Chapitre 12

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Xavier

Rappelle-moi pourquoi j'ai accepté de t'aider, déjà ?

Les poings au creux des hanches, Hélène esquisse une petite moue quand son regard se pose sur l'imposant carton qui s'entasse dans un coin du salon, à proximité de Ken et Barbie, qui, pour ne pas changer, dorment.

Parce que tu es une petite sœur parfaite et serviable, dis-je avec un large sourire en lui faisant un clin d'œil.

Dégoutée, elle fronce du nez et plonge ses mains dans les poches de son sweat à l'effigie d'un groupe de musique inconnu au bataillon. Depuis quelques jours, elle ne fait que le porter. Ce vêtement est devenu sa seconde peau : le retirer semble inconcevable pour elle, ce que je n'arrive pas à comprendre. Il est beaucoup trop grand pour elle et il est tellement usé que les manches sont trouées.

— Soyons clairs, je n'en ai rien à foutre de toi. (Elle s'agenouille à mes côtés et s'empare du marteau dans la caisse à outils que je viens de sortir.) Mais comme tu es une vraie plaie, tu serais capable de te coincer le dos ou t'enfoncer un clou dans le doigt, ce qui retombera évidemment sur moi, car nos chers parents croiront que c'est ma faute si tu t'es blessé, pauvre petite créature. Et je n'ai pas besoin qu'ils soient davantage sur mon dos qu'ils le sont déjà. Vraiment.

J'enveloppe ses épaules de mon bras et l'attire à moi pour une accolade. Elle grogne comme un chien contre ma poitrine et enfonce son coude dans mes côtes.

Violemment.

Je la relâche immédiatement.

— En fait, t'as juste peur qu'ils t'empêchent de voir ton petit Matthew à la crème, hein ?

S'il y a bien quelque chose qui n'a pas changé dans ma vie, c'est le fait que je ne porte toujours pas le petit ami de ma sœur dans mon cœur. Et ça n'arrivera sans doute jamais. Malgré toute ma bonne volonté, je suis incapable de l'apprécier. D'ailleurs, ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu.

Ma sœur tire une tronche bizarre.

— Tu parles de lui comme s'il était une MST, soulève Hélène en me frappant l'épaule avec le manche du marteau.

— Mais c'est ce qu'il est ! Une maladie incurable.

— Le rôle du frère protecteur ne te va vraiment pas, souffle-t-elle d'une voix dépitée en se redressant.

Je lui pince la joue. À nouveau, elle enfonce son coude dans mes côtes. Avec un sourire taquin, je recule.

— Tu ne m'as même pas laissé le temps de faire mes preuves. Tu ne tiendras pas le même discours quand j'enfermerai Matthew dans la cave le jour où il te quittera.

Le regard qu'elle braque dans ma direction est aussi ténébreux que la nuit, mais ses lèvres esquissent toutefois un léger sourire, trahissant son amusement. En levant les yeux au ciel, elle me tend le marteau et se dirige vers le carton, qu'elle commence à tirer. Je viens lui porter main forte et ensemble, nous le portons dans la future chambre d'Océane.

Sa chambre est une pièce vide, froide, dénuée de la moindre parcelle de vie. C'est une cellule, sombre et peu accueillante — par chance, il y a une grande fenêtre. Comme je vis seul et n'invite personne à passer la nuit, je n'ai jamais eu à l'utiliser. Jusqu'à aujourd'hui. Océane est censée arriver ce soir et, même si j'avais huit jours pour préparer sa venue, j'ai préféré m'y prendre à la dernière minute. Pourquoi ? Franchement, je n'en ai aucune idée. J'avais pourtant énormément de temps libre devant moi.

— Putain, c'est un lit double en plus ? geint Hélène, une dizaine de minutes plus tard.

Assise en tailleur, elle observe, découragée, la photo du lit que nous devons construire. Je l'ignore et, après avoir terminé de sortir toutes les pièces de la boîte, commence à lire ce foutu mode d'emploi carrément incompréhensible. Il me faut plusieurs longues minutes pour décortiquer les cinq premières étapes, et encore davantage pour les expliquer à Hélène. Une demi-heure plus tard, nous nous mettons à l'ouvrage.

Sacrifices Where stories live. Discover now