Une heure et un dîner plus tard...
Après le live, tout s'accélère.
Une nouvelle série de duos s'installe à notre place et Antoine et moi en profitons pour manger un morceau, même si le cœur n'y est pas. Nous sommes trop stressés pour pleinement apprécier les toasts de saumon ou les gâteaux apéro, et je ne compte pas m'approcher des pains à l'ail avant au moins une décennie.
Prenant mon mal en patience, je multiplie les allers-retours aux toilettes en m'efforçant de ne pas me tordre de douleur sur le sol. Megan l'a remarqué, si j'en juge les regards soupçonneux qu'elle m'adresse depuis tout à l'heure, mais elle ne dit rien.
Je crois qu'elle essaie de garder ses distances avec nous. Même si elle nous apprécie, elle sait que son rôle de juge doit lui inspirer de la neutralité à l'égard de tous les participants, y compris Antoine et moi.
Après trois quarts d'heure d'attente et de grignotage intensif, la blonde de ce matin reprend la parole et nous invite à nous rassembler autour de la grande scène. Elle nous remercie à nouveau pour notre présence, et passe rapidement à l'annonce des auteurs qualifiés : quarante-cinq visages s'affichent sur le diaporama projeté dans son dos, dont celui d'Antoine.
Je cherche désespérément le mien, mais sans le voir nulle part.
Ce n'est que lorsque mon acolyte me serre dans ses bras que je comprends que moi aussi, je suis sélectionnée ! Ma photo se trouve en bas à droite de l'écran – j'étais juste trop petite pour l'apercevoir.
J'ignore si le staff de Wattpad l'a rajoutée à la dernière minute, mais je m'en fiche : je vais pouvoir rester à Londres un jour de plus.
Comment ne pas sauter de joie face à cette nouvelle ?
Je sais que je devrais jouer la carte de la prudence et me coucher tout de suite pour être en forme demain, mais j'ai désespérément besoin de prendre l'air, là, tout de suite, maintenant.
J'ai besoin de marcher pour laisser les moments marquants des vingt-quatre dernières heures derrière moi : les scoubidous, mon retard, le portrait, la rencontre avec Sonya, puis Lucy, l'appel de Gérard, le live...
— Emy ! Congratulations !
J'ai à peine le temps de faire un tour sur moi-même qu'Eliott Scott me serre dans ses bras, Antoine sur les talons.
— Vous êtes encore là ? m'étonné-je en me dégageant de son étreinte, surprise de le voir dans les parages à une heure aussi tardive.
— Je n'habite qu'à quelques pâtés d'immeubles, m'informe-t-il. Je ne devrais pas tarder à rentrer, d'ailleurs.
— Je peux venir avec vous ? m'enquiers-je précipitamment. Enfin, pas chez vous, mais... dehors. À l'air libre. J'ai envie de me promener, et je...
Flippe carrément à l'idée de vagabonder dans Londres toute seule, la nuit ?
— Pourquoi pas ? répond-il après un instant d'hésitation.
Sans lui laisser le temps de changer d'avis, je souhaite bonne nuit à Antoine, et le suis à l'extérieur.
— Dites-le-moi, si ça vous dérange, m'excusé-je aussitôt. Je le comprendrai tout à fait.
— Non, au contraire ! Lucy travaille encore. Ça me fera un peu de compagnie, me rassure-t-il alors que nous nous engageons sur Oxford Street.
J'ai vu cette rue plus de fois en une journée que ma propre famille. Appels visio compris.
— Je n'ai pas pensé à lui demander ce qu'elle faisait, ce midi.
Je n'ai pas pensé à dire grand-chose, en vérité...
— Elle gère une boîte d'événementiel. Si je me rappelle bien, elle s'est rendue à un gala de charité, ce soir. Ou alors, c'est demain... Pardonnez-moi, j'ai un léger trou de mémoire.
Il semble réellement ennuyé par sa confusion. Tellement qu'il s'arrête quelques secondes pour vérifier l'emploi du temps de sa compagne.
Dans l'intervalle, le vent fouette mon visage et mes cheveux virevoltent dans tous les sens, si bien que je manque de m'étouffer avec l'une de mes propres mèches.
— Elle y est ! confirme-t-il après quelques minutes, manifestement soulagé.
Malheureusement, il continue à scroller l'écran de son portable, et je cède moi aussi à la tentation.
Grossière erreur.
La première notification qui s'affiche à l'écran, c'est un message de Gabin – bourré –, qui m'invite à son anniversaire.
Problème : il l'a fêté il y a deux mois.
Exaspérée, je lâche un soupir et éteins mon téléphone d'un geste rageur. Combien de cartes SIM ce boulet possède-t-il ?
— Ça ne va pas ? s'inquiète Eliott en s'approchant de moi.
— Si, c'est juste mon ex qui... se comporte comme mon ex.
— Pénible, insupportable et débile à souhait ?
Je ne parviens pas à retenir un sourire.
— Incroyable ! Vous le connaissez ?
— J'ai plus ou moins le même...
— Malheureusement.
— Malheureusement, répète-t-il en rangeant son smartphone à son tour.
— Et dire que j'ai planté le mec parfait pour cette ordure... marmonné-je entre mes dents.
— Pardon ?
Nom d'un far aux fientes de pigeon ! Le jour où j'apprendrai à me taire, les cochons auront des ailes.
— Disons que j'ai laissé un jeune homme adorable seul sur une plage et je suis partie retrouver mon ex – celui de la petite culotte.
— Le fameux...
— C'était il y a un mois, précisé-je. Et il était mon meilleur ami. Mais je l'ai perdu, maintenant...
— Et ? interroge Eliott comme s'il y avait quelque chose à rajouter.
— Et c'est fini. Je ne le reverrai plus.
Il secoue la tête, peinant visiblement à cerner le problème.
— Ce n'est jamais totalement fini, avec les réseaux sociaux.
— Pas besoin, rétorqué-je en m'engageant avec lui dans une rue parallèle. J'ai toujours son numéro.
— Qu'est-ce que vous attendez, dans ce cas ?
Je ris nerveusement. Comment explique-t-on à son Wattpadien préféré qu'on est paumé ? Et encore... même ça, c'est un euphémisme.
— Le déluge ? ironisé-je en soupirant de plus belle. Rien n'est jamais tout noir ou tout blanc, surtout en ce qui concerne les relations humaines. La preuve : je me suis accrochée à mon couple pendant six ans alors qu'au fond, j'ai toujours su que mon ancien petit ami n'était rien d'autre qu'un déchet ambulant uniquement capable de me tirer vers le bas.
— C'était... violent.
— Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte ça, murmuré-je, affreusement gênée. La fatigue, sans doute.
Ou les règles, ajouté-je pour moi-même.
— Parce que vous avez besoin de parler, et je veux vous écouter, chuchote gentiment Eliott.
Mon sourire s'élargit, et j'observe son regard se refléter sur les vitres de l'immense building devant lequel nous venons d'arriver.
J'espère que vous avez apprécié cette petite balade au clair de lune ! Emy avait bien besoin de relâcher la pression, avant la prochaine journée de la WattySélection.
Vous pensez qu'elle faisait effectivement partie des dernier.e.s qualifié.e.s, ou ce sont ses nerfs qui ont parlé pour elle ?
– Elle a eu chaud... 🥵
– Elle a stressé pour rien ! 😝