Le Feu Et La Cendre

By CollectifOrthographe

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Un univers. Une infinité de mondes. À Wattpadia, terre sacrée de la littérature, l'esprit créatif est roi, et... More

Préface
Note
Note numéro deux
Prologue*
Chapitre 1 : Edit royal*
Chapitre 2 : Affichage en perspective*
Chapitre 3 : La Légende*
Chapitre 4 : Première soirée*
Chapitre 5 : Mission commencée*
Chapitre 7 : Elément perturbateur*
Chapitre 8 : Mission d'infiltration*
Chapitre 9 : Désastre écailleux*
Chapitre 10 : Terribles nouvelles*
Chapitre 11 : Légendes et vérités*
Chapitre 12 : Serments de vie*
Chapitre 13 : Présage de fin*
Chapitre 14 : La Chute d'un Titan*
Point de repère
Prologue
Chapitre 1, partie 1
Chapitre 1, partie 2
Chapitre 2, partie 1
Chapitre 2, partie 2
Chapitre 3, partie 1
Chapitre 3, partie 2
Chapitre 3, partie 3
Chapitre 4, partie 1
Chapitre 4, partie 2
Chapitre 4, partie 3
Chapitre 4, partie 4
Chapitre 5, partie 1
Chapitre 5, partie 2
Chapitre 5, partie 3
Chapitre 6, partie 1
Chapitre 6, partie 2
Chapitre 6, partie 3
Chapitre 7, partie 1
Chapitre 7, partie 2
Chapitre 8, partie 1
Chapitre 8, partie 2
Chapitre 9, partie 1
Chapitre 9, partie 2
Chapitre 9, partie 3
Chapitre 10, partie 1
Chapitre 10, partie 2
Chapitre 10, partie 3
Chapitre 11, partie 1
Chapitre 11, partie 2
Chapitre 11, partie 3
Chapitre 12, partie 1
Chapitre 12, partie 2
Chapitre 12, partie 3
Chapitre 13, partie 1
Chapitre 13, partie 2
Chapitre 13, partie 3
Chapitre 14, partie 1
Chapitre 14, partie 2
Chapitre 14, partie 3
Partie de transition et questions (lisez, c'est important)
Chapitre 15, partie 1
Chapitre 15, partie 2
Chapitre 15, partie 3
Chapitre 16, partie 1
Chapitre 16, partie 2
Chapitre 16, partie 3
Chapitre 17, partie 1
Chapitre 17, partie 2
Chapitre 17, partie 3
Chapitre 18, partie 1
Chapitre 18, partie 2
Chapitre 18, partie 3
Chapitre 19, partie 1
Chapitre 19, partie 2
Chapitre 19, partie 3
Chapitre 20, partie 1
Chapitre 20, partie 2
Chapitre 20, partie 3
Chapitre 21, partie 1
Chapitre 21, partie 2
Chapitre 22, partie 1
Chapitre 22, partie 2
Chapitre 23, partie 1
Chapitre 23, partie 2
Chapitre 23, partie 3
Chapitre 24, partie 1
Chapitre 24, partie 2
Chapitre 24, partie 3
Chapitre 25, partie 1
Chapitre 25, partie 2
Chapitre 26, partie 1
Chapitre 26, partie 2
Chapitre 27, partie 1
Chapitre 27, partie 2
Chapitre 27, partie 3
Chapitre 28, partie 1
Chapitre 28, partie 2
Chapitre 28, partie 3
Chapitre 29, partie 1
Chapitre 29, partie 2
Chapitre 29, partie 3
Chapitre 30, partie 1
Chapitre 30, partie 2
Chapitre 30, partie 3
Chapitre 31, partie 1
Chapitre 31, partie 2
Chapitre 31, partie 3
Chapitre 32, partie 1
Chapitre 32, partie 2
Chapitre 32, partie 3
Chapitre 32, partie 4
Chapitre 33, partie 1
Chapitre 33, partie 2
Chapitre 33, partie 3
Chapitre 33, partie 4
Epilogue
Le petit mot de la fin

Chapitre 6 : Ecrire son histoire*

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By CollectifOrthographe

« Et ici, nous, créations, nous réunirons en hiérarchie afin de répandre la parole du Créateur au mieux sur le monde. Il sera décidé de deux branches, une dévouée à la population et au Partage, et une dédiée entièrement à l'amas de connaissances et à leur défense absolue. Style le Ier, messager du Créateur, s'est penché sur nous et a nommé sa plus fidèle servante à la tête des représentants de la Divinité, lui donnant le nom de Matriarche, celle qui maternera le peuple et les saintes croyances que nous a transmis le Dieu. Émue par cet honneur infini, la première de nos chefs a pris sa mission sacrée avec un sérieux qui l'honore, et a organisé notre sainte croyance sans perdre la moindre minute. »

Contes d'un Dieu, chapitre 7, Églises

« « La branche du Partage sera divisée en archevêchés, qui dirigeront les cardinaux, qui eux-mêmes s'occuperont des évêques et des prêtres. La Branche de la Recherche sera elle divisée en monastères : Les grands moines commanderont les moines guerriers et les moines savants. Et je superviserai le tout, accompagnée de mes assistants, les Maréchaux. De cette manière, la Création sera prête à toute éventualité. » Ainsi parla la Matriarche, et ainsi fut-il. »

Contes d'un Dieu, chapitre 7, Églises

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Les légendes sur les guerriers et tout participant à une bataille allaient souvent bon train, et se révélaient parfois enjolivées ou faussées par un conteur trop enthousiaste, ou trop partial. Mais nul conteur, fut-il haineux de la religion, ne pourrait dire des fidèles créationnistes qu'ils étaient des lève-tard.

En effet, l'aube se levait à peine dans le ciel qu'un groupe de prêtres entier fourmillait aux abords de la ville reprise la veille, leurs robes de cérémonie immaculées charriant des reflets rouges sous la lueur du soleil. La plupart avaient en main des bâtons de prières, et ils discutaient avec force gestes excités en se mettant en position autour des bâtiments. N'importe quel bon observateur aurait pu déduire de ce comportement qu'un rituel se préparait, même sans savoir la nature dudit rituel ; et si ce même bon observateur disposait de suffisamment bonnes oreilles, il aurait pu entendre les mots « purification », « sanctification » et « clichés ».

Lina faisait partie de ce groupe de prêtres, sa propre robe de cérémonie drapée sur ses épaules. En sa position de Cardinale, c'était elle qui mènerait ce rituel, qui consistait tout simplement en une sanctification des lieux afin que nul cliché ne puisse s'approcher davantage. Un cliché haïssait et se tenait très loin des résidus de la magie de Création ; s'ils étaient trop nombreux, ils pouvaient la détraquer, mais dans le cas où un cliché seul s'approcherait d'un lieu sanctifié, il devrait rebrousser chemin au risque de se retrouver très gravement malade.

Sanctifier les lieux après un nettoyage de clichés était donc un passage obligé en temps de guerre. Cela empêchait l'armée ennemie d'envoyer des espions le temps de reprendre la ville, et en plus cela permettait d'éliminer toute trace résiduelle d'abominations.

Lina, sans ses supérieurs dans l'Eglise sur place, avait donc aujourd'hui la tâche non négligeable de mener le rituel. Elle avait bien tout expliqué aux prêtres qu'elle avait sous ses ordres, des nouveaux pour la plupart ; mais on ne pouvait faire confiance à la coordination des néophytes et pour être certaine que chacun mènerait le rituel à bien correctement, elle les avait dotés de radios à impulsion magique. Ces appareils étaient une des marques de la supériorité de Wake'li, qui disposait grâce à la Création d'une technologie très moderne adaptée au cycle créationniste. Enfin, une des marques de la supériorité de Wake'li uniquement si les clichés ne venaient pas leur détruire leur magie. Sans Création, aucun des appareils dont la capitale dépendait ne pourrait être fonctionnel, et une remise à niveau, même avec l'aide de la Place Science-Fiction qui était leur centre technologique, prendrait des années.

Secouant la tête pour éloigner toute pensée parasite, Lina leva la main pour activer sa radio. Un grognement s'échappa d'entre ses lèvres lorsque ses blessures se rappelèrent à son bon souvenir, mais rien de très préoccupant, se disait-elle : tout au plus elle boiterait au retour, et elle avait un jour de repos. Une fois la sanctification accomplie, elle pourrait rentrer et s'allonger dans son lit. Voire manger la pièce de viande dont elle avait senti l'odeur ce matin en sortant de sa tente. De quoi la faire saliver... Et même si la plupart des wakéliens n'étaient pas pour l'idée de manger de la viande rouge au petit déjeuner, Lina n'allait certainement pas cracher sur une entrecôte maintenant.

Deux doigts sur le bouton de communication, elle attendit que chaque prêtre se soit accordé à sa fréquence, avant de lancer :

« Tout le monde est prêt ? »

Une nuée de murmures affirmatifs lui répondit, et Lina laissa le bouton enfoncé, prête à dire la première formule. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il était temps de s'y mettre.

Elle écarta grand les bras et se mit à réciter une très ancienne formule en Wattpadien ancien, qu'elle entendit bientôt reprise par des dizaines d'autres voix entonnant à l'unisson l'incantation ancestrale. Une lumière ne tarda pas à émaner de son pendentif et de son bâton de prière, avant de se répandre sur son corps entier à travers le tissu léger de sa robe. Lina sentit ses poils se hérisser sous la caresse de la lumière, et écarta encore davantage les bras pour laisser la magie sortir. Bientôt, seul son dos qui se mettait à la brûler la distrayait du bien-être qui lui procurait la magie créationniste, la forçant à se recentrer sur l'incantation. Au bout de quelques minutes de récitation ininterrompue, cependant, Lina sentit qu'elle avait achevé sa part, et laissa la magie se mobiliser sans elle alors qu'elle ouvrait les yeux.

La ville était recouverte d'une intense lumière blanche, qui se réverbérait sur les visages des prêtres et soulignait leurs expressions allant de la concentration à la pure extase. Quelques corbeaux surpris par la concentration de magie inhabituelle tournaient dans le ciel autour des bâtiments, en attendant de se poser. Sinon, il n'y avait plus âme qui vivait dans les environs : Lina n'entendait pas le moindre animal, et elle ne sentait aucune présence dans la ville. Sans doute les quelques habitants avaient fui les lieux en apprenant qu'ils allaient être sanctifiés. Peu importait. La magie ne fauchait que les clichés. N'importe quel autre habitant ne serait pas affecté.

Il fallut un peu de temps avant que la lumière ne disparaisse, laissant derrière elle une ville intacte, avec peut-être des pierres qui semblaient moins souillées. Lina baissa les bras, rapidement suivie par les prêtres aux alentours, et éteignit sa radio. De toute façon, le rituel l'avait fait dysfonctionner. Elle était au bord de l'évanouissement, ses blessures hurlaient leur désaccord et le bas de son dos lui paraissait envahi par les flammes. Le rituel l'avait entièrement vidée, et la seule chose qui lui faisait envie, désormais, c'était une douche et une bonne assiette de viande.

Attrapant une serviette que lui tendait un obligeant soldat non loin, la jeune femme s'essuya le front, ébouriffant ses mèches rebelles et plaquant trois épis égarés sur sa tête. Épis qui ne tinrent pas très longtemps plaqués sur son crâne, et rebiquèrent aussitôt la serviette dans les mains du soldat. Constatant le piètre effet de ses tentatives, elle grogna, avant de tirer sur ses insupportables mèches dans une nouvelle tentative de les faire se tenir tranquille. Double échec : non seulement les épis maintenaient leur position, mais en plus maintenant ses muscles récalcitrants lui hurlaient leur douleur. Un juron s'échappa de ses lèvres, ce qui lui attira l'attention des autres prêtres scandalisés d'entendre pareille vulgarité dans la bouche de leur Cardinale ; mais Lina, fatiguée, n'en avait rien à faire de ce que pouvaient penser ses subordonnés, et pensait surtout à maudire ses fibres musculaires.

Elle prit davantage de précautions lorsqu'il fallut ôter sa robe de cérémonie. Elle portait en dessous sa tenue habituelle, un haut et un pantalon de cuir tous deux noirs, la tenue sous laquelle on la reconnaissait. Par contre, elle n'avait même plus envie d'aller la ranger elle-même. Elle était beaucoup trop fatiguée pour penser à l'altruisme. Ainsi, elle se contenta de la laisser sur l'herbe avec son bâton de prière, et se dirigea sans saluer personne vers le campement. Il lui fallut un peu de temps pour se rendre compte, au milieu de sa faim, qu'elle pouvait utiliser sa montre.

Les bruits de son estomac brisèrent le silence du camp alors qu'elle le traversait pour rejoindre sa tente, attirant l'attention des soldats plus sensibles. Une douce odeur de viande grillée lui chatouillait les narines au fur et à mesure qu'elle se rapprochait, stimulant sa production de salive. Ses lèvres se tordirent en un rictus affamé. Cette odeur... Cette odeur, c'était celle du bœuf grillé à point, saupoudré d'une fine couche de poivre et d'herbes, une chair tendre et parfaitement cuisinée... De la viande... De quoi remplir son estomac bien mis à mal par le rituel... De la nourriture, bon sang !

Sa faim se faisait insupportable et c'est son odorat, plus que sa vue, qui la guida vers la tente de Sky. Elle en écarta les pans avec une énergie seulement donnée par la faim, un filet de bave au coin des lèvres, prête à dévorer le bœuf entier s'il le fallait... Pour voir l'assiette, posée sur la table. Dégoulinante de jus, exhalant un fumet des plus alléchants. Sans plus de contenu qu'un fond de sauce luisante, agrémentée de quelques restes d'herbes. Et, autour de la table, Corbeau et Erin, qui bavardaient aimablement. Un os dans les mains et du jus plein les doigts.

Lina était à la limite de sentir son estomac se digérer tout seul. Et son cœur se déchirer en deux, aussi. Les traîtres ! Elle qui croyait qu'ils allaient bien s'entendre, et voilà que ces ordures, ces petits salopards, osaient lui agiter sous le nez la preuve de leur bonne chère alors qu'elle-même était sur le point de décéder sous le coup de la faim ! C'était sans doute un des pires pied-de-nez qu'ils pouvaient lui faire. Surtout avec cette odeur de viande grillée qui imprégnait encore la toile de la tente. C'était limite si elle n'en avait pas les larmes aux yeux. Sa perspective de bon repas... Envolée... Comme ça.

Son sentiment de trahison devint colère, et elle serra les poings, puis les dents, avant de hurler avec toute la colère dont son petit corps était capable :

« — Non du.... Bon sang de foutredieu de loup-garou, les gars ! Vous m'en avez pas laissé, par les saintes culottes de Zeus ?!? »

Pris en flagrant délit, les deux odieux coupables se retournèrent et Erin, voyant leur invitée surprise, ne put s'empêcher de pouffer. Il faut dire que la scène était cocasse. L'estomac de Lina manifestait sa frustration à tous les vents et l'expression du visage de cette dernière n'était pas mieux : Crispée par la faim, la bave aux lèvres, les yeux écarquillés et fixés sur l'assiette vide, elle avait l'air d'un loup-garou transformé devant un terrier de lapin. Et ce rire acheva de faire comprendre à Lina qu'elle ne regrettait pas du tout son affreux délit. Son estomac grogna encore davantage.

Corbeau fut plus considérant. Il posa son os dans l'assiette avant de se tourner vers l'affamée, une lueur inquiète dans ses yeux de glace.

« —Tout va bien, Lina ? »

Il n'en fallut pas plus à son interlocutrice pour craquer.

« — Non, ça va pas bien, bordel de cliché ! Je me suis levée avant l'aube, j'ai mal partout, mon dos est en train de cramer et je ressors d'un rituel qui m'a littéralement vidée de mon énergie, et je rentre pour voir que vous bande de paresseux avez bouffé toute la viande ?!? »

Il n'en fallut pas plus à Erin pour comprendre et se frapper le front, avant de se tourner vers Corbeau.

« —Et merde, Lina, c'est vrai, on a oublié Lina...

—Ah bah c'est bien le moment de s'en rendre compte tiens ! C'est abominable, là ! Et moi qui pensais qu'on allait réussir à bien s'entendre ! »

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Corbeau, avant qu'il ne se lève, assiette en main.

« —Je crois qu'on a compris, ne jamais se mettre entre Lina Frosilæn et une assiette de viande. Je vais rapporter ça aux cuisines et je vais leur dire de t'en préparer une. Satisfaite ?

—Elle a intérêt à être juteuse, l'entrecôte, » grommela Lina, néanmoins un peu calmée.

Corbeau hocha la tête avant de sortir, l'assiette en main. Erin, de son côté, fit la moue.

« —Bon ben, en attendant l'entrecôte, tu veux te reposer ici, Lina ? Tu peux, Sky est sortie voir les soldats blessés... »

Le rappel acheva de calmer Lina, qui se contenta d'aller s'installer sur le lit habituellement occupé par Sky en grommelant. Evidemment, elle s'en tirait mieux que d'autres. La seule chose qui la préoccupait était ses courbatures, le bleu qu'elle avait au niveau des côtes et la faim qui la tiraillait. Enfin bon, elle avait bien le droit de se plaindre, quand même. Elle ressortait d'un rituel essentiel au bon déroulement de la guerre.

Elle ne remarqua pas qu'Erin s'était approchée jusqu'à sentir sa main sur le bas de son dos, auquel elle avait fini par s'habituer à la brûlure. Le contact lui arracha un sursaut, et son corps se retourna d'un coup alors que son propre poing volait vers la tempe d'Erin par pur réflexe. Par chance, celle-ci intercepta le coup. Lina, rassurée de ne pas avoir frappé mais néanmoins mécontente, grogna :

« —J'peux savoir ce que tu fabriques ? »

Erin plissa les yeux.

« —Ton dos brille très fort, on dirait que quelqu'un a amené une sphère de magie lumineuse dans la tente. Du coup, je regardais ce que c'était. »

Sa marque, Lina se souvint. Dans son état de faim constante et de fatigue post-rituel, elle ne disposait que de très peu d'énergie pour ramener le dessin tracé sur son dos à son état normal. Ce qui faisait que la marque rituelle de l'Eglise de la Création était toujours active, pompant la magie des alentours et la sienne pour se rétablir... Et qui disait marque active, disait lumière blanche intense.

« —C'est rien de plus que ma marque, soupira-t-elle en rabattant son haut sur ses reins. Elle brille parce que je l'ai pas encore ramené à la normale, c'est tout.

—Et pourquoi tu le fais pas ?

—Parce que j'ai FAIM, sacré nom du Créateur ! Et quand je manque d'énergie, c'est dur d'en employer pour remettre à la normale un sort actif depuis un certain temps ! »

Erin hocha la tête avant de se reculer, laissant à Lina son espace vital. Au même instant, Corbeau rentra dans la tente, une nouvelle assiette pleine de viande entre les mains qui dégageait une odeur à en mettre l'eau à la bouche de Lina. Cette dernière se redressa aussitôt avant de s'asseoir à table, les yeux fixés sur l'appétissante pièce de viande. Son estomac se remit à grogner et Corbeau, qu'elle pouvait dès à présent considérer comme son sauveur, eut un nouveau petit sourire.

« —Eh bien, en voilà un appétit d'ogre pour un si petit corps.

— Che te permets pas de perchifler, grommela Lina déjà la bouche pleine. Che boche depuis l'aube, moi. »

Erin haussa les épaules.

« —Pour notre défense, on a aucune idée de si un rituel dans ton église est si épuisant que ça.

— Ça l'est, crois-moi, fit Lina après avoir dégluti. Dire des incantations pendant cinq minutes te prend à la gorge, et en plus tu dois contrôler la magie avec un maximum de précision quand c'est toi qui mènes. »

Au fur et à mesure qu'elle mangeait, la douleur dans son dos perdait en intensité. Enfin, lorsqu'elle eut fini la dernière bouchée de viande avec un bruit de gorge qu'on pourrait qualifier de très peu élégant, la lumière qu'émettaient ses reins finit par s'atténuer, jusqu'à entièrement disparaître. Lina savait qu'elle n'avait désormais dans son dos plus qu'un tatouage de chat entouré de trois rangées de runes et de symboles, et le fait de ne plus sentir sa peau brûler la soulagea. Un soupir s'échappa de ses lèvres, et elle s'affala dans son siège, repue et calmée.

Erin, voyant la détente de son corps, eut un léger sourire.

« —Mieux ?

—Y'a intérêt. Je ferais bien une petite sieste mais je sais pas si Sky va pas avoir besoin de nous dans les prochaines minutes. Z'avez des infos ? »

Corbeau secoua la tête, tandis qu'Erin soupirait.

« —Non, elle nous a juste dit qu'elle allait voir les soldats blessés et qu'ensuite, on irait au palais faire notre rapport. Aucune idée du temps que ça va prendre.

—Ce qui fait que je te déconseille de faire la sieste, Lina, renchérit Corbeau. On ne sait jamais. En attendant, puisque nous sommes tous les trois, autant en profiter pour discuter. »

Un bâillement s'échappa d'entre les lèvres de Lina à la mention de la sieste, mais Corbeau avait raison. Elle ne pouvait réellement se permettre de dormir maintenant. Et plutôt que d'aller s'ennuyer dans sa tente, autant qu'elle parle un peu avec ces deux-là. Ce serait mieux. D'ailleurs, Erin avait l'air de vouloir lancer la conversation.

« —Vu qu'on a du temps, Lina, tu pourrais m'expliquer un peu ton Eglise ? Je dois dire que je n'ai toujours pas compris, et comme elle a l'air importante dans la guerre...

—T'es sûre ? Fit une Lina surprise. Ça risque de prendre pas mal de temps...

—Mieux vaut ça que de ne rien faire. »

Lina ne put que se rendre à la justesse de l'argument. Par contre, Corbeau, qui semblait envahi d'un désintérêt notable, se recula sur sa chaise et sortit un livre de sa poche, laissant Erin comme seule interlocutrice de Lina. Celle-ci ne s'en formalisa pas. Expliquer une hiérarchie à quelqu'un qui plus que vraisemblablement la connaissait déjà pourrait se révéler être une corvée pour les deux.

Ne restait plus qu'Erin à écouter attentivement Lina expliquer, détail par détail, rituel par rituel, toutes les subtilités de sa Sainte Église. Elle décrivit la hiérarchie double, les communicants et les gardiens du Savoir, où elle se trouvait dans la hiérarchie des communicants. De temps en temps, Erin l'interrompait pour des questions de plus en plus précises, l'air intéressée par les informations que lui transmettait Lina ; et cette dernière, ravie d'avoir un public, ne se gênait pas pour répondre. La conversation prit bon train, et bientôt, elles souriaient toutes les deux en l'entretenant.

« – Alors la cardinale, c'est pas le chef suprême ? Finit par demander Erin. Pourtant dans certaines religions...

– Oui mais pas ici. Ici, le chef de ma branche, c'est l'archevêque. Qui est sous l'autorité directe du grand Patriarche et de ses assistants, les maréchaux. Moi, je contrôle juste les prêtres et les évêques, point. Et puis avoue que ce serait bizarre que la chef suprême de la religion d'Etat accepte une tâche aussi chronophage qu'assistante générale, nan ? »

Erin hocha la tête, et laissa Lina achever ses explications. Qui prirent effectivement une bonne part du temps qui leur était alloué, au point que lorsque Lina considéra enfin ne plus rien avoir à dire, la toile de la tente s'écarta pour révéler Sky.

Cette dernière portait une carte et bon nombre de papiers, qu'elle alla poser sur la table ou Lina avait laissé ses restes avant de se tourner vers les trois autres. Corbeau releva la tête de son livre, et Erin et Lina se rapprochèrent de la carte, sous le regard bienveillant de leur générale.

La carte déployée montrait bon nombre de croix rouges, tout autour de la capitale en particulier. Lina, qui avait déjà eu l'occasion de déchiffrer des cartes, comprit vite ce que ça signifiait, mais il ne fallait pas être une quelconque experte pour comprendre que les bastions clichés étaient beaucoup, beaucoup trop nombreux. Cela expliquait la pénurie de magie, les intrusions dans la capitale, et même la mort d'Orthographe. Avant de leur déclarer pour de bon la guerre, Kikoolol avait prévu son coup. Un grognement s'échappa des lèvres de Lina. Il ne manquait plus que cela. Ça allait lui prendre des heures pour nettoyer tout ça et ils n'en seraient pas plus avancés...

A côté d'elle, Corbeau affichait le même air pincé. Il posa son doigt sur une des croix rouges de la carte.

« —Celle-ci est à moins d'une heure de marche de la capitale. Je ne comprends pas comment personne n'a pu réagir.

—Les clichés se cachent bien, soupira Sky. Nous ne nous doutions même pas qu'il y avait des constructions avant que Miya ne nous renseigne mais j'ai envoyé des mages analyser les alentours et ils m'ont rapporté la présence de bon nombre de protections magiques. On ne peut pas se permettre d'aller les libérer un à un dans ces conditions. Trop petits et trop de temps perdu.

—Combien peut-on en attaquer en même temps ? » Demanda Lina.

Sky redressa la tête avant de prendre son menton entre ses mains.

« —Je l'ignore. Tout dépend du nombre de gens dans ces bastions, et de leurs pouvoirs. Il faudra d'abord y envoyer des équipes d'espions. Idéalement et en mobilisant toute l'armée que vous avez rassemblée, on pourrait en détruire la moitié d'un coup, mais dans le pire des cas il y aura des Mary-Sue et des Gary-Stu et il faudra mobiliser plus de troupes. En tout cas, on en saura pas plus avant d'en avoir estimé la taille et le nombre de soldats. »

Lina inclina la tête, avant de réfléchir. Il y avait environ une trentaine de ces points stratégiques, situés proches des capitales. Evidemment, il y en avait assez proches des bâtiments de certains confréries pour que ces dernières s'en occupent dans une certaine mesure, tout du moins si elles acceptaient de se battre. Mais ça n'empêchait pas de savoir qu'il faudrait mobiliser toute l'armée juste pour désinfecter les alentours de Wake'li. Et ni elle, ni Corbeau, ni Erin ne pourraient être partout. Surtout qu'ils avaient une autre mission que la guerre, et tant qu'ils ne sauraient pas comment Intrigue voudrait les utiliser pour rassurer le peuple... Difficile de prendre des décisions. Elle leva les yeux, et croisa les regards de Corbeau et Erin. Visiblement, ils en étaient parvenus à la même conclusion qu'elle.

Corbeau plissa les yeux.

« —En attendant, si j'ai bien compris, on est en statu quo tous les trois.

—Très juste ! Je dois vous emmener voir Intrigue pour qu'elle décide quoi faire de vous. De toute façon, vous ne participerez pas aux petites batailles, sauf en cas d'absolue nécessité. Vous êtes les futures figures de la guerre, pas des soldats ordinaires.

—Pardonnez-moi si je me trompe, interrompit Erin, mais pour l'instant, aucun de nous trois ne représente quoi que ce soit, si ? Si on est pas beaucoup vus sur les champs de bataille, ça risque de ne pas arranger nos affaires. »

Sky se tourna vers elle, un léger sourire aux lèvres, avant de se pencher vers la carte et la tapoter du doigt.

« —Tout ce qu'il y a là, vraisemblablement, ce sont de petits bastions sans grand intérêt. Les batailles seront bien plus nombreuses que cela, et prendront bien plus d'ampleur. Un soldat ne sera guère impressionné s'il vous voit sur un champ de bataille sans importance où n'importe quel autre soldat aurait pu prendre votre place. Et vous ne devez pas entretenir de proximité, mais impressionner. »

Corbeau et Lina échangèrent un regard. Impressionner, c'était bien joli, mais comment ? Avec quels hauts faits ? Et est-ce que les soldats ne préféraient pas des icônes auxquelles ils pouvaient s'identifier, auxquelles ils pouvaient parler ? Lina n'aimait pas beaucoup l'idée d'être au-dessus de tout de la sorte. Et puis, le fait qu'elle n'aille pas se battre lui déplaisait un peu. Sa mission, c'était l'extermination des clichés. Et elle doutait d'y arriver comme ça.

Sky, voyant leurs expressions dubitatives, poussa un léger soupir.

« Je me doute bien que ce n'est pas facile pour vous, que c'est nouveau et que vous allez devoir apprendre vite. C'est pour ça qu'Intrigue et moi, on va vous aider. Faites-nous confiance, d'accord ? En échange, je promets de vous emmener aux sommets qu'elle vise. »

Erin fit la grimace. Visiblement, le fait d'envisager ces fameux sommets ne lui plaisait pas du tout. Cependant, devant son absence de réponse, Sky sembla considérer que l'entretien était clos, et remballa la carte avant de mettre ses papiers dans un coffre.

« Bon ! Je vais aller voir si on a des équipes de retour, puis je vous emmènerai voir Intrigue. Je vous laisse ! »

Et sur ces mots, elle sortit, laissant derrière elle les trois fameuses figures plus perdues que jamais.

Erin fut la première à prendre la parole, les yeux fixés sur la table où se trouvait la carte.

« —Elle est bien gentille, Sky, mais comment je suis censée impressionner sans faire ce que je fais d'habitude ? Je suis juste une elfe mercenaire, qui n'a jamais vu la guerre de près, et même comparé à vous je n'ai ni grands pouvoirs ni hauts rôles. Qu'est-ce qu'elle compte mettre en valeur là-dedans ? »

Ça, c'était une bonne question, sans vouloir vexer Erin, songea Lina. Parce que souvent, les figures avaient des hauts faits à leur actif. Des batailles remportées de manière spectaculaire, des postes atteints à un âge très jeune, des pouvoirs très réputés. N'importe quoi qui fasse éprouver un sentiment de sécurité au peuple. Et Erin, selon ses dires, n'avait pas ça. Lina elle-même, malgré ses titres, ne savait pas comment elle pouvait davantage impressionner le peuple au point d'en devenir la protectrice attitrée. Elle non plus n'avait pas de hauts faits ni de pouvoirs exceptionnels. Pas de Légende toute prête. Et ce serait difficile de lui en créer une dans ces conditions.

Corbeau, qui fixait un point sur la toile de la tente, finit par soupirer. Son visage avait repris ses airs neutres habituels, mais à en juger par ses bras croisés sur sa poitrine et son attitude fermée, l'idée de Sky lui déplaisait.

« —Sky a sans doute le plus d'expérience de nous trois à la tête des armées, mais je considère qu'en ce point, elle a tort. Nous sommes pour le moment des étrangers, des outsiders. Même si tout le monde a pu voir Lina abattre la chef clichée et les déploiements de ma propre magie, ils restent circonspects à notre égard. Nous avons toujours un statut mitigé. »

Lina hocha la tête. C'était bien ce qu'elle pensait elle-même. Il est particulièrement difficile d'inspirer confiance à une armée alors qu'on y rentre directement avec un haut poste. Le fait d'être ceux ayant proposé l'idée révolutionnaire de mobiliser les autres univers dans l'armée de Wattpadia les mettait tout juste sur un statut du « doit faire ses preuves ». Et Lina ne considérait pas les avoir encore faites.

Corbeau continua de parler, le visage toujours inexpressif.

« Ce n'est pas en jouant les inaccessibles qu'on gagnera leur confiance. Ça, c'est pour les personnes comme Sky, qui peuvent se vanter d'avoir fait leurs preuves dans la guerre. Et même alors, elle reste proche de ses soldats. Elle va voir les blessés, nous parle, fait des discours. Elle est une figure présente et son air inébranlable inspire autant que la douceur qu'elle affiche. Si elle nous laissait sans chaperon maintenant, l'armée nous dévorerait.

—Et donc ? Tu proposes de faire quoi, pour le moment ? On ne peut pas tellement désobéir à un ordre, non seulement c'est débile, mais en plus ça nuirait à l'image, » grogna Lina.

Son agacement n'était cependant pas dirigé vers Corbeau dont elle reconnaissait volontiers la justesse des paroles, mais vers l'impasse dans laquelle ils se trouvaient. Elle en était à un stade où elle ne savait plus quoi faire. Les responsabilités qu'elle avait reçues commençaient à peser sérieusement lourd sur son pauvre dos...

« —Pour l'instant, soyons le summum de l'efficacité, finit par soupirer Corbeau avec un silence. Aidons à entrainer les soldats, allons voir les blessés, faisons ce que nous savons faire de mieux. Lorsque nous auront gagné leur confiance, il sera plus facile de faire nos preuves.

—Et moi ? Marmonna Erin. Tu veux que je fasse quoi, moi ? Je sais pas sanctifier des villes ni faire des tours de glace de vingt mètres de haut, moi.

—Tu sais Erin, fit Lina, t'es pas obligée de te dénigrer comme ça. Si la magie était l'essentiel, je me serais fait connaître pour mes dons de métamorphe. T'as forcément d'autres talents à exploiter. Ou même des choses à nous apprendre, à nous. »

Erin eut un faible sourire, mais n'ajouta rien. Au même moment, la voix enjouée de Sky les appela de l'extérieur, leur faisant tourner la tête.

« —Allez, vous trois, on va chez Sa Majesté la Reine ! On a plein de choses à lui dire ! »

Lina émit un grognement à l'idée de quitter sa chaise, mais s'exécuta sans se plaindre, même alors que ses côtes blessées lui arrachaient un sifflement. Erin et Corbeau la suivirent en silence, la première fixant ses ongles et le deuxième, de nouveau perdu dans la contemplation d'un point au loin.

Sky les traîna dans tout le camp en bavardant amicalement –enfin, il serait plus exact de dire qu'elle entretenait la conversation à elle seule– puis, alors qu'ils arrivaient à la limite, se tourna vers Lina et Corbeau.

« —Vous êtes des yürhamah, non ? L'un de vous pourrait-il ouvrir un portail vers la salle du trône ?

—Tu n'as pas la possibilité de le faire toi-même ? S'étonna Corbeau.

—Eh bien non, en fait ! Je suis une yürhamah comme vous mais je n'ai pas de montre et je n'en ai jamais eu besoin ! »

Lina écarquilla les yeux. La montre des yürhamah était une grande part de leur culture et jamais aucun voyageur de sa connaissance ne s'était montré sans l'appareil, sauf évidemment, dans le cas des créatures qu'il fallait contenir. Et encore. Certains monstres de sa connaissance en possédaient une. Alors entendre que la générale de l'armée, une personne de son importance, était une voyageuse sans montre... Et elle disait ça avec un tel sourire, comme si c'était quelque chose d'anodin. Ce qui était loin d'être le cas.

Aussi loin que Lina se souvenait, elle avait toujours eu sa montre. Elle ne savait pas, pendant un long moment, qu'il s'agissait d'une montre spatio-temporelle, mais elle avait quand même toujours eu sa montre. S'en séparer lui était à peu près la même sensation que s'arracher un membre. Elle ne parvenait pas à comprendre les gens qui n'en possédaient pas.

Elle échangea un regard avec Corbeau, qui haussa les épaules, et, sans faire le moindre commentaire, leva sa propre montre. Un portail s'ouvrit bientôt juste devant les quatre compères, et Sky ne perdit pas de temps pour sauter dedans. Erin la suivit, puis ce fut au tour de Lina.

La salle du trône n'avait rien à voir avec sa première visite. Il ne s'était écoulé que six jours depuis qu'elle avait fait cette fatidique proposition au roi, mais durant ces six jours, les buissons de fleurs que Style entretenait avec le plus grand soi avaient été remplacés par des tableaux et des schémas de bataille, et trois tables avaient été entreposées dans un coin de l'immense pièce. Sans doute destinées à accueillir des stratèges, se dit Lina en les voyant vides. La luminosité avait grandement baissé, et Style et Intrigue, plutôt que de se balader dans leur environnement comme si de rien n'était, se trouvaient tous deux assis sur leur trône, les regards teintés d'inquiétude. A leurs pieds, il y avait le prince Vocabulaire, un adolescent de seize ans, qui tremblait de tous ses membres. Et, à ses côtés, bien droite dans son fauteuil, la princesse Originalité, qui lisait un livre plus grand qu'elle sans se préoccuper de la visite.

L'apparition de Corbeau, Erin, Sky et Lina devant les deux trônes fit tourner la tête à Intrigue. La reine se leva et se dirigea d'un pas vif vers Sky, la tête haute, mais Lina ne put s'empêcher de remarquer ses rides de souci. Elle plissa les yeux. Qu'est-ce qui avait pu se passer pour qu'en cinq jours, la reine s'inquiète à ce point ?

Sky salua Intrigue, et les trois autres s'inclinèrent en la voyant arriver, mais cette dernière leur fit signe de se relever.

« —Vous tombez bien, je voulais vous voir. Nous avons de mauvaises nouvelles.

—Des mauvaises nouvelles de quel genre, votre Majesté ? » Demanda Sky, alors que Style et Vocabulaire s'approchaient.

Cette dernière poussa un profond soupir.

« —Commencez par nous faire votre rapport. »

Lina aurait bien aimé entendre la mauvaise nouvelle en premier, surtout que si elle inquiétait tant Intrigue alors que la guerre avait pris un nouveau tournant, elle devait être grave. Mais Sky obéit sans poser la moindre autre question, à son grand regret.

« —La ville abandonnée signalée par nos éclaireurs a été reprise et investie sans heurts hier, votre Majesté. Les prêtres, menés par la Cardinale Frosilæn ici présente, l'ont sanctifiée ce matin, et quelques unités commencent à s'y installer. Nous avons décidé de la rebaptiser Erdenn'aëll, j'espère que vous ne prendrez pas ombrage de mon initiative. Également, nous avons découvert un certain nombre de bastions clichés aux alentours de la capitale, mais aucun ne semble avoir l'importance qu'avait Erdenn'aëll, j'estime donc qu'il sera facile de s'en débarrasser. »

Intrigue hocha la tête, l'air un peu rassurée, alors qu'à ses côtés Style poussait un soupir de soulagement. Vocabulaire, lui, ne se détendit pas d'un pouce, et se cacha même dans les jupes de sa mère alors que Sky continuait son exposé. Ce ne fut que lorsqu'elle y eut mis le point final que la reine poussa un profond soupir.

« —Des bastions clichés et la mention du « maître de la magie », en plus du nom d'un certain Sretaz... Rien de bon pour le moment, même si c'est bien sous contrôle. Tant mieux.

—Euh Lina, souffla Erin, je ne t'ai pas demandé mais, c'est quoi, un maître de la magie ? Ça a l'air de faire peur à tout le monde...

—Je t'expliquerai plus tard, répondit Lina sur le même ton en regardant Intrigue. Pour l'instant, écoutons. »

Erin hocha la tête et reporta son attention sur Intrigue, qui avait pris son menton entre ses doigts. Son regard se porta sur Lina.

« —Dites-moi, cardinale, avez-vous vu la trace de n'importe quelle religion sur le campement ou le champ de bataille ?

—Euh, mis à part la Sainte Création, non, fit celle-ci, prise au dépourvu. Pourquoi, vous craignez quelque chose ? »

Le visage d'Intrigue se détendit encore un peu plus.

« —Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai diminué le pouvoir de la plupart des cultes à Wattpadia, Lina. Aujourd'hui, j'ai dû mettre ma fierté de côté en allant leur demander de l'aide, et comme je m'y attendais aucun n'a réagi favorablement. Aucun, sauf un, le Culte de la Flamme. C'est une des divinités mineures qui possède le plus de pouvoir ici grâce à l'action de son Grand Inquisiteur, et...

—Vous craignez le coup fourré, n'est-ce pas, l'interrompit Lina.

—Exactement. De même qu'une action antagoniste des autres religions. Je n'ai jamais vraiment fait confiance à Optrik... »

Lina haussa un sourcil. Optrik, si sa mémoire était bonne, c'était le nom du Grand Inquisiteur de la Flamme. Elle ne l'avait jamais vu, jamais côtoyé, et les autres prêtres ne parlaient jamais de lui. Elle ne le connaissait que des paroles de certains habitants. Le piège des dalles de feu qu'elle avait dû traverser lui revint.

« —Optrik semble plutôt disposé à vous donner son aide, fit Corbeau, qui en était vraisemblablement arrivé aux mêmes conclusions. Pourquoi craignez-vous un coup fourré ?

—Cet homme est mauvais de nature. Et en plus de ça, il cherche par tous les moyens à augmenter le pouvoir de la Flamme à Wattpadia. Je vous conseille de vous méfier de lui. »

Ce n'était pas Intrigue qui venait de parler mais Style, les doigts serrés sur son croc qui dépassait. Son expression n'avait plus rien de celle du roi débonnaire que Lina connaissait, bien au contraire ; elle y voyait du mépris et de la haine, qu'elle devinait dirigés contre ce fameux Grand Inquisiteur. Vocabulaire venait d'ailleurs de lever un regard inquiet vers son père, surpris par tant de véhémence. Lina plissa les yeux, et Intrigue lui adressa un regard réprobateur.

« —Style, enfin, tu fais peur à Vocabulaire avec cet air mauvais ! Je comprends tes doutes, mais il faut rassurer le peuple, tout de même... »

Lina, Corbeau et Erin échangèrent un regard. Pile ce qui les préoccupait.

« —A ce propos, fit Sky, il faudrait parler de comment nous devrions présenter Lina, Corbeau et Erin après cette première bataille, et le comportement à adopter...

—Certes, certes. Sans doute devraient-ils prendre un peu davantage de responsabilités dans l'armée maintenant ?

—Ou alors, intervint Vocabulaire d'une voix faible, il faudrait démontrer leurs talents au combat ?

—Possible, fit Style. Mais je suggère également de les faire se rapprocher du peuple un maximum, pour acquérir leur confiance.

—Ou alors, fit une voix sèche près du trône, on pourrait tout simplement écouter ce qu'ils ont à dire ? »

Lina en aurait presque remercié le Créateur pour l'intervention, qui exprimait exactement ses pensées. Bon sang du Créateur, elle était un être vivant, pas un objet ! Et encore moins un outil au service de sa reine. Si c'était en ça qu'Intrigue cherchait à la transformer, autant qu'elle donne sa démission immédiatement. Un murmure approbateur émana d'Erin, et Corbeau siffla, signe qu'ils avaient les mêmes pensées en tête. Mais ça ne se ferait pas comme ça.

La personne qui venait de parler était Originalité, qui faisait maintenant rouler son fauteuil vers l'assemblée, les yeux froids. Son livre, abandonné derrière elle, traînait désormais sur les dalles de la salle du trône. Elle avait beaucoup changé, se dit Lina en voyant son regard empreint de maturité. Et visiblement elle parvenait tout à fait à comprendre les implications de pareille réunion d'adultes. Cette enfant venait de devenir leur meilleur soutien.

Style, Intrigue, Vocabulaire et Sky avaient une expression digne de celui qui venait de se prendre une douche glaciale. Aucun d'eux ne dit mot en voyant Originalité approcher, et Sky eut même le bon sens de prendre une expression coupable. Mais la princesse ignora sa famille, et posta son fauteuil juste à côté de Corbeau, avant de les regarder, tour à tour.

« —Vous êtes l'un des plus grands espoirs de mes parents, et lorsque nous annoncerons notre première grande victoire contre les clichés, le peuple commencera à vous considérer comme ceux qui vont les sauver. Votre image est essentielle mais j'aimerais que vous disiez maintenant à votre reine comment est-ce que vous envisagez-ça, vous. »

Erin écarquilla les yeux, Corbeau les plissa, et même Lina ne put s'empêcher de détourner le regard devant celui, violet, de la fillette de huit ans. Elle parlait bien, trop bien pour son âge. Originalité de Wattpadia était certes réputée pour son génie, mais jamais Lina n'aurait pensé en être témoin dans pareille situation. Et à l'expression sombre de la petite, elle non plus aurait préféré ne pas en faire la démonstration sous de tels auspices. Mais elle ne semblait pas exiger de réponse. Alors, Lina se tourna vers Corbeau et Erin, échangea un rapide regard avec eux, résumant tout ce qu'ils avaient pu dire plus tôt, dans la tente de Sky. Et c'est Erin qui prit la parole, après s'être tournée vers les souverains.

« —Vos Majestés, je pense que je peux dire qu'on est tous flattés de votre confiance. Mais on reste des êtres vivants et je ne pense pas être capable de suivre un rôle tout prêt pour moi. Personne n'y croirait. Si je peux être connue en tant que quelqu'un, j'aimerais que ce soit en tant qu'Erin. »

Lina hocha la tête, et Corbeau reprit.

« — J'ai bien conscience que notre image sera essentielle. Mais si ce n'est qu'une image, le peuple comprendra vite qu'on l'a roulé et il nous sera plus risqué de faire un faux pas. Nous placer en avant, d'accord. Nous bâtir un personnage, non. »

Intrigue et Sky échangèrent un regard, avant que cette dernière n'incline la tête.

« —Je tiens dans ce cas à vous présenter mes excuses pour ne pas avoir pris vos avis en compte.

—La situation est grave, soupira Intrigue, et le stress est désormais notre quotidien. Mais ça n'excuse pas l'erreur stratégique que nous nous apprêtions à faire. »

Style haussa les épaules, et lui et Vocabulaire repartirent vers les trônes, plongés dans une profonde discussion. Intrigue eut un sourire plus doux, et elle poussa un profond soupir avant de regarder Lina.

« Je vous confie àSky, comme je vous l'avais dit le premier jour. Mais considérez-vous comme seségaux en matière de réflexion sur votre action. Il s'agit de votre Légende,après tout. C'est à vous de l'écrire. » 

________

Me revoilà avec un rythme un peu plus régulier ! (Quoi ? Le chapitre aurait dû arriver hier ? Chhhht, il est là. XDDD)

Vous pourrez constater qu'ici la réécriture a été bien bien modifiée par rapport à l'original... J'ai retranché des trucs que je trouvais vraiment trop lourds et presque OoC pour Lina telle que je la vois, retiré des persos et ajouté de l'importance à Originalité, qui a vraiment besoin de chara dev.

Du coup oui, pas mal de réflexions de Lina à ce stade seront modifiées aussi ! Notamment que désormais, elle se fiche pas mal de ce que Corbeau et Erin spécifiquement peuvent penser d'elle. L'ancienne scène de ce chapitre et ses implications étaient devenues OoC pour les deux, et franchement, limite clichée. Ce qui est quand même le comble, vous en conviendrez.

Bref, j'espère que cette progression vous plaît quand même !

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