Le secret des hommes gris

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Le chef du village des hommes gris s'appelle Placin . Dans ce village on est chef de père en fils. Son père lui a céder sa place quand il s'est senti faiblir, il n'avait que cinquante ans mais il faut un cœur vaillant pour diriger le village. Son fils venait d'avoir trente ans quand il lui a cédé sa place, il y a sept ans de cela.

Placin n'a pas eu de formation spécifique à l'aide de précepteurs, il avait seulement vu son père opérer. Dès son plus jeune âge, il avait assisté aux conseils et aux prises de décisions, sans pour autant pouvoir y participer, il n'avait pas le droit à la parole. Pendant toute sa formation, il se devait d'assister sans rien dire, il était dans un coin de la pièce à écouter, sans bouger, sans intervenir, sans se faire remarquer. C'est seulement quand il eut vingt-cinq ans, qu'il eut droit enfin de participer. Ce fut à ce moment qu'il avait enfin pu montrer sa vivacité d'esprit et la justesse de ses propos et de ses décisions.

C'est donc en toute quiétude que son père l'a intronisé de son vivant, se retirant volontairement des obligations de commandement. « Une retraite bien méritée ! » lui avait-il dit. A ce moment, Placin avait été très honoré d'être chef du village si jeune, mais il s'est vite rendu compte que c'est un travail bien plus ingrat qu'il n'y parait. Chaque jour, il doit régler des différents entre villageois qui se disputent souvent pour des peccadilles, malgré tout, son rôle de chef lui laisse beaucoup de temps libre et surtout, cela le dispense des autres obligations du village comme la chasse, la culture, la restauration des maisons...

Cela lui permet de se promener dans le village et d'être au courant de tout ce qui se passe. C'est important de savoir tout ce qui se passe quand on est chef, c'est aussi important de discuter chaque jour avec les villageois si on veut rester populaire. Cependant, que ce soit pendant sa formation ou depuis qu'il est chef, jamais il n'a eu à résoudre un cas semblable à celui d'aujourd'hui. Pourtant, cela avait été une journée calme, sans cas majeur à régler jusqu'en début de soirée.

Alors qu'il se reposait dans sa hutte, il avait entendu de l'agitation au dehors, une foule qui arrivait vers sa hutte. Sur le moment, il avait eu peur que ses villageois veuillent le destituer, mais il n'y avait aucune raison à cela, il avait toujours été honnête dans ses jugements et il ne connaissait personne qui puisse lui en vouloir au point de provoquer une émeute.

Il y avait bien hier Collin qui n'avait pas été satisfait du compromis qu'il avait décidé en réponse à un problème de prise de chasse. Collin considérait que c'était son javelot qui avait touché le premier la biche alors que Pariot disait le contraire. La biche était assez grosse pour être partagée en deux et c'est la décision que Placin avait prise. Pariot avait accepté le compromis, mais Collin n'était pas d'accord, il voulait la biche pour lui seul.

Ce n'est quand même pas une raison suffisante pour provoquer une émeute ! Ce fut donc anxieux, mais curieux de savoir ce qui se passe dans son village, que Placin était sorti de sa hutte. Son jeune fils resta à l'entrée de la hutte, caché en partie par le battant de la porte. Placin fut alors très surpris de voir trois de ses villageois arriver avec un adolescent coloré et tout son village suivre derrière.

Il y a bien les histoires des anciens comme quoi, autrefois, leur monde avait des couleurs. Mais pour lui ce n'était qu'un mot et il n'avait jamais compris jusqu'à maintenant ce que ce mot signifiait réellement. Là, en voyant ce garçon, il comprend. Le garçon n'est pas gris, il est... coloré ! En effet, de toute sa vie, il n'avait jamais rien vu d'autre que le gris et il en est de même pour son père et son grand-père et le père de son grand-père. Ce fut donc une sacrée surprise.

Il s'est alors souvenu d'une discussion qu'il avait eue avec son père alors qu'il révisait avec lui les légendes de leur peuple. Ils s'étaient alors demandé si c'était les couleurs qui avaient disparues de la surface de leur monde ou si tout simplement les gens avaient perdu la faculté de voir les couleurs. Son père, très traditionaliste, faisait confiance aux dires de son père qui le tenait lui même de son père et cela depuis des générations : c'était une maladie très grave qui avait ôté les couleurs du monde. Placin, lui, pensait qu'il y avait effectivement eu une maladie grave qui avait tué beaucoup de monde, mais les séquelles de cette maladie étaient la perte de la faculté de voir les couleurs.

Le monde grisWhere stories live. Discover now