Chapitre 7

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Il est très tôt. Mon réveil, réglé pour 4 heures du matin au préalable ne m'avait pas lâché. Je cherche mes pantoufles que j'avais oubliées dans la salle de bain hier soir puis, bénissant la moquette, je me dirige vers mon armoire pour m'habiller.

Les rues sont totalement plongées dans la pénombre à cette heure si matinale. Pas un chat ni oiseau ne se manifeste. Sur mon trajet, quelques fenêtres s'allument En attendant que les réverbèrent s'éteignent. Les étoiles dans le ciel, en partie masquées par des nuages, semblent faire de même. Je me rends compte que c'est la première fois de ma vie que je m'extasie sur le trajet de mon travail. Comme si c'était la dernière fois que je marchais sur ses dalles. M'apprêtais-je à faire une faute d'irrespect si grave que ça ? Je veux seulement parler de morale à mon patron ! Un homme sûrement très intelligent, qui a créé un être de manière totalement illégale pour son propre plaisir... d'accord, je fais peut-être une bêtise.

J'ouvre la porte et marche jusqu'aux cadres que j'avais vu mon premier jour ici. Un sentiment étrange émane de mon corps quand je le regarde aujourd'hui. Ce n'es pas du dégoût ni de la rancœur, mais ça y ressemble. Je m'approche lentement de la vitre de l'aquarium. Je ne vois pas ma petite protégée. Elle doit sûrement encore dormir. Mon regard zigzague entre les longues algues vertes du fond. Elle ondulent aux gré des minuscules courants. Les grains de sable au alentour bleuis par les lampes se déplacent également, lentement balayés par ces mêmes courants. Je m'étais refusé de retenir par cœur la position de chaque algue. Ainsi, je ne savais jamais où était Shoujokaisou quand elle dormait. Si un jour elle décidait de se cacher de moi, elle avait un refuge. Je ne voulais pas lui retirer ce droit. Mais aujourd'hui, j'aurais aimé savoir où elle se trouve, j'aurais aimé la regarder dormir, sans la réveiller. Une manière de lui dire... au-revoir ? ... Pourquoi ai-je l'impression que la fin est proche ? Je me frotte le visage dans mes mains pour essayer de me concentrer. Quand je les remets dans mes poches, j'aperçois le poisson rouge qui semble dormir lui aussi. Je lui lance en plaisantant : « Si je ne reviens pas vivant, dis à ta mère que je l'aimais comme ma fille. » Puis je commence à m'en aller. Rire de ma situation ne fonctionne pas vraiment. L'éclairage de nuit étant toujours actif, je me prends les pieds dans la petite chaise sur laquelle je buvais ma boisson "énergisante" hier et m'étale de tout mon long sur le sol. Une sorte de bruit sourd résonne dans toute la pièce. J'ai l'impression de sentir une grande onde se déplacer dans tout le bâtiment. Elle risque de réveiller ma princesse !

Je me relève, scrute les environs comme si quelqu'un m'observait. Je marche lentement vers la porte afin de retrouver les couloirs pour espérer rejoindre mon patron. Je me déplace à pas de loup, je ressemble à un enfant qui sortirait la nuit pour lire sans que ses parents ne le sachent. J'entends un tout petit bruit, semblable à celui d'une ventouse que l'on appliquerait sur une vitre. Je me doute bien de sa provenance et me tourne vers la paroi de l'aquarium. Elle est là, cette petite fille, avec quelques grains de sable aux coins des yeux et un certain nombre dans les cheveux. Mais oui ! La pince ! Je l'avais oubliée entre temps. Elle ne l'avait pas retirée avant de plonger sa tête dans le sable pour dormir, tout ça pour que nous venions la coiffer le lendemain, aujourd'hui en somme. Même si la coiffer n'est qu'une excuse pour interagir avec nous.

Elle se tient donc devant moi, flottant dans son eau, se frottant les yeux avec la membrane verte qui lui sert de main, s'extirpant peu à peu de son sommeil. Elle jette un coup d'œil au plafond et me regarde de nouveau, étonnée. Elle commence à bouger les bras et se met à signer rapidement. Je la regarde et essaye de lire :

« Que se passe-t-il ? La journée à commencé ? L'éclairage fonctionne mal ? Où est Antoine ? »

Je la fixe, désolé, un instant puis tente de lui répondre :

« Il n'y a rien, il est encore tôt. Je ne fais que passer. Tu peux te recoucher. Pardon de t'avoir réveillée. »

Elle met plusieurs secondes à comprendre mes gestes maladroits puis, interloquée, continue :

« Que vas-tu faire ? Pourquoi ne dors-tu pas toi aussi ? »

Je n'avais pas répondu. J'étais parti en me dépêchant pour ne pas croiser son regard, mais je la devinais me suivre le long de la paroi avec une expression entre le questionnement et la peur. Peur de la raison de cette irruption inhabituelle. Je ne sais pas pourquoi mais je redoute sa réaction si je lui parle de son père. En attendant, je suis devant la porte du jardin paradisiaque. Mon cœur bat si fort qu'il semble vouloir s'extirper de mon corps par ses propres moyens. D'une main tremblante, j'abaisse la poignée.

Les algues vertes - 少女海草Where stories live. Discover now