Kilo-drames TOME II

By MohamedLMClt

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La perte est une peste, va-t-elle la surmonter ou s'enfoncer ? More

Partie 1 - « La mort n'arrête pas l'amour. »
Partie 2 - « Comment vivre ? »
Partie 3 - « Un janvier different. »
Partie 4 - « Une pilule dure à avaler »
Partie 5 - « Se comprendre »
Partie 6 - « Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain. »
Partie 7 - « L'amour est sensé nous enrichir »
Partie 8 - « Le temps d'un instant »
Partie 9 - « Boum... Boum... Tachychardie »
Partie 10 - « Parce que tu m'aimes. »
Partie 12 - « Devenir sa femme »
Partie 13 - « Une rencontre »
Partie 14 - « Les jeunes mariés »
Partie 15 : « Le coeur supplicié »
Partie 16 - « L'ombre brisée »
Partie 17 - « Nid à problème »
Partie 18 : « Son coeur dur s'immole »
Partie 19 - « Le premier amour... »
KILO-DRAMES PARTIES FANTÔMES
KD #3 ALTERNATIVE // Partie 20 // Les souvenirs.
Partie 21 : « Désir ou désillusion »
Partie 22 : « Les battements de son coeur »

Partie 11 - « L'Amour des maux. »

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By MohamedLMClt

Hey ! Voici la suite tant attendu.
J'attends vos avis, peut-être encore brouillé, dans les commentaires.
Bonne lecture.
_____________________

Une gifle.

C'est ce que mes membres m'ont ordonné pour me sortir de cette situation. Il se tient la joue. Sans réaction. Aucune émotion ne le perturbe. Il ne fait que m'analyser. Comme s'il voulait s'imprégner de moi afin de saisir le fond de cette gifle. Moi ? Je ne fais que me morfondre de tout ce qui se passe. Les gouttes qui s'échappent de mes prunelles l'invitent à s'excuser. Le supplie de s'excuser. Aucun électrochoc ne vient le dévier de sa trajectoire.

- Quitte-le.

D'une voix grave et lente, il me sort ces quelques mots. Simple mais lourd de sens. Il ne capitule pas. Il sait ce qu'il veut et il n'en démordra pas.

- Qu'est-ce que tu sais réellement de ce que tu penses ressentir pour moi Junayd ? Tu l'as dis toi même un jour, tu ne crois pas en l'amour. Je suis sûrement qu'un caprice... Tu m'as eu une fois... Tu te dis que c'est pas assez. Tout simplement...

- J'suis pas entrain de te raconter des salades donc m'en sert pas pour éviter la vérité.

- Tu te rends pas compte... t'es entrain de tout gâcher.

- Quitte-le Rehana.

Son insistance me met hors de moi.

- Le quitter pourquoi ? Pour toi ? Pour quelqu'un qui m'embrasse alors que j'suis... j'suis en couple. Je suis pas comme toi Junayd. Je joue pas un double-jeu. C'est une vraie relation que j'ai réussi à créer.

- J'ai jamais joué avec toi, tu peux pas m'sortir cette merde ! dit-il en retenant ses nerfs.

- Je te reconnais pas...

- Tu veux utiliser les grands mots. On va le faire ! Tu lui as jamais parlé de nous Reha et tu viens me parler de double jeu ? s'emporte-t-il, fatigué de se retenir. Il m'ouvre grand ses bras ton Djibril, tout en sachant pas, que t'as été dans les miennes. Tu lui ouvres ton cœur alors que j'suis à l'intérieur. Et c'est à moi que tu parles de jeu ? Léna et moi c'est rien de sérieux, ça l'a jamais été et ça le sera jamais alors que toi... toi t'es dans une vraie relation. Soi-disant. Dis-moi, qui joue de nous deux hein ?

- ...

- Qui ?

Tout à coup, je sursaute. Il venait de crier.

- Si tu trouves que je joue, j'suis pas le seul dans ce bateau. J'me suis barré pour toi et j'suis revenu pour toi tu captes ? me dit-il en saisissant mes épaules. Qu'est-ce que tu veux que je fasse de plus ? Que je me tatoue ton prénom dans la chair pour que tu comprennes que c'est toi que je veux ! Je dois faire quoi hein ? Dis-moi ! Parle bordel ! Parle Reha !

Mes lèvres tremblent. Je n'arrive pas à savoir si c'est ce qu'il me dit qui me blesse ou bien si c'est ses doigts contractés contre mes épaules qui sont responsable de ma douleur. Quoi qu'il en soit, je suis asphyxié par ses cris. Je me dégage de son emprise.

- J'ai pas joué avec lui. J'ai pas joué avec lui, tu m'entends ? Tu crois que c'est si simple que ça de le quitter ? Tu crois que je vais abandonner tout ce que j'ai construis de sain, sans peur, sans remords, sans questionnements pour toi ? Tu crois que je vais le blesser pour toi ? Tu crois que je vais tout envoyer balader pour toi ?

- Pour nous Reha, me coupe-t-il. Pour nous.

- T'es parti sans penser une seule fois à me donner de tes nouvelles. Juste une fois... T'aurais fais ça peut-être que... peut-être qu'on en serait pas là. - j'essuie mes larmes - T'as parié et t'as perdu Junayd. Aujourd'hui je suis bien avec lui, tu comprends ?

Il se recule, horrifié par ce que je venais de lui sortir. Il se retourne. Sa respiration détone dans l'air. Il m'offre son dos en témoin. Il passe sa main dans ses cheveux d'un geste nerveux. Il tremble. Je redeviens la cible de ses yeux vairons.

- Tu sais pourquoi je t'ai embrassé ? me demande-t-il calmement.

Le silence accentue la gravité de la suite de ses propos. Il compte m'achever. Je le sais.

- Le jour où t'avais appris que c'était Mam's le responsable de l'handicap de Riad, t'es venue me voir. - il s'approche de moi - Tu te rappelles ? - en me passant sa main doucement derrière ma nuque - Tu m'as embrassé. Je pensais que c'était juste parce que tu voulais oublier. Mais c'est pas vrai. C'était un délire que j'voulais croire et c'est ce que t'as voulu te faire croire... T'avais déjà des sentiments pour moi Rehana. Tu pouvais aller voir n'importe qui cette nuit-là mais t'es venue à moi. Je t'ai embrassé pour que tu te rappelles. C'est moi que tu veux. Si je dois le refaire encore et encore pour que tu comprennes que t'es entrain de merder avec ce mec, je le ferais. Si je dois le refaire pour que t'ouvr...

- T'as pas le droit Junayd ! T'as pas le droit !

Je le frappe. Cette fois-ci c'est une pluie de coup que je lui assène. Il a pas le droit de ressasser ce souvenir. Il a pas le droit de me porter des pensées qui ne sont pas les miennes. Il a aucun droit.

Mes sanglots s'accentuaient au fur et à mesure que mes coups s'abattaient sur son torse. Il ne réagit pas. Je le pousse loin de moi.

- Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi ! Retournes d'où tu viens et laisse-moi vivre parce que t'es entrain de me tuer... t'es entrain de tout me prendre... peinais-je à lui dire avant de prendre la porte.

En lui disant cela, j'ai eu la sensation que quelque chose se déchirait en moi. C'était comme une partie de moi que j'étais volontairement entrain de m'arracher. Mon estomac s'est serré. Ma respiration s'est bloqué. La souffrance m'est montée comme un haut le cœur. Elle a pris l'apparence de la mer dans mes yeux. Je me sentais m'engouffrer dans un puit sans fin. L'affliction venait de me tomber sur la tête.

C'est l'une des pires sensations que j'ai eu à ressentir dans ma vie.

***

Dans les tranchées qui mène à l'Amour, il y a parfois des dommages collatéraux. Des innocents qui trinquent aveuglément avec un verre d'ammoniaque. Au profit de l'apaisement de Rehana, il était prêt à laisser la faucheuse s'enorgueillir du bonheur d'un autre. Pour elle.

En revenant, il savait qu'il allait suer pour la récupérer et surtout user de méthode très peu éthique. Et aujourd'hui, sous le toit de sa mère, il a dépassé les limites du raisonnable. Il en prend conscience. En lui résumant ce qu'il a fait pendant tout ce temps. En lui donnant les raisons de son départ. En lui exprimant ses sentiments. En l'embrassant. Il aurait peut-être dû éviter ce dernier acte. Mais, c'était une manière pour lui de l'empêcher de dire une connerie qui risquerait de l'induire en erreur. Et surtout, prouver à celle qu'il aime, qu'il n'est pas fou.

Malheureusement.

Le plan a échoué.

Il aurait aimé courir après elle pour s'excuser. Ses membres sont ankylosés parce qu'il ne regrette pas. Comment peut-on s'excuser d'une chose qu'on ne regrette pas ? Il n'arrive pas à saisir ce concept. Il n'arrive pas aller au-delà de ses croyances malgré que cela puisse conforter la femme qui fait battre son cœur.

Peut-être qu'il regrette une seule chose. S'être rapproché de celui qu'il appelle le remède aux maux de Reha. Ce fameux dommage collatéral : Djibril.

Pour la première fois depuis qu'il l'avait retrouvé, il ressent qu'elle est entrain de lui échapper du bout des doigts. Il repense aux événements qui viennent de se dérouler. Un constat : il a complètement merdé ! Elle ne va peut-être pas lui pardonner son comportement. Il se laisse tomber sur une chaise dans la cuisine puis prend ses cheveux dans le creux de ses mains. La violence des propos de Rehana s'entassent dans son crâne. Sa mère ! lâche-t-il intempestivement en faisant tomber l'assiette qu'il avait mis sur la table d'un revers de la main.

Elle éclate en mille morceaux de la même manière que le cœur de Rehana qu'il avait eu, le temps d'un instant, entre les mains.

Il replace ses mains sur son visage.

« J'peux pas lâcher... » se dit-il.
Ce qu'elle a ressenti quand il l'a embrassé ne peut pas être le fruit de son imagination. Elle a failli répondre à l'appel de l'Amour, mais l'omniprésence de ce foutu remède, dans les vaisseaux qui mène à son cœur l'ont poussé à le repousser, pense-t-il.

« J'peux pas lâcher... »
Il avait tout mis en œuvre pour la reconquérir. Il a rusé. Il a laissé son venin sur son chemin. Seulement pour avoir son antidote.
Il a montré de l'importance à Léna devant ses yeux pour éveiller sa jalousie. Il s'est associé à son remède pour être au plus près d'elle.

« J'peux pas lâcher... »
Il était si proche de la faire flancher. Si proche.

Il l'aime plus que tout. Quitte à faire mal, lui rappelle sa conscience. On dit bien que le malheur des uns fait le bonheur des autres... il se remet à cette expression pour rester insensible aux dégâts qu'il va laisser derrière-lui.

S'en aller n'a pas été facile. Partir pour bâtir quelque chose de nouveau dans une forteresse en ruine, en attendant qu'elle recouvre la vue, était difficile.

Il est parti avec Léna. Certes. C'est celle qui le suivrait dans les bas-fonds sans avoir à le quémander. Elle serait prête à faire front commun dans les 12 travaux d'Hercule, si jamais Serpent était ce héros antique. Elle l'accompagnerait aux Enfers et ensemble ils ramèneraient Cerbère, s'il lui demandait. Ce qu'elle ressent pour lui va au-delà de leur expression : vivre au jour le jour sans rien se devoir.

Il est resté avec elle dans son appartement quelques mois. Il a décroché un intérim. Il s'efforçait à bosser pour occuper son esprit le plus possible. Ils se retrouvaient dans ses draps à chaque fois que ses pensées lui donnait envie de retrouver Rehana.

Durant ces mois, il avait l'impression d'être un oiseau en cage.

Un jour, il s'est lassé. Devenu, une épave, il s'était terré dans un silence profond. Il réfléchissait. Dans cette cogitation, Léna était mise de côté.

Puis un beau matin, elle est tombée sur certaines de ses photographies. Elle l'a encouragé à aller dans cette voie. Tout d'abord. Ils se sont pris la tête parce qu'elle a touché à l'appareil dans laquelle se trouve sa vie. Puis, il a décliné sa proposition.

Un autre après-midi, alors qu'elle avait réussi à le convaincre de sortir, ils ont croisé Djibril. Par hasard. Elle les a présenté. Il l'a reconnu.

Le destin.

Il a cuisiné Léna pour avoir plus d'informations sur son identité, puis sur son lieu de travail. Il y est allé. Il l'a vu. Elle souriait. Son cœur s'est mis à battre irrégulièrement. Ses mains devenaient moites. Une lune commençait à se former sur ses lèvres. Soudain, Djibril est sorti de nul part. Son sourire s'est évaporé. Elle lui souriait à lui. Il a mis son bras autour de son épaule. Elle ne l'a pas repoussé.

Après cette scène, il a erré dans la ville pendant quelques heures, la rage aux ventres. Son sourire ne lui appartient plus. Il s'assoit sur un banc et s'allume l'une de ses substances illicites pour bousiller son système nerveux.

Il commence à se comparer inconsciemment à celui qu'il a vu à ses côtés. Malgré qu'elle ne soit pas guéri, si demain, elle devait faire un choix, ce ne serait clairement pas un drogué comme lui. Il regarde la barrette qu'il a entre l'index et le majeur. Une grimace de rage se crée un passage sur son visage.

Ce ne serait pas non plus, un mec rongé par la mort de son frère... Il repense à Samir, à son sourire, à ses réflexions profondes sur l'humain. Dès lors, il commence à l'imaginer assis à côté de lui sur ce banc. Si les esprits pouvaient prendre forme comme dans les films, il donnerait tout pour avoir celui de son grand-frère auprès de lui. Il était de bon conseil. Il aurait pu l'aiguiller. Il aurait pu l'aider à ne pas sombrer dans des sentiments incontrôlables. Samir lui manque profondément. Une larme s'infiltre sur sa joue. Elle roue lentement... puis... elle tombe tranquillement au sol.

Serpent est une loque humaine.

Des mecs à sa place serait prêt à mettre en péril le sommeil et la santé de la femme qu'ils aiment, pour qu'elle les sorte de l'abîme de délinquance ou d'addiction dans lesquelles ils sont plongés. Il n'est pas de cela. Il peut pas lui faire subir les choses. Elle est encore plus massacrée que lui.

Il retourne chez Léna. Ils passent la nuit ensemble.

Un homme est capable d'enterrer ses souvenirs avec des verres d'alcool ou le corps d'une autre femme. Mais, lorsque les effets de l'adrénaline s'estompent, les cadavres ensevelis reprennent vies.

Il doit s'éloigner. Loin de tout.

Léna se réveille et le voit mettre ses vêtements dans son sac. Elle va le rejoindre. Une main sur son épaule :

- Tu fais quoi ?

- Je dois me barrer d'ici !

- Où ?

- Loin d'ici.

- Mais pourquoi ? On était bien et t...

- Qu'est-ce qu'on s'est dit Léna ? lui demande-t-il en stoppant son activité pour la cibler.

- Junayd...

- Bordel ! Qu'est-ce qu'on s'est toujours dit Léna ?

- Qu'on ne se devait rien.

- Donc si j'ai envie de me barrer, je le fais ! T'as aucune question à me poser.

- J'ai rien à te dire, se rappelle-t-elle à voix haute.

Il reprend son activité.

- Mon lit sera vide sans toi mais j'vais m'y faire. Avant de te connaître, j'ai eu une relation avec un militaire et l'attente c'est pas trop mon truc, dit-elle sous un rire amère.

Elle a parlé de cet ex pour, peut-être éveiller, en lui une forme de jalousie. Rien. Juste un simple :

- C'est pas le mien non plus, répond-il en ayant une pensée pour Rehana.

- Quand t'auras fini ta remise en question, tu connais mon adresse. Et ma proposition, pour tes photos, tiens toujours.

Elle le laisse faire son sac mais son cœur lui crie de rester avec elle. Son cœur lui hurle de ne pas la laisser toute seule. Elle avait pris goût à leur cohabitation. Il ne l'entend pas. Les cris de son cœur ne sont pas assez bruyant.

L'amour est un sentiment lancinant dans les yeux de celui qui ne le vit pas comme il le souhaiterait.

Durant une année, il s'est exilé dans une petite ville au fin fond de la France. De temps à autre, il prenait des nouvelles de Rehana par le biais de connaissances sûres pour ne pas la mettre dans des problèmes.

Il a même appelé Riad.
Il a eu droit à son lot d'insulte.
Riad c'est celui qui lui fait pensé le plus à Samir. Junayd sait qu'il peut compter sur lui. Mais, est-ce qu'il l'accepterait en tant que beau-frère. Serait-il prêt à lui accorder sa sœur ?
Il aurait aimé lui en parler... mais il n'a jamais eu le courage d'oser, un temps soit peu, mentionné le prénom de la petite sœur de Riad.
Il lui a déjà assuré une fois, qu'il n'y avait rien.
Le temps de la mériter.
Il doit taire cet amour.

Il s'est inscrit à un cursus en accéléré dans le domaine de l'audiovisuel. Il travaillait à côté de ses études et logeait dans un foyer de jeune travailleur.

Puis il est revenu dans la capitale. La porte de Léna lui était ouverte malgré l'année de disparition. Elle n'a pas posé de questions et l'a accueilli avec un grand sourire.

Son année à elle se résumait au travail et aux sorties entre copines. Aucun contact avec un autre homme. Chaque homme qui tentait de la courtiser se ramasser un refus. Elle, qui avant, de le connaître n'avait aucune relation fixe, se trouve prise dans l'engrenage de l'amour. Elle se montre fidèle à un homme qui ne lui appartiendra jamais.

Elle nourrit l'espoir qu'un jour, elle l'aura entièrement.

Ils ont vécu la seconde année ensemble avec toujours le même hymne : vivre au jour le jour sans rien se devoir.

Serpent avait le corps en elle.
Junayd avait le cœur hors d'elle.

Il a accepté sa proposition de travailler avec elle. Il a travaillé des mois sur différents graffitis. Un couloir sans fin. Une femme dévisagée par la tristesse mais ayant espoir de retrouver le bonheur. Rehana. Tout ce qui sortait de son imagination avait un rapport avec elle de près comme de loin.

Léna a décidé de faire connaître ses œuvres dans une de ses galeries. Elle a contacté Djibril. Le connaissant depuis la fac, elle sait l'intérêt qu'il voue aux fresques urbaines.

Nayd était présent. Il n'était ni Junayd, ni Serpent juste Nayd, l'artiste.

L'allure confiante de Djibril faisait bouillonner sa rage. Pourquoi il n'est pas cet homme ? Pourtant il sourit beaucoup. Comme lui. Mais, contrairement à lui, Djibril ne feint pas le bonheur.

Ça doit être tellement plus facile d'être quelqu'un d'autre aux yeux de Reha, pensait-il en silence.

Djibril est tombé sous le charme de ce qu'il venait de voir. Le graffiti de la femme lui rappelait étrangement Rehana. Il lui proposa un projet. Il accepta sans hésiter. Il savait qu'en acceptant, il la reverrait sans qu'elle ne s'y attende.

Il allait pouvoir enfin la récupérer.

En oubliant que ce qu'il pensait être une amitié s'est transformée en autre chose.

Dans le cœur de Rehana, une place s'était ouverte pour Djibril.

***

Les perles salées qui coulent sur mes joues m'aveuglent. Malgré que je les effaçais, elles revenaient plus intensément. Près de son bâtiment, je m'incline, les mains sur les genoux, j'essaie de reprendre ma respiration.

J'avance vers le parking. Je ne marche plus droite. J'ai l'impression d'avoir reçu un coup de marteau. Je suis sonnée.

Je pénètre dans ma voiture. Je cherche mon téléphone portable. Je jette tout ce qui est à l'intérieur de mon sac pour le retrouver. Je mets finalement la main dessus. J'appelle Racky. Une tonalité. Deux tonalités. Trois tonalités. Rien. J'insiste. Plusieurs fois. Elle ne me répond pas. Je donne deux coups à mon volant. J'ai le cœur morcelé à mesure que ses paroles me reviennent en tête.

J'appelle Djibril. Au bout de la troisième tonalité, il décroche.

- On s'est quitté, il y a, à peine une heure, je te manque déjà ? me demande-t-il au bout du fil.

En l'entendant, je replonge dans mes sanglots. J'ai du mal à aligner une phrase.

- Eh ! Rehana ? T'as quoi ? T'es où ? Rehana ?

Je raccroche. Qu'est-ce que je peux lui dire au téléphone ? Je balance cet objet démoniaque. Ce genre de choses ne se dit pas au téléphone ! Je mets le contact. J'essuie mes fichues larmes. Mon téléphone sonne. C'est lui. Je ne décroche pas.

À plusieurs reprises, j'ai failli faire un accident.

Je me gare à la va vite et m'introduit dans sa résidence.

Devant sa porte, je sonne encore et encore. J'en oublie que j'ai les clefs. Il faut que je lui parle. Il faut que je lui dise en face à face. Il m'ouvre. Je rentre en trombe. Je me ronge les ongles.

- Pourquoi tu me répondais pas ? Tu rends fou ! Je t'ai appelé plusieurs fois Rehana !

Je fais les cents pas. Je sais pas par où commencer. Je tripote mon collier pour me donner de la force. Je marmonne dans ma barbe écaillée par mes sanglots :

- Il faut que je te parle Djibril, il faut que j'te parle. Il s'est passé quelque chose de grave et...

- Eh, qu'est-ce que tu racontes ? Je comprends rien - en me barrant la route pour que j'arrête mes pas - Pourquoi tu pleures ? Qu'est-ce qui s'est passé ? m'interroge-t-il plus calmement.

L'air me manque. Je vois dans son regard qu'il s'inquiète pour moi. Mes larmes retombent sur commande.

- J'suis désolée... je voulais vraiment pas. C'est... Tout est de ma faute et je... Marie-moi Djibril, je veux qu'on se marie et que... je veux pas te perdre... j'aurais dû te... s'il te plaît... me laisse pas tomber... je voulais pas, je te jure que je voulais pas...

Je dis des choses de plus en plus incohérentes. Je n'arrive pas à m'arrêter. Tantôt je m'excuse. Tantôt je lui demande de faire de moi sa femme. Tantôt je parle de ma culpabilité. Rien n'est mis dans l'ordre.

- Rehana ! hurle-t-il pour me sortir de ma crise.

Il me crie dessus pour que je retrouve la raison puis m'enroule de son accalmie. Il décolle notre étreinte et reprend les rênes de la discussion. Doucement. Cette fois-ci. Sa voix m'aide à faire disparaître ses hoquets incessants qu'émettent ma bouche.

- T'arrêtes de pleurer tout de suite. Ensuite, tu viens avec moi. Tu bois quelque chose et tu m'expliques si tu peux. Sinon, tu dors un peu et on en parle demain.

- Je...

- Je t'ai dis quoi ? On parle dès que t'en as les capacités. J'ai pas besoin de t'écouter parler avec des pleures et de la morve au nez, en plus de pas m'aider à te comprendre, ça serait trop traumatisant, me dit-il en essuyant ma joue droite.

- Papa ? Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu cries ? Rihanna ? C'est toi ? Ça va ?

Leyäna sort de nul part avec son pyjama parsemé de flamants roses. Elle s'astique les yeux. Je me tourne rapidement et j'essuie complètement mes larmes. Je reprends une grande inspiration et je mets le masque de la copine joyeuse. Je me dirige vers ma petite princesse. Je m'abaisse à son niveau.

- Qu'est-ce que tu fais debout ?

- J'ai entendu du bruit et je suis venu voir. T'as pleuré ? T'as les yeux tout rouge ? Papa t'as crié dessus ?

- C'est de ma faute, j'ai sonné plusieurs fois, oups ! dis-je en me mordant la langue. Désolée. Et ça, - en pointant mes yeux du doigt - C'est rien. Il m'a rien fait ton père.

- Si c'est à cause de Papa tu me dis et je vais lui donner la monnaie de sa pièce. On fait pas pleu... - elle baille -... ré... une fille.

- S'il me fait pleurer tu seras la première à le savoir. Maintenant au lit, demain tu dois te lever tôt.

- Tu m'accompagnes ?

Elle me prend par la main. Je me retourne pour regarder Djibril. Il m'observe les mains dans les poches. Je lui adresse un léger sourire triste auquel il répond avec un simple hochement de tête. Des milliers de questions doivent s'inviter dans sa tête.

Dans la chambre de Leyäna, j'essaie de réfléchir. Le croche pied que vient de me faire la vie est douloureux. Je suis incapable d'être heureuse sans tout remettre en cause. Ce baiser qu'il m'a donné n'aurait jamais existé si je n'étais pas partie chez lui. Je cherche et quand je trouve, je me noie.

Je berce Leyä et en voyant son innocence, je rêverais de revenir à cet état de pureté. Grandir n'est pas chose facile, me disait ma mère, quand je voulais prendre de l'âge en me comportant comme elle. Elle avait raison. J'aurais dû profiter de mon enfance le plus possible pour ne pas regretter de ne plus être une gamine.

Je pleure en silence.

J'embrasse son front, je lui mets bien sa couverture et je me lève pour éteindre la lumière. Je sors de la pièce en essuyant mes larmes. Djibril est debout devant son bureau. Il me fait signe de le suivre. Un verre d'eau m'attend sur la table. Il s'assoit à sa place. La tête contre le dossier, il m'observe. Je m'installe. Il m'invite à boire. Je suis sa recommandation. Il croise les bras.

- Tu restes dormir.

- Je peux pas, je dois rentrer.

- C'était pas une question Rehana. Tu prends pas ta voiture dans cet état, je peux pas te déposer sinon j'dois réveiller Sabrina pour venir surveiller Leyä... et non, tu prends pas de taxi. Même pas en rêve.

- Mes parents Djibril.

- Tu trouves une douille.

- Une douille ? Ah oui, quand tu reprends un langage street, c'est qu'il y a pas moyen de négocier.

- Ousmane t'as bien formé.

Il se redresse de sa chaise et porte une attention particulière à son ordinateur. Je sais qu'il est inquiet mais qu'il joue la carte de la sérénité. Et surtout, il ne veut pas me brusquer.

- Je suis désolée Djibril.

- De ? me questionne-t-il en manipulant la souris de son ordinateur.

- Tout ça... d'être venu comme ça et...

- Je suis qui pour toi ?

- Hein ?

- Je suis celui avec qui tu veux passer ta vie ou pas ? - en me regardant -

- Oui... murmurais-je, gêné de la situation.

- Donc t'as pas à être désolé d'être triste ou d'être arrivé avec le nez qui coule. On est là, l'un pour l'autre, dans le meilleur comme dans le pire... c'est ce que dirait le maire si on était devant lui non ? - en souriant et en me regardant -

- Je... je te mérite pas...

- Faut savoir, tu veux devenir ma femme ensuite tu dis ne pas me mériter. Tu vois que t'es pas en état de dire quoi que ce soit. T'as les émotions falsifiées en ce moment et ça me plaît pas donc je t'ai dis quoi ? On parle demain. À l'aube même si tu veux. Maintenant occupe-toi de prévenir tes parents, va prendre une douche et va dormir... Allez !

- ...

- Tu veux que je les prévienne peut-être ? Ou tu veux que je vienne te border ?- en me souriant - Je peux faire les deux si tu veux.

Je souris.

- J'y vais.

- Tu vois qu'on peut bien s'entendre.

- Tu vas faire quoi ?

- Bosser. J'ai des trucs à finir.

- Et c'est quand que tu dors ?

- Si je dois dormir, c'est avec toi Rehana, m'annonce-t-il avec un sérieux qui me malmène.

- Arrête tes bêtises deux minutes et réponds moi sérieusement.

- Dès que je finis ce que j'ai à faire, j'vais dormir. Détente.

Il me considère en silence. Ses yeux s'agrippent au mien. Je sens que je vais perdre pied donc je me lève pour partir.

- Demain c'est ton anniversaire. Tu dois me suivre sans me poser de question.

J'avais complètement oublié que demain je soufflais ma vingt-sixième année. Ces derniers années ont été très compliqué pour moi et aujourd'hui n'échappe pas à la règle. J'acquiesce en sachant que cet anniversaire n'aura sûrement pas lieu.

J'ai appelé mes parents pour les prévenir que je restais chez Erica. J'ai prétexté mon anniversaire.

Je me suis passée de l'eau sur tout le corps. Je me lave comme si j'ai été touché par un virus. Je frotte. Je frotte. Je frotte. Je me recroqueville sur moi-même et laisse l'eau me tomber de la tête au pied. Comment je vais faire maintenant ? De quelle manière vais-je aborder les choses avec Djibril ? Vais-je signer l'arrêt de tout ? La flamme qui brûle dans mon cerveau sous forme de questions, n'est pas éteinte par l'eau. Je sors de là. D'une main, j'enlève la buée sur le miroir. J'aimerais me dissoudre pour ne pas avoir à assumer quoi que ce soit. Je me sèche les cheveux à l'aide d'une serviette.

Je vais dans la chambre de Anta pour me trouver un pyjama. Son dressing est en ordre : chaque vêtement est trié par couleur. Elle doit bien s'y retrouver. Je cherche ses pyjamas que je finis par retrouver dans le tiroir le plus bas. J'en enfile un. Debout, devant le miroir, je me frotte le crâne avec la serviette. Quelqu'un frappe à la porte. Je vais ouvrir. La main se grattant la tête, il m'interroge :

- T'as besoin de quelque chose ?

J'arrive à reconnaître son tourment. J'arrête de me sécher les cheveux. Malgré qu'il me répète ne pas vouloir parler maintenant, il est soucieux.

- Non. Merci.

- Je serais pas loin, si juste par pur hasard, tu m'cherches.

On avance tranquillement ensemble dans son couloir. Arrivés devant la porte de la chambre d'ami, il passe affectueusement sa main sur ma joue. Une caresse furtive puis des mots basiques.

- Dors bien Rehana.

Il retourne dans son bureau.
J'ai senti qu'il était plus qu'inquiet.

Allongée sur le lit, je somnole. Je repense à cet instant bouleversant. J'ai trompé Djibril. Je change de côté. Je ne suis pas responsable des agissements de Junayd mais je n'aurais pas dû aller le voir... Je me demande comment va-t-il réagir quand je lui dirais tout demain matin. J'ai peur. Je change encore de côté. Peur d'encore devoir perdre quelqu'un en qui je tiens. Je touche mes lèvres. Pourquoi a-t-il fait ça ?

Les heures passent et je ne trouve pas le sommeil. Je me lève et me dirige vers son bureau pour essayer d'amorcer la bombe. Il n'y est plus. Je me tourne vers sa chambre à coucher. Il est dans son lit.

Guidée par je ne sais quel malin, je m'invite dans son intimité. Il est allongé sur le dos. Je m'adonne à la même position et je fixe le lustre sur son plafond.

Pour la première fois, depuis très longtemps, j'ai envie de m'enfuir très loin d'ici. Ou de me dissoudre pour ne pas avoir à subir un ouragan. Je ne suis pas prête à revivre une secousse voire un crash.

Je m'aligne sur le côté pour le regarder. C'est à lui que je vais briser le cœur ? Il m'a tellement donné. Tellement. Je caresse du bout des doigts, par peur de le réveiller, son menton barbu. Quelles seront les conséquences de mes mots ? Je suis terrorisée à l'idée de lui faire du mal et de m'en faire à côté. Je m'approche de ses lèvres pour l'embrasser peut-être pour la dernière fois. Je n'ai pas le temps de le faire : il ouvre les yeux.

- Bon anniversaire Rehana, me souffle-t-il en me faisant basculer de sorte que sa tête soit au dessus de la mienne.

- T'es réveillé ?

- Il est minuit non ?

Il m'invite du regard à scruter l'heure sur son réveil. Il est 00h01.

- T'as un réveil dans ton cerveau ?

- Je dormais pas et j'avais prévu de venir te le souhaiter, si jamais tu dormais pas, ce que je pariais à coup sûr.

- T'as arrêté de bosser ?

- J'étais pas concentré donc j'ai lâché l'affaire.

- Mmh. Mais, t'aurais pu réagir à ma présence.

- Pour te dire quoi ?

- Je sais pas : « Je dors pas par exemple. »

- T'étais ailleurs... mais tu sais que c'est un délire de psychopathe de regarder l'autre dormir, tu devrais arrêter.

- Je sais rien faire d'autre, c'est pas de ma faute. Et tu parles de psychopathe mais t'es pas mieux. T'es quand même au dessus de moi.

- Tu faisais quoi avant que je sois dans cette position ?

- ...

- Voilà.

Il m'embrasse le front, puis le nez. Il hésite à toucher mes lèvres. Bizarrement, il ne le fait pas. Il se remet sur le dos. Je repense à la véritable raison de ma venue chez lui.

- On doit...

- Pas maintenant. Sinon qu'est-ce que tu fais là ? À part admirer l'étalon que je suis ? me demande-t-il en se mettant sur le côté pour m'avoir en champ de mire.

- J'ai pas sommeil et je voulais... te voir.

- Je t'avais pas dis que t'avais besoin d'être bordée ?

- Tais-toi et dors. Je vais pas tarder à retourner dans la chambre.

Il m'attrape pour m'entourer de son calme.

- Reste là, j'pense qu'ici tu vas trouver le sommeil.

- Je peux pas dormir avec toi, lui dis-je en me détachant un peu pour le regarder.

- On fait bien des siestes ensemble dans le salon.

- Ouais mais c'est pas pareil.

- En quoi ?

- Là, j'suis dans ton lit. La nuit.

- Et ? T'es venu de ton propre grès non ?

- Tu sais très bien...

- L'hypocrisie Rihanna, c'est le pire déguisement. On va dormir pas faire des trucs, tu vois les trucs, me dit-il un sourire aux lèvres.

Je lui donne un coup au bras. Il grimace en faisant mine d'avoir eu mal. Il commence à me chatouiller. Je rigole. Il ne s'arrête pas. Je rigole. Mes côtes me brûlent tellement je suis morte de rire. Mes rires se transforment en une fraction de seconde en pleure. Je prends conscience que je vais perdre ses moments de bonheur si je lui dis tout.

Il s'arrête en constatant que ne suis pas bien. Il me sert contre lui. S'il savait... La culpabilité me ronge. Je ne veux vraiment pas le perdre. C'est une option inenvisageable.

- Je fais n'importe quoi mais je sais que je...

- Tais-toi et dors, me dit-il en reprenant ma réplique d'avant.

- Je t'aime Djibril, murmurais-je en me serrant contre lui.

Je sens son corps frémir contre le mien. Je ne sais pas pourquoi ses mots m'ont échappé mais elle sortait du plus profond de mes entrailles. Je sais que je l'aime. J'en suis persuadée.

- T'es pas dans ton état normal Rehana. Dors, me chuchote-t-il.

Si c'était une feuille blanche j'aurais aimé être sa plume pour écrire une nouvelle histoire sans rature.

Je m'endors le cœur lourd. Dans la nuit, je me suis réveillée en sursaut. C'est comme si on m'avait fait peur dans mon sommeil. En me levant, il n'était plus là. Je suis descendue du lit. J'ai erré dans l'appartement à sa recherche. Il est nul part ! J'ai commencé à me demander si je n'avais pas parler dans mon sommeil. Si je n'avais pas dis des choses qui l'ont fait fuir... le sommeil est parfois un élixir de vérité. J'ai fini par mettre mon nez dans la chambre d'ami. Il est à la place que j'aurais dû prendre. Il dort paisiblement. Je referme la porte pour ne pas le réveiller.

Je suis retournée dans sa chambre. J'ai allumé la lumière et j'ai recommencé à faire les cents pas. Mon esprit essaie de dévier de la source de mon manque de sommeil. Je vais m'asseoir sur le lit et je me demande comment je vais lui dire tout ce que j'ai à lui dire. Je redoute sa réaction.

J'entends des bruits dans l'appart. J'émerge d'un sommeil perturbé. C'est le matin.

Sabrina est présente dans la cuisine avec Djibril et Leyäna. Avant qu'il ne m'ait aperçu, je file dans la salle d'eau me rafraîchir. Puis, je retourne les voir. Sabrina me sourit. Je me dirige vers elle pour lui faire la bise. Elle arrête son activité : nettoyer les miettes qu'a mis Leyä... pour me dire bonjour. Leyäna me saute dans les bras. Elle dépose des milliers de bisous sur la joue. Elle est habillée comme un premier jour d'école. Âgée maintenant de neuf ans, elle est encore plus active qu'avant.

En descendant, elle me ramène autour de la table où était posé un gâteau à la fraise avec une bougie. Je guette Djibril qui est adossé contre l'évier. Il consomme une pomme. Il me me sourit. Les chants d'anniversaire de Leyä qui encourage Sabrina à la suivre fusent dans toute la pièce. Djibril nous rejoint. La petite m'invite à souffler sur cette bougie. Je m'exécute. Elle applaudit.

- Tout à l'heure, j'irais t'acheter un cadeau avec maman et je te le donnerais quand je reviendrais samedi d'accord ?

- T'es pas obligée Leyäna.

- Mais siiiii voyons ! me dit-elle d'une manière enjouée. Mange ton gâteau.

- Tu manges avec moi ?

- Mhhh ! On va bien manger Rihanna ! S'exclame-t-elle. Tu veux que je te dise un secret ?

- Oui ? Mais ça sera plus un secret non ?

- C'est pas grave t'inquiète. C'est Papa. Ce matin, il est parti t'acheter le gâteau parce qu'il voulait que tu sois moins triste, et c'était une très bonne idée ! me susurre-t-elle à l'oreille.

Je regarde Djibril. Il est toujours aux petits soins. Même quand la marée est haute. On coupe des parts qu'on redistribue à chacun. En mangeant, je discute avec la princesse. Elle me raconte toutes ses aventures à l'école avec un entrain qui m'arrache plusieurs rires.

Quelqu'un sonne à la porte. Sabrina va ouvrir. Leïla fait son entrée dans la cuisine avec son fameux garde du corps qui lui sert de compagnon. En l'entendant, Leyäna accourt vers elle. Les politesses fusent. Djibril se contente de la saluer d'un signe de la main.

- T'as dormi ici à ce que je vois, me fait-elle signaler en pointant du doigt mon pyjama.

- Elle était pas très bien hier soir donc elle est restée avec nous maman. C'est normal quand même, intervient Leyä. En plus c'est l'amoureuse de Papa, elle a le droit. Et c'est son anniversaire aujourd'hui ! Faut que je lui achète un cadeau. Bon, j'ai pas d'argent mais Papa ou toi vous allez m'en donner, on peut lui prendre... je sais pas trop, on va réfléchir ok ?

Elle débite ses mots à la vitesse de la lumière. Je souris de l'innocence qui émane de sa réaction.

- C'est chez moi donc tes remarques Leïla, garde-les pour toi.

- Oui elle a le droit, répond Leïla en souriant à sa fille et en ne répondant pas à Djibril. Bon on y va princesse, on a plein de choses à faire aujourd'hui. Et comme tu veux lui acheter un cadeau, il faut qu'on se dépêche.

- Ouiiii !

Elle saute dans tous les sens. Elle vient m'embrasser avant de s'en aller avec sa mère qui lève juste la main en l'air pour nous dire au revoir. Les très peu de fois où je l'ai côtoyé, elle balance toujours des petites piques à mon égard. Des petites piques de rien du tout qui me semblent plutôt gentils. Elle n'attaque pas mon intégrité, elle ne m'insulte pas donc je la laisse dans son moment de gloire.

Sabrina décide également de partir. Djibril l'accompagne à la porte. Je m'assois sur la chaise de la table haute et j'attends qu'il revienne pour qu'on discute.

- Bien dormi ? me demande-t-il en déposant un baiser sur ma joue.

Je hoche la tête. Je lance une conversation pour reculer l'heure de la rétribution. J'angoisse de plus en plus.

- T'es partie dormir dans la chambre d'ami. Il est passé où ton côté « L'hypocrisie est le pire des déguisements, on va juste dormir pas faire des trucs » ?

- J'ai changé d'avis, tout simplement. Tu manges encore une part ?

- J'ai plus faim.

- Sur ?

- Oui...

Il s'installe en face de moi.

- Merci Djibril.

- Pour ?

- Le gâteau, dis-je.

- C'est normal. Bref, aujourd'hui tu m'accompagnes sans me poser aucune question c'est bon ?

- On doit parler avant.

- Ouais je sais. Donc, il t'es arrivé quoi hier Rehana ?

Le moment que j'appréhendais est arrivé. Je cherche mes mots dans ma tête. J'essaie de reconstruire les choses de la meilleure des manières pour les lui servir sur cette table.

- Rehana ?

- Il y a un truc que je t'ai pas dis, lui répondis-je en osant pas lever les yeux sur lui.

- Regarde-moi quand tu me parles, j'vais pas te manger.

Je relève les yeux. C'était demander avec une telle délicatesse que lui manquer encore de respect en ne le regardant pas serait rajouter du poids à ma sentence.

- Je suis désolée...

- Pour ?

- Junayd et moi on a eu quelque chose.

- Junayd ?

- Nayd...

- Je comprends rien, il a quoi Nayd ?

Je commence à lui raconter. Avec beaucoup de peine et par moment mes mots étaient brisés par les sanglots. J'ai réussi à tout lui dire. Il m'écoutait en silence. Son langage corporel se tendait. 

J'ai omis la relation intime que j'ai eu avec Junayd. J'ai cogité toute la nuit et je suis partie du principe que ce n'était pas une chose à révéler.

À la fin du récit, j'ai vu de la déception dans ses yeux. Il n'a rien dit. Je crois que son silence me torturait plus que s'il ne m'avait dit de partir de chez lui. Il lâche un micro rire histoire de ponctuer les épines qu'il allait me balancer.

- C'est pour ça qu'hier tu m'as dis que tu m'aimais, tu m'as servi du vent pour que je zappe que vous me l'avez tous les deux mis à l'envers, c'est ça ?

- Je te l'ai pas mis à l'envers Djibril, je...

- Tu quoi Rehana ? Explique-moi parce que j'arrive pas à voir de la sincérité dans notre histoire.

- J'étais sincère de A à Z Djibril.

- T'as été sincère de la première lettre de l'alphabet à la treizième. De A à M. Putain j'suis con, t'as oublié de mentionner le J. Junayd c'est ça ? J'étais quoi dans toute ton équation Rehana ? Un passe-temps en attendant qu'il revienne de son escapade ?

- Tu crois vraiment que je me suis servie de toi ? demandais-je en descendant de ma chaise pour me diriger vers lui. Tout ce qu'on a vécu était vrai. Quand on s'est mis ensemble, j'en ai pas dormi de la nuit. J'étais heureuse. Je pensais pas ressentir à nouveau ce sentiment. J'ai jamais cherché à te faire du mal Djibril... jamais.

- Tu m'as pris pour un con ! Putain... - en se grattant la barbe -

- Je suis désolée Djibril, je te jure que...

Il se lève et se fraie un chemin pour me fuir. J'arrive pas à voir l'expression de son visage. Il est engloutis par son couloir. J'entends un bruit. Je cours vers son bureau. Quelque chose s'est brisé au sol. Son regard en dit long sur son état d'esprit.

- C'était pas le fait que Léna m'ait pris dans ses bras qui t'as poussé à me repousser, c'était lui... T'as été très forte. J'y ai cru. Putain. J'y ai cru.

- Je jouais pas avec toi, je te jure. WAllah que...

- J'allais faire un truc de ouf... - en se parlant à lui-même - Tu m'as pris pour un con !

- Faut qu'on parle, dis-je en lui attrapant la main.

- On a plus rien à se dire. T'as tout dit.

- Djibril s'il te plaît, je...

- J'ai besoin de prendre l'air sinon j'vais... je dois bouger ! - en enlevant violemment sa main de mon emprise. -

J'entends juste la porte claquée.
Je m'effondre.

Je viens de perdre le futur que j'avais réussi à tisser.

___________________

QUE PENSEZ-VOUS DE LA RELATION DE LÉNA ET SERPENT À CE NIVEAU DE L'HISTOIRE ?

REHANA ET DJIBRIL EST-CE TERMINÉ ?

JUNAYD VA-T-IL RÉCUPÉRER REHANA ?

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