Le monde gris

Séparation

Comme prévu, Chloé vient le voir vendredi soir, finissant relativement tôt le vendredi, elle a pris le bus et est arrivée en fin d'après-midi à l'hôpital. Malgré la couleur grise qui la répugne, elle s'assoit sur le lit, près de Théo. Ils ont largement le temps de discuter et de fait, ils discutent longuement ensemble. Ils n'abordent ni l'étrange histoire de Théo, ni la version extra-terrestre de Chloé, mais diverses anecdotes liées au collège et diverses informations sur leurs habitudes, passions, familles...

Théo lui prend la main. Sur le moment, elle tente de la retirer, mais devant l'air malheureux de Théo, elle la lui laisse. Malgré tout, régulièrement, elle la regarde comme si elle s'attendait qu'elle devienne grise. A la fin de leur discussion, elle n'a pas de gris. C'est donc vrai, ce ne serait pas contagieux. Aussi, avant de partir, elle s'approche finalement de lui. Cela fait une semaine qu'ils sortent ensemble, elle l'embrasse donc en souvenir du vendredi dernier. Un baiser chaste, juste du bout des lèvres.

Mais Théo en veut plus. Vendredi dernier, ils s'étaient contentés de ces baisers les lèvres serrées, mais il est temps de se faire de vrais baisers. Il la presse contre lui et entrouvre un peu la bouche. Chloé est un peu surprise de l'audace de Théo qui veut lui donner un baiser passionné, ils ne l'ont encore jamais fait. Malgré tout elle accepte et de même elle entrouvre les lèvres. Les pointes de leurs langues se rencontrent sur le bord des lèvres, c'est alors qu'elle recule rapidement en s'essuyant la bouche avec un air dégoûté. Puis, très énervée, elle lui demande ce qu'il a mangé.

Cela fait cinq jours qu'il n'a rien mangé ! Théo a un goût amer, comme les pommes et la viande séchée qu'il a mangé sur l'autre monde. Il s'excuse auprès de Chloé et essaye de lui expliquer que c'est dû à la nourriture qu'il a absorbée sur l'autre monde, cette nourriture est grise, sans goût parfumée et agréable, mais plutôt une amertume et une âpreté prononcée. Il est devenu gris en la mangeant et certainement sa salive est maintenant également amer et âpre et certainement son sang aussi.

Elle lui répète alors que son autre monde n'existe pas, que c'est un coup des extra-terrestres. Qu'ils ont dû faire des expériences sur lui et qu'elle a qu'un souhait, c'est que sa couleur ne soit pas définitive. Ils se quittent les larmes aux yeux. Théo allait demander s'il la verrait demain, mais du coup, il n'ose pas. Certainement viendra-t-elle, elle est venue chaque fois qu'elle a pu.

Le samedi elle ne vient pas. Elle ne revient le voir que le dimanche après-midi. Elle est venue en voiture avec les parents de Théo, cependant ils prétextent d'aller prendre un café afin de les laisser seuls. Chloé est nerveuse, Théo sent que quelque chose ne va pas. Malgré sa couleur, elle lui prend la main et ils discutent un peu. Vendredi la couleur n'a pas détient sur sa main et elle a besoin de le rassurer car elle doit lui parler sérieusement.

Au bout d'un moment, elle lui dit :
- tu ne remarques rien de bizarre sur moi ?

Il la regarde, elle porte une robe classique, bleue, mais il a l'habitude de la voir, elle l'a déjà prise pour le collège. Elle ajoute
- sur mon visage !

Il la dévisage et soudain il comprend. Elle a une toute petite tache grise sur la lèvre inférieure. Elle tire la langue, le bout de sa langue est également gris. Théo sent son angoisse.

- Pas contagieux qu'avaient dit les médecins
lance-t-elle. Elle lui annonce qu'elle s'en est rendu compte samedi matin, elle a passé sa journée à se rincer la bouche et à se laver le visage, mais ça ne part pas. Ceci dit, cela n'a pas l'air de s'étendre non plus, mais elle espérait que ça disparaisse vite.

Elle ajoute :
- tu sais, je t'aime vraiment, mais tes aventures bizarres avec les extra-terrestres, ta couleur, ton goût, cela m'angoisse. En plus, maintenant je suis aussi contaminée. A la maison, je passe mon temps à pleurer. J'ai dû tout raconter à mes parents et ils m'ont interdit de te revoir tant que toute la clarté n'aura pas été faite sur cette histoire. Il faut les comprendre, ils ont peur pour moi... et moi aussi j'ai peur. Il vaut mieux que l'on ne se revoit pas dans les prochains jours. Quand tu seras rétabli et que tu reviendras au collège, alors on décidera de ce que l'on fait.