Chapitre 4

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Le film que j'avais mis touche déjà à sa fin. L'écran noir déroule le générique depuis un petit moment déjà. Finalement, je n'ai lancé que quelques coups d'œil en direction de la télévision. J'étais plongé dans un autre film. Celui de mes souvenirs.

Suite à cette fameuse journée où j'ai rencontré Shoujokaisou, la petite fille algue, je n'ai plus eu de problème d'argent. Apparemment, j'étais - et je suis toujours selon eux - la personne idéale pour ce travail. Je me demande encore quelle tête avaient fait les gens qui étaient derrière moi dans la file d'attente. Car, au final, ils n'ont jamais été reçus. Bien que ça soit méchant, ça m'amuse à chaque fois que j'y pense.

Mon employeur - que je n'ai d'ailleurs jamais vu. Tout ce que je sais de lui c'est qu'il a créé le projet de A à Z - avait regardé ma situation et m'avait alors donné une petite prime d'entrée pour que je puisse tenir jusqu'à la fin du mois. J'avais tenu à le remercier mais mon collègue m'avait certifié qu'il serait impossible de le rencontrer et que ma ponctualité et mon sérieux serait largement suffisant pour lui prouver qu'il n'avait pas dépensé cet argent pour rien.

C'est ainsi que commença ma nouvelle vie. J'avais désormais un travail fixe avec un contrat à durée indéterminé. Les premiers jours, je me suis rendu compte de l'importance de certaines questions qu'ils m'avaient posées à l'entretien. Surtout celle qui parlait de rester enfermé toute la journée. Quand ils en avaient parlé, je m'imaginais enfermé dans un bureau qui devait au moins posséder une fenêtre. Là, j'étais sous terre, excepté l'éclairage artificiel, aucun rayon de lumière ne me parvenait.

En parlant d'éclairage, celui au dessus du bassin diffuse une lumière étrange, légèrement voilette. Mon collègue m'a dit que ce sont des L.E.D illuminant l'eau avec des ondes spéciales pour le développement des végétaux. Shoujokaisou étant un végétal, elle doit sa taille imposante à ces petites lumières.

En quelques semaines, je m'étais vraiment intéressé à cette petite. Déjà au quotidien, je devais m'occuper d'elle. La coiffer tous les matins, la nourrir, la soigner si elle s'écorchait sur un rocher - ce qui arriva bien plus souvent que ce que je ne le pensais - jouer avec elle aussi. Il faut dire que quand nous n'étions pas là, elle n'avait rien à faire à part dormir. Dormir ou s'ennuyer. Quand je revenais chez moi et que je savais qu'il n'y avait plus personne pour s'occuper d'elle, j'avais de la peine. L'ennuie tue, je le sais bien. Alors, j'ai essayé de m'impliquer un peu plus. Déjà, je voulais pouvoir communiquer avec elle. Elle avait beau être un végétal, elle comprenait beaucoup de choses, à la manière d'un animal. J'ai alors demandé à mon collègue quelle langue des signes avait-il utilisée la première fois que je l'avais vue pour faire comprendre à la jeune fille que je devais partir. J'appris alors qu'il avait lui même créé une langue - en se basant sur celles déjà existantes bien sûr - pour pouvoir l'apprendre plus simplement à sa jeune élève. Et à ma demande, il me l'enseigna. Cette langue était assez instinctive, je la comprenais plutôt facilement. Ainsi je commençais enfin à avoir de véritables dialogues avec la jeune fille. Vu qu'elle signait assez rapidement, j'avais un peu de mal à la comprendre par moments. Alors elle se mettait à ronchonner. Même quand elle boudait, elle était mignonne. On n'avait pas grand-chose à se raconter, mais ça nous occupait déjà un peu car je sentais que j'allais en avoir vite marre de jouer tout le temps aux mêmes jeux.

Un jour j'eus une idée, brillante à mon goût. Pourquoi ne pas lui laisser un compagnon de jeux qui serait en permanence dans son aquarium ? Pas un humain bien sûr ! Ce serait bien trop cruel de laisser un humain vivre le reste de sa vie enfermé sous terre à nager dans de l'eau. Nan, je parlais d'un ami plus spécial, le genre d'ami qu'on offre parfois à ses enfants pour noël ou leurs anniversaires, un ami avec un cerveau plus petit : un animal de compagnie. Quand j'exposais cette idée à mon collègue, il fut septique. Était-ce réellement une bonne idée ? C'était vrai et même indiscutable que, seule, la petite fille s'ennuyait à n'en plus finir. Il lui fallait un compagnon, pas forcément capable de communiquer mais au moins quelque chose de vivant à observer. J'émis l'hypothèse d'un poisson. Un poisson de bocal par exemple. Il ne faudrait pas non plus que Shoujokaisou ait peur de son nouveau compagnon. Ce serait la première fois qu'elle verrait un autre animal qu'un humain.

Les algues vertes - 少女海草Where stories live. Discover now