Les hommes gris

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Leur village n'est pas loin. Tout étant gris, Théo ne l'avait pas vu en sortant de la forêt, mais il était bien là, deux à trois cents mètres plus loin sur le chemin. Accompagnés de Théo, les trois hommes entrent dans le village en grognant fort.

Le village se compose d'une centaine de huttes circulaires disposées en deux cercles concentriques. Toutes les portes sont tournées vers le centre unique de ces deux cercles. Et là, au centre, se trouve une hutte un peu plus imposante que les autres. « Certainement celle du chef » pense Théo.

Elles semblent être faites de rondins de bois plantés verticalement, les interstices entre les rondins sont bouchés par de la terre grise séchée. Le toit en forme de cône est couvert de pailles grises, comme les toits de chaumes des chaumières d'autrefois. Il doit y avoir une cheminée dans les huttes car Théo voit une ouverture dans les chaumes et, bien qu'il ne fasse pas particulièrement froid, de certaines des huttes, une fumée grise s'échappe dans le ciel gris. Peut-être la cheminée sert-elle aussi pour la cuisine.

A son arrivée, alertés par les grognements de ses trois geôliers, des gens sortirent de leurs huttes. Théo les regarde les yeux écarquillés, étant tous relativement couvert de poils il n'arrive pas à reconnaitre les femmes des hommes. Y-a-t-il des femmes ? Des grognements un peu moins graves que ceux de ses geôliers semblent lui répondre que oui, mais elles ont la même stature que les hommes et avec tout ce gris, il a du mal à discerner réellement les formes.

En tête, avec ses trois geôliers, d'une foule de plus en plus nombreuse, Théo arrive devant la hutte centrale du village qui est bien celle du chef, lequel se tient debout devant sa hutte, intrigué par ce garçon qui vient vers lui. Le chef ne dénote en rien de ces congénères. Tous pareils, le chef, les femmes, les hommes... et les enfants ? Théo tourne la tête à la recherche des enfants et il les voit, cachés derrière les portes entrouvertes des huttes.

Voyant qu'il n'y a apparemment pas de danger, ils commencent à sortir des huttes. Il y en a de toutes tailles et donc de tout âge. Curieusement, Théo fait un peu plus la différence entre les filles et les garçons, pour les grandes d'à peu près son âge, mais aussi pour les plus jeunes : les filles sont un peu plus élancées, un peu moins trapues et un peu moins velues.

Il reporte son regard sur les adultes et finalement il fait un peu mieux la différence. Elle est subtile et les femmes ne font apparemment rien pour la mettre en évidence. Perdu dans ses pensées et ses observations, Théo ne remarque pas que le chef lui parle et essaye d'attirer son attention depuis déjà un petit moment.

Il est tiré de ses pensées par un grognement plus fort du chef. A voir la colère dans ses yeux, il réalise donc que cela fait déjà un moment que le chef lui parle. Faut dire qu'avec tous les grognements entendus lors de sa ballade sylvestre avec ses trois geôliers, il s'y est habitué comme un bruit de fond et n'a donc pas fait cas de ceux du chef.

Comme pour les autres dans la forêt, Théo répond dans un français bien intelligible en articulant chaque syllabe
- je ne comprends pas votre langage.

La réaction du chef est immédiate et identique aux trois autres, précédemment dans la forêt, il recule et sort son couteau. Apeuré, Théo tourne la tête à la recherche d'une issue, pour fuir, mais faisant cela, il voit que la quasi-totalité des villageois ont fait de même, ils ont leur couteau à la main. Les mains sur les oreilles, les enfants rentrent précipitamment dans les huttes et ferment la porte. Théo les entend pleurer derrière certaines portes.

Lui aussi a peur, il ne comprend pas la peur qu'il engendre en parlant, il se fait tout petit et devant sa mine déconfite, le chef comprend qu'il n'est pas une vraie menace. Il baisse son arme et après un grognement en direction de l'assistance, tous font alors de même, puis ils se rapprochèrent. Des grognements fusent de partout. Il semble à Théo que le chef discute avec la foule. Que peuvent-ils bien se dire ?

Le monde grisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant