Aloys (Tome 1) : lightning an...

By MarianneLtrr

160K 17.1K 2.5K

La guerre est arrivée de nulle part, sans qu'on puisse l'empêcher. Les Elémentaires ont traversé leurs immens... More

Avant propos
Chapitre 1
Chapitre 2 (1/2)
Chapitre 2 (2/2)
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9 (1/2)
Chapitre 9 (2/2)
Chapitre 10 (1/2)
Chapitre 10 (2/2)
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18 (1/2)
Chapitre 18 (2/2)
Chapitre 19 (1/2)
Chapitre 19 (2/2)
Chapitre 20 (1/2)
Chapitre 20 (2/2)
Chapitre 21
Chapitre 22 (1/2)
Chapitre 22 (2/2)
Chapitre 23 (1/2)
Chapitre 23 (2/2)
Chapitre 24 (1/2)
Chapitre 24 (2/2)
Chapitre 25 (1/2)
Chapitre 25 (2/2)
Chapitre 26 (1/2)
Chapitre 26 (2/2)
Chapitre 27 (1/2)
Chapitre 27 (2/2)
Chapitre 28 (1/2)
Chapitre 28 (2/2)
Chapitre 29
Chapitre 30 (1/2)
Chapitre 30 (2/2)
Chapitre 31
Chapitre 32 (1/2)
Chapitre 32 (1/2)
Chapitre 34
Chapitre 35

Chapitre 33

2.7K 328 109
By MarianneLtrr

L'homme qui me fit sortir de ma cellule, un grand type au visage buriné par un trop grand nombre de coups, ne prit pas la peine de me saluer. Il claqua la langue, impatient et me regarda me traîner jusqu'à lui sans s'émouvoir de mes pas vacillants et de la maigreur évidente de mon corps. Je devais lutter pour ne pas m'écrouler à chaque pas, et mon esprit embrumé ne parvenait plus à s'orienter si bien que je me retrouvai rapidement perdu dans le dédalle de couloir dans lequel nous progression. De longs boyaux vides et froids, dépourvus d'âme et de vie seulement interrompus çà et là par des portes en métal semblables à celle de ma cellule. Je me demandai s'il y avait quelqu'un dans chacune d'entre elle. J'espérai que non.

La pièce dans laquelle nous débouchâmes m'était familière. Des bancs occupaient toujours le côté droit et une porte ouverte donnait sur la pièce adjacente où se trouvait les douches, mais c'était surtout ces quelques marches face à moi qui m'étaient familières La porte qui les surplombait menait droit au sable de l'arène. J'avais partagé cette pièce avec Eren le jour de notre défi, ou du moins une salle qui lui était en tout point identique, mais cette fois-ci, il n'y avait pas ma tenue de combat préparé dans un coin, ni mon escouade pour me rassurer. Il n'y avait que moi dans mes vêtements sales, la peau sur les os, sans arme, sans soutien. L'homme qui m'avait accompagné avait refermé la porte derrière lui sans ajouter un mot, indifférent à mon sort.

Bizarrement, je n'avais plus peur. L'idée de mourir avait beau être dérangeante, elle ne me paralysait plus comme à l'époque. Je me souvenais bien de cette sensation, de cette peur irrationnelle qui m'avait paralysée lors de l'attaque de Paris. Pour une étudiante, mourir représentait la fin de tout, la mort des espoirs et de l'avenir que je m'imaginai. Mais l'armée c'était chargée de me débarrasser de ces derniers. Désormais je n'avais plus grand-chose à craindre de la mort, si ce n'est peut-être la douleur qui l'accompagnerait et la sensation d'échec qui marquerait mes derniers instants. Il ne s'agissait plus que d'une possibilité. Une possibilité que je me devais d'éviter, et j'étais bien déterminée à le faire, j'en avais le pouvoir ! Aaron avait raison sur ce point. Je devais me battre pour survivre, triompher et regagner ma liberté et j'étais bien décider à leur montrer qu'ils m'avaient tous sous-estimée.

Je m'étais jurée de ne jamais devenir une arme, mais aujourd'hui j'étais bien décidée à rompre cette promesse. J'avais combattu des Elémentaires et j'avais tué deux de mes semblables, il était trop tard pour espérer m'en sortir sans me salir les mains. Il n'y avait pas d'échappatoire, pas d'aide divine à attendre de qui que ce soit. Je réduirai cette arène en morceaux s'il le faut, mais je sortirais d'ici vivante.

Alors quand la porte s'ouvrit et que l'inhibiteur de la salle s'éteignit, je pris une longue inspiration et m'avançai. Il n'y avait plus de demi-mesure, j'avais besoin de toute mon énergie pour m'en sortir, alors je la fis s'écouler dans mon corps. Un flux régulier se répandit doucement, une cellule à la fois, et la fatigue, la faim, tout disparu, balayé par une source d'énergie nouvelle et artificielle qui s'accumulait depuis près d'un mois dans mon corps. Je trompai mon organisme, avec une énergie traitresse qui me ravagerait de l'intérieur pendant toute la durée du combat, mais je n'avais pas le choix. J'allais devoir tenir, quel qu'en soit le prix. Ils avaient voulu affaiblir mon corps en me privant de nourriture, mais rien ne pouvait affaiblir mon pouvoir. Il était comme un feu que personne ne pouvait éteindre. Pas même moi.

Le bourdonnement de la foule s'intensifia à mesure que je gravissais les marches, jusqu'à en devenir assourdissant à mon entrée dans l'arène. Une pluie torrentielle m'accueillit, plaquant mes vêtements à mon corps comme une seconde peau. Ce qui me restait de cheveux s'aplatirent sur mon crâne, tandis que quelques mèches rebelles se faisaient battre par le vent glacial. L'été était de toute évidence terminé, et une tempête ravageait le ciel. J'embrassais la scène du regard, cherchant mon adversaire des yeux, mais j'étais seule dans l'arène. Les gradins sur lesquels s'entassaient des centaines de personnes ne semblaient pas atteints par les intempéries. Il me fallut un moment avant de comprendre qu'une sorte de barrière invisible nous séparait. L'eau grésillait à son contact avant de s'évaporer, délimitant nettement l'espace circulaire de l'arène. À moins d'apprendre à voler d'ici la fin du combat, il allait falloir que je trouve un moyen de détruire ce système de sécurité.

Je plissai les yeux, cherchant Bran du regard. Debout au côté de Don, il me fixait avec confiance, même si je pouvais lire sur son visage une certaine inquiétude. Inquiétude qui n'était de toute évidence pas partagée par son voisin. À ma grande surprise, il n'y avait ni haine, ni reproche dans les yeux noir de ce dernier. Lorsqu'il vit que je le regardai, sa bouche se courba d'un sourire, qui était étrangement dépourvu de la moindre animosité. Don me détestait, que faisait-il au côté de Bran ? Aurait-il fini par oublier que j'étais responsable de l'état de sa main parce que j'allais être exécuté ?

Je haussai un sourcil à son attention, ce qui ne fit muer son sourire en un rictus moqueur. Je cherchai du regard son amie au cheveux bleus mais ne la vis nulle part dans la foule.

— Survis, souffla Bran à mon intention.

Mon ouïe étant nettement plus développée lorsque j'utilisai la technique qu'Aaron m'avait apprise, je n'eus aucun mal à l'entendre au milieu du brouhaha général. D'un bref signe de tête je lui fis comprendre que c'était mon objectif. Il parut rassuré. Il avait dû penser qu'une partie de moi aurait tout bonnement abandonné. Oubliant la présence de Don à ses côtés, mon regard se dirigea vers mon escouade. Ils étaient tous là, dans leur sempiternelle tenue noire, et ils me fixaient avec inquiétude. Cali et Jin avaient les yeux rougis par les larmes, mais les autres semblaient être faits de marbre, seul leur regard exprimait à quel point ils auraient voulu m'aider. A l'exception d'Eren qui me regardait avec un mépris évident. J'avais trahi l'ANH, j'avais mérité mon sort, voilà tout ce qui devait lui traverser la tête.

— Abrutis, maugréai-je en me tournant vers l'estrade où les Melchior me toisaient avec dédain.

Un sourire mauvais se dessinait sur le visage de la chancelière, tandis que son mari, d'un calme olympien se contenta de m'adresser un bref regard avant de reporter son attention sur les drones qui volaient autour de lui. J'avais presque oublié que cette mascarade allait être diffusée en direct. Aaron qui se trouvait juste derrière lui semblait tendu, sa mâchoire était crispée et ses lèvres pincées tandis qu'il s'appuyait sur l'une des colonnes qui encadraient l'estrade. Lorsqu'il posa les yeux sur moi, je n'y lu qu'une peine immense, il mourrait d'envie de sauter dans cette arène et de me rejoindre, mais quelque chose le retenait fermement à sa place.

Son père s'avança jusqu'à la limite de l'estrade, à quelques centimètres à peine du champ de force sur lequel la pluie venait mourir et les drones se mirent à danser autour de lui tandis que d'autres traversèrent la limite sans difficulté pour s'approcher de moi. Je leur décochai un regard torve, bien consciente que des milliers de gens me regardaient par leurs yeux sans se demander un seul instant la raison de cette mise en scène.

— Aloys Braune ici présente a été condamnée à mort suite à sa trahison envers l'ANH. Après avoir piraté nos systèmes, elle s'est introduite dans nos laboratoires pour relâcher une horde d'Elémentaires dans le but d'amoindrir nos forces.

Menteur.

Il fit une pause durant laquelle quelques drones se tournèrent vers moi et je leur adressai mon majeur en guise de réponse. Ce type mentait honteusement à tout le monde et même ici, alors qu'ils avaient tous conscience qu'aucun Elémentaire n'était venu rompre la quiétude du centre, personne ne se donnait la peine de remettre en question la parole de Lucian Melchior. Il était la voix et l'image de l'armée, aussi inflexible et intouchable que l'idole qu'il était censé représenter auprès du peuple.

— Nous déplorons de nombreux blessés dans l'équipe de recherche, mais grâce à la réactivité de nos soldats, la menace a pu rapidement être contrôlé. Néanmoins, nous ne pouvons pas tolérer la présence de traîtres nos rangs. C'est pourquoi aujourd'hui, la sentence sera appliquée par l'un des monstres que la félonne a relâché sur nous.

D'un signe de la main, il fit ouvrir la porte qui me faisait face. Ce qui en émergea ne ressemblait en rien aux Elémentaires que j'avais libérés. C'était l'un des « pseudo-élémentaires » dont j'avais vu les corps écorchés dans leurs dossiers. Paniquée, j'examinais ma cible et oubliai instantanément l'agitation de la foule.

Ce monstre devait bien faire trois ou quatre fois ma taille. Un corps long et sinueux recouvert d'écailles argentées et soutenu par trois puissantes paires de pattes dont les griffes labouraient le sol de l'arène avec hargne. Sa queue, presque aussi longue que le reste de son corps était couverte de plumes blanches aux reflets métalliques. Quant à sa tête, mi féline, mi reptilienne, elle disposait à la fois de plumes et d'écailles mais également d'une mâchoire large et puissante qui claquait sauvagement dans ma direction.

La foule se mit à hurler de plaisir. Ils savaient tous que je n'avais jamais relâché aucun Elémentaire sur le centre, personne n'avait été attaqué, personne n'avait été blessé et pourtant ils se réjouissaient tous de me voir bientôt déchiqueté par cette bête. Eux qui, il y a encore quelques semaines scandaient mon nom pour avoir tué deux des leurs. Comment pouvais-je encore espérer qu'il y ait encore quoi que ce soit de bon dans cette armée ?

Irritée par le bruit, la créature se cabra en poussant un rugissement bestial. Puis elle retomba lourdement sur ses pattes en me jetant un regard menaçant. Ses yeux étaient d'un bleu électrique, presque luminescent et semblaient teinter les écailles de son museau d'une lueur bleutée. D'ailleurs je remarquai bien vite que ce n'était pas la seule chose « d'électrique » chez elle. Ses plumes étaient parcourues par de discrètes étincelles semblables à celles qui envahissaient mes mains lorsque je perdais mon sang-froid.

Je pestai intérieurement en comprenant que la chancelière avait choisi mon adversaire avec soin. J'étais désarmée, la seule chose qui me restait était mon pouvoir, et elle avait justement choisi une créature capable d'y résister. Mais jusqu'à quel point ? J'avais beau contrôler la foudre, ça ne l'avait jamais empêché de me brûler lorsque je condensai trop mon énergie. Cette créature devait bien avoir un seuil de tolérance.

La créature bondit dans ma direction, bien décidée à faire de moi son prochain repas. Comprenant que je n'arriverais pas à l'éviter, je me mis à courir dans sa direction. L'énergie qui parcourait mon corps me permit de prendre suffisamment de vitesse pour qu'au moment de l'impact, alors que sa gueule béante s'apprêtait à se refermer sur moi, je me ramassai sur moi-même et glissa sous son abdomen. Le sable griffa ma peau en laissant de large traîné rouge. Les mains tendues au-dessus de moi, je les plaquais contre les écailles de bêtes et relâchai un violent éclair. Son corps tressauta et elle s'écarta d'un bond en fouettant férocement l'air avec sa queue. Cette dernière m'atteignit au niveau des hanche et la force du coup me fit voler sur quelques mètres avant que mon corps, rattrapé par la gravité, ne rencontre le sable compact et glacial de l'arène. Sonnée, le souffle coupé, je me redressai pour contempler mon œuvre. La créature s'était recroquevillée dans un coin et léchait péniblement l'endroit où je l'avais touché. Ses écailles noircies semblaient avoir en partie fondue à mon contact, laissant voir la chair à vif de l'animal.

J'aurais pu ressentir de la peine pour cette chose si elle ne me fixait pas avec tant d'animosité et si ses crocs de claquaient pas sans arrêt dans ma direction. Une chance pour moi que les Melchior ait parié sur mon incapacité à vaincre ce monstre plutôt que sur celle de tuer l'un de mes proches.

Malheureusement, ma tentative n'avait pas été un véritable succès car les plumes présentes sur sa queue m'avaient profondément lacéré la peau, coupant en lambeaux mon débardeur. Ce n'était pas de simples plumes, elles étaient solides et tranchantes comme l'acier. Furieuse, la créature se redressa en me foudroyant du regard et l'instant d'après, alors que je croyais être à l'abri à cette distance, elle balaya de nouveau l'air de sa queue et plusieurs éclairs en jaillirent. Je ne dû ma survie qu'aux réflexes exceptionnels que me conférait la technique d'Aaron. La foudre me frôla et s'écrasa contre le mur de protection qui nous séparait des gradins. Tel un rocher lancé dans l'eau, le coup se répercuta comme une onde circulaire autour du point d'impact. Le champ de force rendu instable, laissa la pluie passer au travers quelques instants avant que les grésillements ne reprennent. J'aurais presque pu sauter de joie à l'idée d'avoir compris le point faible de cette barrière, mais le sol trembla sous mes pieds et je pivotais brusquement vers la créature. Elle avait profité de mon inattention pour se jeter sur moi une nouvelle fois.

Cette fois-ci, je n'aurais pas le temps de prendre de la vitesse ou de l'éviter. Alors je restai immobile, et inspirai lentement. Mon cœur battait à tout rompre et je fus forcer de faire taire mes sens exacerbés pour créer mentalement la bulle dont j'avais besoin.

À quelques mètres de moi, elle bondit, les six pattes en avant, et la gueule ouverte dans l'espoir de m'arracher la tête, mais mon bouclier s'interposa entre nous. Son corps heurta avec violence la membrane invisible qui me protégeait. Cette créature avait beau être puissante, sa charge n'avait rien de comparable à celle des Elémentaires d'eau. L'onde de choc qui suivit la balaya comme un vulgaire fétu de paille et son corps s'écrasa contre le champ de force de l'autre côté de l'arène avec fracas. La bête hurla de douleur à son contact et par réflexe donna un violent coup de queue à cette dernière, mais à mon grand étonnement, elle ne sembla pas en souffrir. Cette partie de son corps semblait immunisée contre l'électricité qui constituait notre cage. Ce qui n'était de toute évidence pas le cas ses écailles dont la majorité avait brulé au contact du champ électrique.

Sa résistance n'était présente qu'au niveau de ses plumes et donc de sa tête et de sa queue. C'était également les seuls endroits capables de générer un éclair. Alors que l'animal déchargeait sa colère contre la barrière, je me baissai et ramassai l'une des longues plumes argentées qui jonchaient le sol. J'aurais voulu éclater de rire lorsque je compris en quoi étaient faites ces plumes, mais mon adversaire s'était déjà désintéressé de son nouvel ennemi et me fonçait dessus.

Bien décidée à ne pas laisser une seconde fois l'offensive à la créature, j'attrapai une autre plume et condensai l'énergie dans mes mains. Comme je m'y attendais, ces dernières répondirent à mon contact et s'illuminèrent entre mes doigts. L'instant d'après, je les lançai droit sur la créature qui avait presque atteint le milieu de l'arène. Telle des flèches, elles fendirent l'air avant d'atteindre leur cible. L'une d'entre elles se logea dans l'une des pattes avant, tandis que l'autre atteignit directement la gueule de la bête. Puis elles explosèrent, foudroyant leur cible qui déséquilibrée par l'impact s'écroula dans le sable en poussant un rugissement de douleur. Ces plumes étaient faites du même alliage que les armes de l'ANH. C'était même probablement la source de ces armes et je m'étais suffisamment entrainée pour que cet alliage soit une extension de moi-même à tel point que la forme qu'il avait revêtait n'avait plus aucune importance. Une plume, une flèche ou une épée, peu importait une fois que mon énergie s'en emparait, ils n'en étaient que le vecteur, l'arme, c'était moi.

Sa patte avait été arraché par l'impact, il n'en restait qu'un moignon sanguinolent tandis que la moitié de sa tête avait été mangée par la foudre. Sa gueule semblait avoir fondu et il ne restait rien de ses écailles argentées. Il n'y avait plus que de la chair noircie et un œil bleu vif qui me fixait avec rage. Cette chose était résistante, ça on ne pouvait pas le nier, mais désormais, elle n'avait plus aucune chance. Je levai la main droite dans sa direction alors qu'elle se relevait péniblement et chargea ma main d'énergie. Mes réserves avaient considérablement diminué, mais il m'en restait largement assez pour gagner ce combat. Une fois prête, la main luisante, je laissai s'échapper mon pouvoir. Pas par un unique éclair, mais plutôt par une centaine qui illuminèrent l'arène, et se répandirent dans le sable humide. Eblouie, je détournai les yeux et refermai le flux d'énergie, j'avais senti la vie quitter ma cible au moment de l'impact. Il ne restait d'elle qu'un cadavre fumant.

J'avais gagné.

Ma satisfaction fut de courte durée car la voix stridente de la chancelière résonna au milieu du vacarme de la foule et une deuxième porte s'ouvrit sur un second spécimen. L'animal entra en dardant sur moi un regard assassin. Je le lui rendis. J'avais déjà vaincu le premier, et maintenant je connaissais sa faiblesse, ils pouvaient bien m'en envoyer autant qu'ils voulaient ça ne changerait rien. Désormais j'étais armée et mieux préparé que jamais.

Je lançai un sourire arrogant aux Melchior qui me regardaient bouche bée et ramassai une dizaine de plumes sur le sol, puis les glissai à ma ceinture. Armée de deux d'entre elles, je me jetai sur la créature qui était occupée à renifler les restes fumants de son semblable. En me voyant approcher, elle tenta de me balayer avec sa queue en grondant, mais j'étais trop rapide, et d'un bond, je l'évitai et me propulsai dans les airs. Surprise par la hauteur à laquelle j'avais réussi à sauter, j'en oubliai mon plan initial et plantai les deux plumes imbibées de mon énergie dans le dos de la bête. Aussi tranchantes que l'acier, elles fendirent les écailles et la chair avec une facilité déconcertante, arrachant un cri de douleur à ma cible. Cette dernière se cabra pour me désarçonner, mais je m'agrippai fermement à elle et plaqua mes mains à la base de son cou, là où les écailles laissaient place aux plumes. Je ne cherchai pas à l'électrocuter, j'envoyai tout simplement mon énergie à l'état brut dans son corps. Ses écailles fondirent tandis que ses plumes s'illuminèrent telles que l'aurait fait mon épée. La créature poussa un rugissement étranglé, mais il était déjà trop tard pour elle. Au moment où mes éclairs jaillirent de chacune de ses plumes, le monstre s'affaissa lourdement. La barrière, ébranlée par les centaines d'éclairs qu'elle recevait ne parvint pas à soutenir le choc, et le déluge qui s'abattait sur l'arène se répandit aux gradins. Le public, trempé jusqu'aux os se mit à geindre bruyamment jusqu'à ce que la barrière se stabilise de nouveau.

Epuisée par ma petite démonstration, je descendis lentement du second cadavre et me rapprochai de l'estrade des Melchior un mince sourire aux lèvres. Je n'étais pas fière d'avoir pris la vie de ces bêtes, après tout elles n'étaient pas la par choix, elles non plus, mais j'étais fière de les avoir vaincues, fière d'avoir montré à l'armée et au reste du monde que les Melchior ne gagnaient pas toujours. J'avais de nouveau gagné et mieux que ça, j'avais pratiquement réussi à détruire le mur invisible qui me retenait prisonnière. Quoiqu'ils décident maintenant, j'étais fermement décidée à réduire ce qui restait de cette barrière en morceaux. J'avais beau avoir utilisé beaucoup d'énergie, j'en avais encore suffisamment pour un dernier coup d'éclat.

Je fus ravie de constater de l'effroi et de la colère sur le visage de la chancelière. Elle était à deux doigts de descendre elle-même dans cette arène pour me régler mon compte, mais au lieu de ça, elle se tourna vers son fils qui me regardait toujours, les yeux ronds de surprise.

— Débarrasse toi d'elle, siffla-t-elle.

Il roula vers sa mère des yeux horrifiés, mais avant d'avoir le temps de protester, son père posa une main sur son épaule et le poussa vers l'arène.

— Obéis Aaron, lâcha-t-il d'un ton sec.

Aussitôt, l'horreur que j'avais lue dans son regard se dissipa, balayée par un vide immense. Lorsqu'il posa de nouveau ses yeux sur moi, son visage n'exprimait plus rien. Pas de mépris, pas de colère, pas de tristesse. Il n'y avait tout simplement plus rien.

Soen et les autres se ruèrent vers lui alors qu'il sautait avec souplesse hors de l'estrade, les yeux rivés sur moi, mais un simple regard de Lucian Melchior les arrêta net. Aaron traversa la barrière de protection sans même frémir, son corps absorbait automatiquement l'énergie du champ électrique.

— Aloys, sors de là ! gronda la voix de Bran tandis que les cris du public reprenaient de plus belle.

Je reculai d'un pas. Je n'arrivai pas à croire ce qui était sur le point d'arriver. Non seulement j'étais loin d'avoir le niveau pour me battre contre lui, mais pire, je n'avais aucune envie de le faire. L'idée même de lui faire du mal me donnait la nausée. J'avais beau être furieuse contre lui, j'étais incapable d'effacer les cinq derniers mois de ma vie. Je lui avais dit que je ne pouvais pas ressentir quoi que ce soit pour lui, pourtant mon cœur ne cessait de me prouver le contraire. Même en ayant conscience de tout ce qu'il avait fait, je n'arrivais tout simplement pas à le détester.

— Aaron, soufflai-je en dévisageant son visage de marbre alors qu'il s'emparait des deux épées croisées dans son dos.

Il ne réagit pas. Il n'était plus qu'un robot qui marchait d'un pas sûr, insensible à mes supplications autant qu'à la pluie qui lui fouettait le visage. Il n'avait même pas frémi lorsque l'eau gelée était entrée contact avec sa peau, plaquant son T-shirt noir sur son corps.

— Aaron, tu ne peux pas faire ça... Rappelle-toi ce que tu m'as dit, le suppliai-je en reculant encore à mesure qu'il se rapprochait.

Pour toute réponse, je vis une fumée noire se répandre sur ses lames tandis qu'il contournait les deux cadavres qui gisaient sur le sable humide.

— Je ne peux pas me battre contre toi, je ne veux pas ! m'écriai-je, les larmes aux yeux.

Il pencha la tête sur le côté, intrigué et lâcha d'une voix atone :

— Tant mieux, ce sera plus rapide.

Un drone vola près de moi avant de glisser vers Aaron. Voilà l'image que ses parents voulaient donner de lui au monde entier. Celle d'un monstre, implacable, dépourvu de la moindre compassion ou du moindre remord, celui d'un homme capable de tuer l'un des siens sans ciller.

— Aaron je t'en prie ne fais pas ça.

— Je n'ai pas le choix, rétorqua-t-il simplement en haussant les épaules avec une nonchalance blessante.

Ce n'était pas la première fois qu'il me répondait ça mais cette fois-ci, je compris à quel point il avait raison. Oubliant presque sa présence menaçante à quelques mètres de moi mon attention se braqua sur son père. Ce dernier, me rendit mon regard, satisfait et je le vis enfin pour ce qu'il était vraiment. Jusqu'à maintenant je pensais que le véritable poison de ce couple était sa femme, Johanna, mais c'était lui qui tirait les ficelles. Et pour la première fois, je m'interrogeai sur leurs capacités à tous les deux. Personne n'en parlait jamais alors qu'ils étaient à la tête de cette armée. Officiellement, ils étaient les P-gène les plus puissants du monde et pourtant leurs pouvoirs m'étaient inconnus. Quel mutant chercherait à cacher son don au reste du monde alors qu'il se trouve à sa tête ?

— Il te manipule ... murmurai-je pour moi-même.

Si Aaron m'avait entendu, il n'en montra rien. Pourtant j'en étais certaine désormais. La dernière fois, alors qu'il s'apprêtait à intervenir lorsqu'il avait compris le piège que m'avait tendu sa mère, Il n'avait fallu qu'un contact avec son père pour qu'il se calme et nous abandonne à notre sort. Peut-être que le contrôle qu'il avait sur son fils était plus profond que ce que je soupçonnai, peut-être que ça ne relevait pas simplement de son éducation.

Eren était capable de modifier les souvenirs et les pensées de sa victime. Lucian Melchior possédait sûrement un pouvoir similaire, sinon comment expliquer le comportement étrange de son fils ? Il avait beau avoir des défauts, il ne m'avait jamais paru mauvais et pourtant il cautionnait aveuglément toutes les actions de l'ANH et s'apprêtait désormais à me tuer, moi, alors qu'il semblait si dévaster à l'idée de ma mort quelques semaines plus tôt. Tout ça ne collait tout simplement pas.

Mon cœur bondit de joie à l'idée de mettre trompée sur son compte. Tout ça était la faute de son père, pas la sienne, il n'était qu'une victime qui n'avait même pas conscience d'en être une !

Malheureusement, même si j'avais raison, le fait d'avoir découvert tout ça ne m'aiderait en rien à l'empêcher de me tuer. Aucune de mes supplications ne semblait pouvoir s'opposer au contrôle de son père et il continuait d'avancer vers moi. Je ne pourrais pas reculer éternellement. J'entendais déjà l'eau grésiller sur la barrière derrière moi. Désarmée comme je l'étais, je n'avais aucune chance contre lui et l'idée de charger l'une des plumes qui me restaient pour le foudroyer m'horrifiait. L'image de la chair noircie de la créature sur laquelle je les avais utilisés me donnait la nausée. Je ne pourrais jamais faire une chose pareille à Aaron. D'autant plus maintenant que j'étais convaincue qu'il n'était pas le monstre que j'avais cru voir dans cette cellule.

Le combat n'étant pas une option, j'optai pour la fuite et me retournai pour faire face au champ électrique qui me barrait le chemin. Oubliant la présence d'Aaron dans mon dos, je plaquai mes deux mains sur le mur invisible et alors que la douleur envahissait mes doigts, j'y opposai mon pouvoir. Ainsi connecté à lui, je sentis à quel point mon combat contre les deux créatures l'avait affaibli. Bon nombre des appareils qui encadraient l'arène et généraient le champ de force avait surchauffé sous l'impact de la foudre. Pourtant, pour le détruire totalement, il allait falloir que je libère la quasi-totalité de l'énergie qu'il me restait. Au moment où je m'apprêtais à libérer mon ultime éclair, une douleur aigue me transperça la poitrine.

Je baissai les yeux et vis une lame écarlate jaillir de mon torse. Un liquide chaud s'écoulait paresseusement de la plaie, tandis qu'une fumée noire se répandait autour, pompant avidement mon énergie. Aaron m'avait poignardée... L'information arriva avec un temps retard à mon cerveau, comme une pierre chutant dans puit trop profond pour en atteindre le fond à temps. Je sentis la chaleur de son corps dans mon dos et son souffle dans mes cheveux et ne pus réprimer mes larmes. La lame devait avoir frôlé mon cœur et mes poumons car étrangement, je ne me sentais pas mourir. J'avais mal, terriblement mal et je sentais mon énergie se faire happer par son contact, mais j'étais encore debout et aucun sifflement dans ma respiration n'indiquait que je m'étoufferai bientôt dans mon propre sang. J'avais beau résister je n'avais plus beaucoup de temps avant qu'il ne me vide définitivement de mes pouvoirs.

Il fallait que j'agisse maintenant !

Je relâchai l'intégralité de mon pouvoir d'un coup. Mes membres tremblèrent tandis mes muscles se contractèrent avant d'être comme déchirer par la vague de puissance qui les parcourait. Je poussai un cri de douleur. Puis l'énergie se répandit hors de mon corps. Mes mains brûlèrent au contact de la barrière, ronger autant par ma propre énergie que par celle du champ électrique. L'arme qui transperçait toujours ma poitrine irradia à mesure que mon pouvoir dévorait celui d'Aaron, le remplaçant jusqu'à faire jaillir un éclair au niveau de la garde de l'épée. Pendant une fraction de seconde, mon corps ne fut plus que douleur et puissance. Puis tout s'arrêta.

Je tombai lourdement sur le sol. Un bourdonnement douloureux me martelait les tympans et ma vue était encore brouillée par le flash qui avait suivi la destruction du champ électrique. Une douleur sourde me vrillait le crâne. Le sable glacé s'engouffra entre mes doigts alors que je tentai péniblement de me relever et la douleur de ce contact m'arracha un gémissement. Le temps paraissait infiniment plus lent, comme si le monde s'était soudain mis à tourner au ralenti. Je ne percevais plus aucun bruit, je ne voyais plus la foule, il n'y avait que le sable, la souffrance et le sang, tellement de sang.

Il me fallut un moment avant de comprendre que l'épée qui m'avait transpercé n'était plus logée dans ma poitrine. Je tâtai ma blessure, les doigts à vif, brulés, sanguinolant et me retournai. Aaron était là, allongé sur le sol comme une poupée désarticulée, son bras droit était sévèrement brûlé. La pluie lui fouettait le visage avec insistance, mais il ne réagissait pas. J'aurais voulu me précipiter vers lui mais je connaissais déjà la réponse à ma question. Je l'avais su au moment on mon énergie était entrée en contact avec son corps.

Aaron était mort. Je l'avais tué.

Continue Reading

You'll Also Like

1.5K 178 36
Un royaume maudit avec pour unique sauveuse une guerrière dont le nom signifie "Éclat du Soleil". Bon gré mal gré, Elly se voit embarquer dans une a...
50.2K 4.7K 43
La paisible existence de Natacha bascule un soir d'hiver, alors que le festival de Cheralye se prépare lentement, au coeur de l'ancienne cité médiéva...
33.7K 4.2K 41
Aymeric, jeune enfant des rues d'Ondre, tente de survivre grâce à ses larcins. Un soir où il tente de s'introduire dans le palais royal, son destin b...
13.3K 1.8K 49
Connaissez-vous la légende d' Ailes Écarlates ? Non... cette histoire est lointaine maintenant. Elle a déserté la mémoire des Anciens depuis bien lon...