Chapitre 10

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Je marche lentement, je sais clairement quels sont mes objectifs mais je ne sais pas comment m'y préparer. J'ai peur de tout rater en m'y prenant mal, pourtant il faut bien que j'avance. Les lumières de l'aquarium sont allumées. Pour elle, le jour s'est levé. Je m'approche de la parois. Il lui faut peu de temps pour remarquer ma présence et onduler jusqu'à moi. Remarquant ma mine perdue, elle se met à signer :

« Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Tu sais ce qu'est un soleil ? »

Elle semble mécontente que je l'ignore ainsi mais répond tout de même :

« Oui, bien sûr.

- En as-tu déjà vu un de tes propres yeux ?

- Il ne faut pas regarder le soleil dans les yeux. Cela les brûle. Et cela fait mal.

- Comment sais-tu cela ? Tu as essayé ? »

Son regard devient froid, accusateur. Elle a l'impression que je me moque d'elle.

« Pourquoi cette question ? Que cherches-tu à faire ? me répond-t-elle.

- Tu aimerais voir un soleil, un vrai ? »

Elle se met à me fixer méchamment puis fait un grand geste de la main en guise de négation. Ce "non" était venu du cœur. J'essaye néanmoins de continuer à signer pour qu'elle n'aille pas simplement bouder dans un coin. Elle a pris un peu de distance, elle n'est plus collé à la vitre mais son regard menaçant n'avait jamais été aussi proche de mon esprit. Je continue :

« Si je t'amenais voir un soleil, peu de temps, tu accepterais de me suivre ?

- Pourquoi ?

- Pour voir de nouvelles choses, voir tout ce que le soleil peut éclairer....

- Non, me coupe-t-elle. Pourquoi essayes-tu de me convaincre de te suivre. Tu ne me donnes pas envie de partir d'ici. Moi je suis bien ici. Je me plais. »

Elle arrête de remuer, peut-être pour me laisser réfléchir. Puis elle reprend :

« Je suis bien consciente que ce n'est pas représentatif du monde, ici. Je sais bien qu'il y a un "dehors". Je ne veux pas y aller pour autant. Ici, c'est bien. Ici, j'ai Aka avec moi et il est gentil.

- Qui est Aka ?

- Aka est mon poisson rouge. Il fait partie de mon monde, mon univers. En plus, cet univers est différent du tien. Cela, tu ne veux pas l'accepter. Pourquoi tu ne veux pas l'accepter ? Pourquoi personne ne veut accepter cela ? »

Je ne réponds rien.

« Moi, je suis bien ici. Oui. Ici est petit. Oui. Dehors est bien plus grand. Mais je ne veux pas aller dehors. Dehors est plus grand donc plus vide. Un vide que je ne peux combler. Personne non plus ne m'aidera à combler ce vide. Il n'y a personne qui me comprendra.

- Et si dehors il y a d'autre gens comme toi ? Tu voudrais y aller ? tenté-je une fois de plus.

- Mentir, c'est pas beau. Il n'y a personne comme moi. Ni dehors, ni ailleurs. J'ai accès à beaucoup d'information. Quand je n'arrive pas à dormir le soir, je vais sur la machine que mon père m'a laissée. Sur cette machine, je peux me documenter sur tout ce qui existe. Je suis une enfant. Je ne suis pas stupide. »

Je la fixe, étonné. C'est nouveau ça. Elle nage en direction d'un coin du bassin pour me montrer. Elle s'immobilise et une grande porte dissimulée s'ouvre en deux. J'aperçois de la lumière, typique des écrans d'ordinateur. Son père lui en a sûrement aménagé un pour elle.

Les algues vertes - 少女海草Where stories live. Discover now