𝐋𝐄𝐒 𝐄𝐍𝐅𝐀𝐍𝐓𝐒 𝐀𝐔𝐗...

By Ina_Lunesage

18K 3.4K 4.3K

Sephora Ravenscroft est une jeune femme tourmentée depuis l'enfance par ce qu'elle appelle « les enfants aux... More

Avant-Propos
† PROLOGUE †
† UN †
† DEUX †
† TROIS †
† QUATRE †
† CINQ †
† SIX †
† SEPT †
† NEUF †
† DIX †
† ONZE †
† DOUZE †
† TREIZE †
† QUATORZE †
† QUINZE †
† SEIZE †
† DIX-SEPT †
† DIX-HUIT †
† DIX-NEUF †
† VINGT †
† VINGT-ET-UN †
† VINGT-DEUX †
† VINGT-TROIS †
† VINGT-QUATRE †
† VINGT-CINQ †
† VINGT-SIX †
† VINGT-SEPT †
† VINGT-HUIT †
† VINGT-NEUF †
† TRENTE †
• Mot de Fin •
† LES CONCOURS †
† WATTYS †

† HUIT †

536 113 214
By Ina_Lunesage

J'arrive au cabinet un peu en retard. Ma journée ne commence pas bien du tout, mais voir le sourire d'Alaska retire une partie de noirceur établie dans mon cœur depuis mon réveil. Elle semble s'être inquiétée pour moi suite à l'histoire avec Marsch, ça me touche beaucoup. J'ai l'impression de ne pas être si insignifiante que ça, que j'arrive à compter encore un peu pour quelqu'un malgré ma situation.

Je suis heureuse d'apprendre que le rendez-vous avec sa mère a été fixé pour la semaine prochaine. D'après les paroles d'Alaska, elle a l'air d'être impatiente de me rencontrer. Il en va de même pour moi ; je prie pour qu'elle puisse m'aider, a contrario des informations que j'ai pu relater dans le bouquin de la bibliothèque. Ses dons semblent très grands. Alaska a confiance en sa mère et arrive à m'instiller un soupçon de cette foi inébranlable et ça me fait du bien.

Cependant, ma matinée reste sous le signe de la méfiance et du malaise.

Être confrontée au Docteur Marsch est pour moi une épreuve. Lorsque j'ai croisé son regard bleu, la première fois, en arrivant, tout le déroulement de notre échange m'est revenu en mémoire, tels des flashs anarchiques. Mon cœur se soulève quand l'apparition de Myrtle vient s'en mêler. Ses petits mots gentils à mon encontre me dégoûtent plutôt qu'autre chose. Ce type fait comme si rien ne s'était passé. Si je vais mieux ? Il m'en faudra bien plus pour ça, Marsch ! Votre air mielleux ne fait qu'aggraver ce sentiment de colère que je garde enfoui au fond de moi.

Pas une once de remord en lui, rien n'entache sa façade superficielle et son sourire impeccable ; à moins qu'il ne le laisse pas entrevoir devant Alaska et les clients.

Il est presque onze heures, le prochain patient arrive dans une dizaine de minutes, normalement. Je profite d'une accalmie pour rejoindre Alaska au guichet, après avoir désinfecté une dernière fois la salle d'attente. J'ai une question bien précise à lui poser et j'espère qu'elle saura me répondre.

— Dis, Alaska, tu connais l'écrivain Lehb Epgor ?

Ma collègue relève un œil surpris et interrogateur sur ma personne. Elle me rétorque, comme une évidence :

— Jamais entendu parler. Il écrit quoi ?

— Du paranormal. Plus précisément, il relate des témoignages sur le paranormal et les créatures liées à ce phénomène. Du moins, c'est ce dont parle son livre, les Légendes d'Outre-Tombe.

— Ah oui ? Et t'as trouvé quoi dans ce bouquin ? Si tu m'en parles, je me doute que ce n'est pas pour rien.

Elle est perspicace. Ou alors, elle lit trop bien en moi. Je m'apprête à tout lui raconter lorsque la sonnette de la porte tinte et me coupe dans mon élan. Une trentenaire et un petit garçon arrivent ; le jeune patient pour la carie. Mince !

D'un œil, Alaska me fait comprendre qu'on en discutera plus tard. Je suis aussi de son avis. Nous accueillons l'enfant et sa mère, puis je l'escorte dans le bureau de Marsch. Comme à son habitude, il nous reçoit avec un immense sourire qui met le garçonnet en confiance. Moi, ma confiance est partie au cachot du moment où j'ai posé les pieds dans ce bureau. La dureté de mon regard envers lui semble l'avoir attiré, car il se tourne enfin vers moi.

— Mademoiselle Ravenscroft, je vais avoir besoin de votre aide. J'aimerais que vous me secondiez pour cette intervention.

J'aurais mieux fait de baisser les yeux...

Comme Alaska a tout fait toute seule, l'autre jour, lorsque je suis rentrée chez moi, c'est un moyen d'alléger son travail. Non sans agacement, j'accepte à contre cœur. C'est mon travail, malgré tout. Il doit ressentir mon embarras, car le quarantenaire me lance une œillade encourageante en espérant me motiver. Dommage, je ne suis pas d'humeur. Derrière moi, je ferme la porte sans en avoir envie. Le verrou claque et me voilà piégée.

Sans attendre, nous installons le patient sur le fauteuil. Je pars préparer les plateaux sur lesquels seront disposés les instruments préalablement stérilisés par mes soins pour les mettre à la disposition immédiate du chirurgien-dentiste, à l'instant précis où il en aura besoin. Lorsque le scalpel passe entre mes doigts, je revois Myrtle me hurler de m'en servir contre Marsch... Mon corps tremble d'effroi rien que d'y repenser. Mon pouls s'accélère sans que je ne puisse le contrôler. Je relâche la lame instinctivement, de peur que cette maudite enfant réapparaisse pour m'insuffler ses idées noires. Le bruit métallique résonne et attire l'attention de Marsch qui m'appelle, de sa voix enjouée :

— Mademoiselle Ravenscroft, je vous attends.

Je me ressaisis immédiatement et apporte le matériel chirurgical en priant pour garder la face. Respire, Sephora... Ça va bien se passer. Ne pense plus à rien, focalise-toi sur ton travail.

Gants en latex aux mains, j'assiste à l'ablation de la dent cariée de ce jeune enfant. Il est courageux, même le son cinglant de la fraise ne semble pas l'effrayer. C'est drôle, plus les minutes passent, plus son visage me fait penser à celui de Phébus, en un peu plus vieux. Ses cheveux blonds comme les blés ressemblent aux siens. Tout au long de l'opération, moi et Marsch s'échangeons des regards que je fuis aussitôt. Je n'ai ni la force, ni l'envie de l'affronter. La tension entre nous est électrique, on pourrait presque entendre l'air crépiter dans la salle de travail. J'ai hâte que ça se finisse.

Lorsque l'intervention est terminée, Marsch raccompagne le petit et sa mère vers la sortie en leur conseillant d'éviter les bonbons durant quelque temps. Moi, je m'occupe de stériliser et ranger les instruments sales dans le petit évier en inox du bureau. Midi est là ; je vais pouvoir aller à la bibliothèque. Au moment où je vais quitter le bureau, Marsch me barre la route. Je me pétrifie aussitôt, arborant sûrement l'expression d'un animal blessé coincé par son prédateur.

— Sephora, j'aimerais vous parler en privé. Ça ne vous dérange pas ?

Bien sûr que ça me dérange ! Seulement, j'ai bien envie de savoir ce qu'il va me dire. Ma curiosité me perdra un jour. Les bras croisés sur ma poitrine, je me tiens droite, afin de lui montrer formellement que j'attends des explications ou du moins, des excuses. En refermant la porte derrière lui, il s'élance :

— J'aimerais vous demander pardon pour la dernière fois. Je ne sais pas ce qu'il m'a prit. Je suis déboussolé depuis que ma femme m'a quitté. J'avais besoin de quelqu'un.

Voilà qu'il va me raconter sa vie... Ça, c'est la meilleure ! Vu comme il est accro aux femmes, ça ne m'étonne pas que son épouse l'ait laissé tomber. La pauvre a dû apprendre certains de ses vagabondages extra-conjugaux et autres batifolages. C'est ça lorsqu'un sale type nous passe la bague au doigt. De manière détachée, j'accepte cependant ses excuses. Je ne désire qu'aller à la bibliothèque, j'aimerais qu'il me laisse partir. Je n'ai rien à faire avec lui, de toute façon. Or, lorsque j'essaye de le contourner, il m'arrête à nouveau.

— Sephora, attendez... J'aimerais faire ça dans les normes avec vous, afin de vous montrer comme je suis réellement. Je vous invite au restaurant, ça vous dit ?

Mon cerveau disjoncte à ces mots. Il n'est pas sérieux ? Son sourire franc me fait comprendre que si. Je ne sais quoi répondre, j'ai juste envie de m'en aller. Je n'en reviens pas du culot de cet homme ! Calme-toi, Sephora... Trouve-lui une excuse sans être trop méchante ; il reste ton patron, celui qui t'aide à survivre dans la jungle urbaine de la vie. Allez, tu peux y arriver...

— Je suis désolée, Docteur Marsch, mais je vais devoir refuser. Ce n'est pas du tout le bon moment pour moi, car je viens de rompre avec mon petit copain et je n'ai pas la tête à sortir. De plus, avec ce qu'il s'est passé entre nous l'autre jour, je n'arrive plus à vous faire confiance.

Ma réponse jette un blanc. Marsch hoche lentement la tête, de manière pensive. Je crois que je l'ai déçu, mais je m'en contrefiche. Je n'ai dit qu'une vérité et parfois, la vérité peut être aussi dure à avaler qu'une pierre chauffée à haute température. Soudain, le visage du dentiste change ; il passe de la déception au mépris.

Du mépris ? Envers moi ?

— Je comprends, Sephora, me dit-il, d'une voix sérieuse que je ne lui connais pas. C'est comme vous voulez, mais je souhaite que ce qu'il s'est passé entre nous reste secret. Voyez-vous, je jouis de ma réputation en ville. Si les patients ou même mes collègues dans le milieu apprennent que j'ai quasiment agressé l'une de mes secrétaires, ils ne me verront plus du même œil et mon image en pâtira.

— Ça, fallait y penser avant de vous faire des idées sur mon compte. Si je parle, qu'est-ce que vous ferez, Marsch ? Plutôt... qu'est-ce que vous « me » ferez ?

Mon ton grave et provocateur a l'air de l'agacer au plus haut point. Il montre son vrai visage peu à peu. L'homme rieur et charmant que les autres connaissent en dehors du privé adopte doucement les traits d'un pervers manipulateur. Je le réalise vraiment lorsqu'il s'adresse à moi, une dernière fois :

— Je vous conseille de fermer votre clapet concernant cette affaire, Ravenscroft. Il serait malheureux que vous soyez renvoyée du jour au lendemain. Dites-vous que c'est votre parole contre la mienne. Et de mon côté, ma voix porte plus que la votre, il en va de même pour les histoires que je peux raconter à votre sujet. Restez donc calme et silencieuse si vous tenez à votre place.

Je suis dégoûtée par ces mots, littéralement abasourdie. Je n'ai même pas la force de lui hurler qu'il n'avait pas le droit. Ma défense s'effondre lorsqu'il me laisse en plan, quittant le bureau pour de bon. Ce salaud me fait du chantage ? Que peut-il raconter sur moi ? Hormis que je pense voir des fantômes, rien. Sauf s'il invente un récit de toutes pièces en retournant notre échange en sa faveur.

Et s'il disait que c'était moi qui l'avais charmé ? Il n'oserait quand même pas !

Je glisse une main livide sur ma joue. Respire, Sephora... Respire... Tu trouveras une solution. Marsch finira par avoir ce qu'il mérite ; une punition à la hauteur de ses offenses.

À l'heure de la pause, je file hors du cabinet avec pour seul but de me rendre à la bibliothèque. L'amertume est encore présente sur ma langue suite à mon affrontement avec Marsch. Voir si j'ai reçu la réponse à ce mystérieux inconnu pourra peut-être me faire oublier cet événement durant une poignée d'heures. Sur le trottoir, alors que je noue mon écharpe fétiche autour de mon cou pour me protéger du vent frais de l'automne, Alaska me hèle pour savoir si je veux déjeuner avec elle.

Je n'ai pas le temps, malheureusement. J'ai d'autres projets plus importants que de flâner au resto. Après avoir gentiment refusé, je laisse mon amie derrière moi et cours vers la bibliothèque. J'y suis au bout d'une bonne vingtaine de minutes de course.

Le soleil au zénith me réchauffe trop tandis que je transpire sous mon petit blouson. La chaleur et le sport ne font jamais bon ménage. Je slalome entre les passants sur la rue, sentant le goudron bouillir sous mes pieds. Nous approchons du mois de novembre, le froid s'installe lentement. Le rude été qu'on a eu a abandonné des corps éreintés derrière son sillage.

Enfin, me voilà à la bibliothèque.

J'y entre sans calculer qui que ce soit. Je suis aveuglée par ma destination. J'ai gardé trop de suspens et d'impatience en moi, aujourd'hui, ils ne demandent qu'à éclater. Dans la section paranormale, toujours aussi vide, je me dirige d'instinct vers la rangée que je commence à connaître par cœur. Mes doigts tâtent les reliures de chaque bouquin jusqu'à tomber sur celui que je recherche.

Il n'a pas bougé d'un pouce.

L'impatience me guide dans mes actes et je retourne littéralement le livre à l'envers, avant de le secouer.

Une feuille en tombe et s'écrase au sol.

Dans un sursaut, j'échappe presque le manuscrit par terre. Je le rattrape de justesse et le cale sous mon bras avant de ramasser la mystérieuse page. Mon sang est en ébullition, j'ai l'impression que ma tête va exploser tant j'ai envie de savoir s'il s'agit d'un nouveau message, ou simplement l'ancien, n'ayant pas été changé. Cette dernière pensée m'apporte une once de crainte. Il faut que ce soit un nouveau dessin, un autre texte, des mots différents.

J'en ai besoin...

En la dépliant, je découvre un dessin. Un soupir de soulagement mêlé à la surprise s'extirpe de mes lèvres. J'y découvre de nouvelles lignes, des tracés divergents. Toujours la même fille représentée ; peut-être moi. Or, cette fois, elle pleure, les mains barrant sa bouche. Autour d'elle, quatre ombres noires et informes la scrutent sournoisement. Quatre ?

Evan, Phébus, Myrtle et Angela ?

Avide de réponses, je ne cherche pas à en savoir davantage à ce sujet, puis retourne la feuille. Un message est inscrit. Je le lis, trépignante :

« RDV à 18h devant la bibliothèque, le jour même, si vous voulez en apprendre plus. »

Un rendez-vous ? Mon souffle se coupe. Je ne réfléchis pas et écris juste en bas un simple « Ok », ne sachant quoi rajouter. Enfin... Peut-être que j'arrive au bout du tunnel. Cet étrange inconnu sera peut-être ma lanterne dans le dédale sombre de mes questions. À dix-huit heures, ce soir, j'y serai.

En rangeant la feuille dans le livre, puis en le remettant à sa place, je prie mon bon sens pour ne pas avoir fait une erreur.

Continue Reading

You'll Also Like

3K 539 38
Ce que tous redoutaient à eu lieu. La guerre entre humains et métamorphes est déclarée. L'instigateur de la grande attaque est mort mais ce sont les...
8.3K 750 19
Je ne comprenais pas, nous étions au beau milieu de l'année scolaire, mes résultats étaient corrects sans pour autant être incroyables et j'étais tou...
1.2K 142 11
Esclave, Zilpa est capturée pour servir d'offrande aux princes arrogants de Septorä qui ne cherchent qu'à s'amuser. Elle atterrit malgré elle dans le...
171K 26.2K 95
La fille d'un des plus puissants Krig d'Australie disparaît. Dans son sillage, elle emporte bien plus que son seul souvenir. Une meute s'étiole, les...