avait dit, une semaine plutôt, que j’aurais à dormir dans cette maison dans de telle circonstance, j’aurais ri jusqu’à n’en plus pouvoir. Je me rendis directement au fond puis ouvris la porte de gauche. La chambre était, comme le reste de la maison, décorée avec gout. Je me débarrassai de tout ce que j’avais sur le dos puis entrai dans la salle de bain qui, en passant, était une vraie beauté avec sa grande baignoire. Une fois celle-ci rempli d’eau tiède et de mousse, je me glissai dedans. J’avais dû m’assoupir car, lorsque je repris conscience, l’eau s’était refroidie. Je retournai dans la chambre où m’attendait bien sagement un grand maillot noir et un pantalon de jogging de même couleur, ainsi qu’une petite note: «Tu étais encore dans la douche lorsque je suis revenu, je ne voulais pas te déranger. J’espère qu’ils te conviendront. Bonne nuit. » 
***
Des hurlements, le bruit de métal s’entrechoquant, le tapage des guerriers. L’air était saturé de fer, lourd. L’odeur du sang s’écoulant des cadavres à moitié vêtus qui jonchaient le sol et qui formait une marre autour d’eux. Cette scène apocalyptique scandait le même mot sans discontinuer: mort.
Je me réveillai en sursaut, essoufflée et en nage. Le maillot de Justin me collait à la peau. Mon Dieu! C’était la première fois que je faisais un cauchemar qui avait l’air si réel. Je calmai les battements précipités de mon cœur et jetai un coup d’œil au réveil posé sur la table de chevet. Il indiquait 6h49.je savais que je n’allais plus pouvoir dormir alors je me levai et fis un passage rapide sous la douche et enfilai les vêtements de la veille. (Pas le choix, je n’allais quand même pas me balader avec ceux de Justin sur le dos) Je me fis une queue de cheval, pris mes clés et mon portable puis sortis de la chambre en laissant un lit bien en ordre.
Je m’arrêtai devant la porte se trouvant juste en face de moi, là où se trouvait l’immortel qui était sur le point de me voler mon cœur sans que je ne puisse rien y faire. A dire vrai, je n’avais aucune envie de l’en empêcher. Ce qui était tout à fait idiot de ma part, mais bon… il m’intriguait.
Au tournant du couloir, je tombai sur Gabriel qui sortait d’une pièce qui devait être sa chambre car ses cheveux étaient encore humides de la douche qu’il venait de prendre.
—Matinale, me salua-t-il.
—De plus en plus souvent, dis-je après que l’instant de surprise fut passé. Comment as-tu su que j’étais derrière toi?
—J’ai entendu le bruit de tes pas et celui des pulsations de ton cœur, m’informa-t-il en me faisant face. Il est difficile pour un humain de surprendre un immortel. Encore plus si ce dernier dernier compte quelques siècles à son actif.
Pas la peine de le lui demander pour savoir qu’il l’était. Comme son frère, il avait dans le regard une lueur qui trahissait une connaissance qu’un mortel ne pourrait acquérir en l’espace d’une vie. Il fallait juste y faire attention pour le remarquer.
—Je m’en souviendrai.
Je repris mon chemin mais arrivé à sa hauteur, il me retint par le bras.
—J’aimerais que tu me rendes un service.
Je l’incitai à poursuivre d’un hochement de tête.
—Jared et mon frère ne semblaient attendre que l’occasion pour se sauter à la gorge. Mais maintenant, ça a empiré. Il faudrait que tu essaie de le raisonner s’il arrivait à le rencontrer.
—Pourquoi me demander ça  à moi. Tu es son frère, non?
—Oui, mais cette tête brulée n’écoute personne.
—Alors pourquoi m’écouterait?
J’attendis mais sa réponse ne vint pas. A la place il me regarda droit dans les yeux.
—Ecoute, je veux éviter ça autant que toi, sinon plus. Mais je ne pourrai pas, il faut que je vois Jared. Tu sais ce que cela implique et je ne le fais pas de gaieté de cœur.
Il se raidit, lâcha mon bras et lança ce qui semblait être une batterie de jurons dans une langue qui m’était inconnue.
— Comment comptes-tu procéder?
—Je ne sais pas encore.
—Et Justin, il en pense quoi?
—A ton avis.
—Ne m’en parle pas, lança-t-il un peu moins tendu. Fais ce que tu as à faire, je garderai un œil sur lui.
—Tu es sur?
—Certain.
—Bien. Il faut que je rentre chez moi. Au fait, où est ma moto?
—Je l’ai conduit jusqu’ici, sans une égratignure, ajouta-t-il narquois. (Je crois que je vais en entendre parler pendant encore longtemps.) Tu la trouveras garer dans la cour.
—Merci Gabriel. Pas seulement pour la moto mais aussi pour hier soir.
—Tu es sous notre protection, déclara-t-il redevenant sérieux. Et cela signifie beaucoup.
J’enfourchai moto et rentrai chez moi.
***
—Maman, appelai-je, je suis rentrée. Maman.
Pas de réponse. Je me dirigeai vers la cuisine ou je trouvai une note de ma mère  qui disait qu’il y a eu une un accident de circulation et qu’elle devait prêter main forte au service médical, et que je trouverai de quoi manger dans le frigo. Je la remerciai intérieurement puis me préparai un petit déjeuner composé de tartines grillées, d’une omelette, de jambon et d’une tasse de café au lait. Une fois fini, je fis la vaisselle puis montai dans ma chambre ou je troquai mes vêtements contres quelque chose de simple et léger. J’avais l’intention de dormir un peu. Avec un peu de chance je dormirai en paix, sans faire de cauchemar.
Je fus tirée du sommeil par la sonnerie de mon portable. Je l’attrapai sur la table de chevet et décrochai. Les rayons entrants dans ma chambre m’agressaient sérieusement les yeux.
—Allo, grognai-je.
—Tu sais que je me suis fait un sang d’encre pour toi. (Je dus éloigner le portable de mon oreille, ce n’est pas vrai!) Tu devais m’appeler mais tu ne l’as pas fait. Qu’est-ce qui s’est passé?
—Kate, je suis désolée. Je suis vannée là. Je me suis endormie tard hier soir pour me réveiller tôt ce matin. Il est quelle heure?
—Onze heure vingt-deux. Tu vas bien?
—Oui, ça va. Tu es loin de la maison?
—Pas vraiment, non. J’arrive.
—Ok.
Environ quinze minutes plus tard, Kate était assise sur la chaise de ma table de travail et m’écoutait lui relater, à quelques détails près, ce qui s’était passé la veille. Elle était horrifiée et scandalisée.
—Non mais quel toupet de faire ça juste devant chez toi. Je n’arrive pas à croire que j’ai failli te perdre —Tu ne me perdras pas de sitôt.
— Parmi toutes les filles, il a fallu que ça tombe sur toi. Pourquoi?
—J’en sais autant que toi, ma vielle. La seule chose qu’il me reste à faire est de parler a Jared.
—Tu ne peux pas faire ça, s’écria-t-elle.
—Ah non! Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi. Je dois le faire, pour des raisons évidentes.
—Evidentes pour qui? Tu vas te jeter dans la gueule du loup, littéralement. (Elle se leva pour faire les cents pas.) Comment Justin peut-il te laisser faire ça?
—Primo, il n’est pas mon père...
—Tu ne peux pas en être sure vu les siècles qu’il se trimbale.
—Secundo, continuai-je imperturbable, pour savoir dans quel camp je dois être, je dois savoir ce qu’ils veulent. Et ça, Justin le comprend très bien, même s’il rechigne à me laisser faire. Il sait qu’ils ne me feront rien mais n’empêche, il s’inquiète.
—Avec raison. Où est ta mère?
—A la clinique, encore.
—Je pense qu’ils devraient lui aménager une chambre là-bas.
—Si ce n’est pas déjà fait.
—Comment ça va avec Justin? (Cette manie qu’elle a de sauter du coq à l’âne.)
—Je ne sais pas, franchement. Il est cachotier, dur et protecteur. Quand je le regarde, je me demande comment un jeune homme de vingt-deux ans peut-il paraitre si mature.
—Et c’est une bonne chose, non?
— Je ne sais pas. Tu sais, quand je me regarde dans un miroir, je vois que je n’ai pas changé mais à l’intérieur c’est autre chose. Je me transforme, je le sens aussi sur que je sens les battements de mon cœur. Justin éveille en moi des sentiments dont je me serais bien passé mais quand je me suis rendu compte de ce qui s’est passé, il était déjà trop tard. Je l’ai dans la peau et ça m’effraie Kate. Ça m’effraie. Et avec tout ce qui se passe en moi, cette histoire de collier, Justin et son passé avec Jared, Gabriel qui me demande de veiller sur son frère et moi qui doit tout cacher a ma mère. J’ai l’impression que je ne vais pas m’en sortir. J’essaie d’être forte mais c’est trop pour moi.
— Je ne peux rien te dire, ni prétendre que je sais par quoi tu es entrain de passer. De ce que j’en sais, suivre ton cœur n’est pas ta meilleure option. Tu dois faire ce qui doit être fait. Mais fais attention à toi. C’est la deuxième fois que tu te fais attaquer. La meilleure chose à faire maintenant est de parler à Conrad. Tu dois attendre qu’il revienne. Aller voir Jared n’est pas la meilleure chose a faire.
— Je n’aime pas la tournure que prend la situation.
— Je ne me plaindrai plus jamais des horaires monstres de l’école.
En une phrase, elle arrive à me dérider. Nous rîmes de concert. Je ne sais vraiment pas ce que je ferais sans elle.
— Mes parents reviennent cet après-midi, déclara-t-elle en reprenant son sérieux. Ils veulent une réunion de famille ce soir. Ils ont quelque chose à m’annoncer. Je ne sais pas quoi. Ils ne m’ont rien dit de plus.
— Et Hayden?
— Je ne sais pas. (Elle poussa un gros soupir puis s’affala près de moi sur le lit) Je n’arrive pas à le joindre.
— Ce n’est surement rien de grave.  Ils reviennent pour de bon ou seulement pour cette réunion.
— Tu sais comment ils sont. Ma mère m’a juste dit et je cite: « La famille Rigal doit se réunir et c’est de la plus haute importance. A ce soir ».
— Et c’est tout ?
— A ton avis. Tu penses que j’ai fait quelque chose?
— Quoi, à part être toi-même ? Noooon.
Elle me poussa un peu du pied, ce qui nous fit esclaffer. Puis le silence s’installa. J’étais dans mes pensées et je suppose qu’elle aussi. Quelque part au cours de ce moment de réflexion je finis par m’assoupir et quand je me réveillai, Kate n’était plus là. Mon regard se posa sur un bout de papier qu’elle avait laissé sur l’oreiller qui disait qu’elle m’appellerait plus tard. Je m’étirai puis regardai l’heure: 3h14. Je crois qu’une douche ne me ferait pas de mal.
Pendant que je me lavais des cheveux aux orteils, je repensai à tout ce qui est entrain de m’arriver. C’est fou de voir à quel point ma vision du monde avait changé. Bon sang ! J’ai failli y rester hier soir. Pour la seconde fois. Et sans crier gare, le cauchemar de la nuit dernière me revint. C’était affreux. Je ne savais toujours pas s’il s’agissait d’un simple rêve ou une scène à laquelle Amelia airait été témoin et qui me revenait aujourd’hui. C’est pour ça que je n’ai rien dit à Justin.
Je regardai l’eau chasser la mousse de mon corps. J’aurais aimé qu’elle puisse aussi chasser tous les événements bizarres de cette semaine. Mais je savais que c’était impossible, que je vivais dans la réalité. Aussi folle qu’elle puisse être. Je voulais toujours parler à Jared, mais je voulais aussi avoir toutes les cartes en main pour savoir exactement quoi faire. Je refusais que les humains payent pour quelque chose dont ils ignoraient tout. Et puisque Conrad n’était pas disponible, je devais creuser par mes propres moyens. Je ne connaissais qu’un seul endroit susceptible de me fournir des réponses.

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