Les chrysanthèmes

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      Des questionnements m'encombraient la tête en ce début novembre. Je m'interrogeais en particulier sur mon célibat. Aurais-je dû rester auprès de Mashirao ? Je ne le chérissais pas autant que je le devrais, mais au moins je ne le dégoûtais pas. Il avait envie de moi et il m'adorait.

       Je m'interrogeais sur mes attentes et si finalement j'en demandais trop. Je ne méritais peut-être pas plus. Je devais peut-être vivre une vie moyenne, sans chercher à tout prix un bonheur que je ne pouvais pas atteindre. Je ne semblais pas extraordinaire comme Shoto. Je ne possédais pas l'audace d'Ochaco, encore moins l'éloquence de Tsuyu. Je me trouvais tellement hideux. Comment un être si repoussant pouvait prétendre à découvrir un jour l'amour ?

       Je ne pouvais peut-être pas aspirer à mieux qu'à cette vie insatisfaisante. Ce constat énervait particulièrement mon groupe d'amis. Je subissais de leur part depuis plusieurs jours des remontrances sur ma supposée « dévalorisation » et mon « manque de confiance en moi ». Pour moi, je me prenais le mur de la dure réalité en pleine face.

       J'avais réussi avec l'aide de mes proches à ne pas contacter Mashirao. Il ne méritait pas ça. Shoto et les filles tentaient de me changer les idées. On se voyait désormais deux fois par semaine. Mon exploit du mardi soir devenait une habitude. Mes amis avaient délibérément choisi ce jour, car d'après eux « quand on tombe de cheval, la meilleure chose à faire est de remonter aussitôt en selle ». Sur le coup, je n'avais pas été convaincu par cette comparaison, mais avec le recul, ils avaient raison. Je savais que j'allais finir par associer le désastre de ce « rendez-vous » au mardi soir et donc par extension ne plus vouloir retenter l'exploit de sortir en semaine.

      C'était pour ça que tous les mardis et les vendredis, nous allions au Yuei, le bar d'Hanta. D'après Shoto, ce choix de lieu était encore lié à cette métaphore équestre. Pensait-il réellement que je ne voyais pas son petit manège ? Je me doutais que « remonter en selle » n'était pas la seule raison à notre présence dans ce lieu en particulier. Les filles aussi voyaient clair dans son jeu, cela semblait les amuser d'ailleurs.

     Ochaco et Tsuyu s'étaient d'ailleurs montrées adorables avec moi. Avec l'aide de Shoto, j'avais fini par expliquer ce qu'il s'était passé cette nuit-là à mes amies. Je pensais qu'elles allaient dire que j'en faisais trop, que j'étais fragile à prendre tout ça autant à cœur. Finalement non, je me sentais rassuré et entendu dans ma peine.

      Je ne m'attendais pas à ce qu'elles présentent elles aussi les poings. Ochaco évoquait l'idée de casser différents os du corps de Neito et Tsuyu parlait de le faire disparaître dans de l'acide. Les femmes me faisaient définitivement peur. Je me montrais reconnaissant qu'elles prennent mon parti, néanmoins, je ne pensais pas qu'elles voudraient planifier un meurtre ou un accident. J'avais fini par pouffer d'amusement face à leurs idées toutes plus farfelues les unes que les autres. Je les aimais tellement.

       Je ne le savais pas encore, mais ce vendredi au Yuei marquerait un tournant important dans ma vie. Je rencontrais pour la première fois ce beau blond aux alentours de 22 heures. Je revenais des toilettes et je n'avais pas fait attention à ce qui m'entourait. On s'était bousculé. Nous nous sommes échangé quelques mots et chacun était retourné à sa table. Je sentais son regard sur moi tout le reste de la soirée. Je lui jetais également des coups d'œil de temps en temps. Il avait un beau sourire et des yeux magnifiques.

       Je me demandais pourquoi il m'observait. Il s'amusait peut-être de moi et de ma maladresse. À chaque fois que je l'entendais rire avec ses amis, je m'interrogeais. Il se moquait peut-être de moi. Il constatait peut-être à quel point il me trouvait laid ou bien il se questionnait sur comment des gens si parfaits pouvaient rester avec moi.

Le temps des fleursWhere stories live. Discover now