Aloys (Tome 1) : lightning an...

By MarianneLtrr

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La guerre est arrivée de nulle part, sans qu'on puisse l'empêcher. Les Elémentaires ont traversé leurs immens... More

Avant propos
Chapitre 1
Chapitre 2 (1/2)
Chapitre 2 (2/2)
Chapitre 3
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9 (1/2)
Chapitre 9 (2/2)
Chapitre 10 (1/2)
Chapitre 10 (2/2)
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18 (1/2)
Chapitre 18 (2/2)
Chapitre 19 (1/2)
Chapitre 19 (2/2)
Chapitre 20 (1/2)
Chapitre 20 (2/2)
Chapitre 21
Chapitre 22 (1/2)
Chapitre 22 (2/2)
Chapitre 23 (1/2)
Chapitre 23 (2/2)
Chapitre 24 (1/2)
Chapitre 24 (2/2)
Chapitre 25 (1/2)
Chapitre 25 (2/2)
Chapitre 26 (1/2)
Chapitre 26 (2/2)
Chapitre 27 (1/2)
Chapitre 27 (2/2)
Chapitre 28 (1/2)
Chapitre 28 (2/2)
Chapitre 29
Chapitre 30 (1/2)
Chapitre 30 (2/2)
Chapitre 31
Chapitre 32 (1/2)
Chapitre 32 (1/2)
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35

Chapitre 4

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By MarianneLtrr

A mon réveil, j'étais assise sur un siège pour le moins inconfortable et d'épaisses sangles me maintenaient immobile. Mes poignets étaient liés l'un à l'autre par des menottes en acier qui me coupaient la circulation du sang. Ma tête, comme le reste de mon corps semblait en feu. De petits éclats de verres étaient encore logés dans ma peau, mais je ne les sentais même plus, seuls mes yeux m'indiquaient qu'ils étaient toujours là. Je pris quelques instants avant de m'apercevoir que j'étais non seulement entourée d'une trentaine de soldats, mais également, à en juger par le bruit du moteur et les secousses, dans un avion. En me voyant réveillée, quelques soldats me jetèrent des regards curieux.

— Marc ! Amène une autre dose, la donz est réveillée !

Je reconnus la voix de l'un des hommes qui m'avaient poursuivie dans l'église. Il était assis juste en face de moi et me lançait un regard mauvais.

— Déjà ? C'est pas croyable, je lui en ai donnée assez pour assommer un cheval.

L'autre ricana, en observant son ami se démener pour se détacher et pour se rendre à l'avant de l'avion où étaient sûrement stockés les calmants.

— C'est vrai que tu as tué plus de cinquante Elémentaires d'un coup ? souffla ma voisine en me détaillant de la tête aux pieds.

Je pensai un instant à lui répondre, mais mon attention fut captée par l'un des hommes qui me faisait face. Contrairement aux autres, il ne portait pas l'uniforme vert des soldats. Il portait une cuirasse noire qui s'arrêtait à ses épaules, laissant ses bras totalement nus à l'exception d'un appareil fixé à son poignet. Son pantalon noir semblait également renforcé par endroits par des plaques en métal de la même couleur. Il tenait deux épées de la taille d'un bras, à l'horizontal, sur ses genoux et était manifestement occupé à les laver du sang qui les maculait avant que je ne me réveille. Il était évident que cet homme-là était d'un grade bien supérieur aux autres ou du moins qu'il avait davantage d'expérience au combat. Il dégageait quelque chose de différent, un relent de son pouvoir peut-être ? Quelque chose qui dictait à mon instinct que ce type, était dangereux. Pourtant il était jeune comparé à certains soldats, dont ceux qui m'avaient capturée. À peine quelques années de plus que moi, entre vingt-deux ans et vingt-cinq ans, pas plus. Pas vraiment l'âge d'un vétéran donc. Je devais déjà le dévisager depuis un moment lorsque agacé, il releva les yeux et les plongea dans les miens. Là seulement, je le reconnus : c'était l'homme que j'avais croisé à la sortie du bar, le fameux « supérieur » désagréable.

Ses cheveux étaient ébouriffés et ses yeux gris me dévisageaient avec une curiosité glaciale. Son visage était comme taillé dans le roc, parsemé d'une fine barbe qui lui donnait un air encore plus sévère que la veille. Sans trop savoir quoi, je lui trouvai quelque chose de magnétique, bien qu'il m'inspirait également une certaine méfiance. Il me fixait comme un prédateur fixe sa proie avant de l'abattre. Les muscles tendus, à l'affût, prêt à sauter à la gorge du premier ennemi qu'il verrait. Un peu plus loin dans l'avion, d'autres portaient la même tenue, mais ils étaient avachis, détendus et s'échangeaient quelques blagues en me jetant de temps en temps un regard. Je voulais bien croire que je faisais tâche dans le décor comparée à eux et à leurs tenues impeccables, mais ça restait assez gênant. À croire que j'étais la seule ici à avoir vécu l'attaque de Paris, hormis cet homme bien sûr, dont les lames étaient encore couvertes du sang des Elémentaires. Je reconnus rapidement le dénommé Nao assis en compagnie des autres membres de son groupe.

— Sale journée hein ? lâcha-t-il avec un sourire amusé.

Je n'eus pas le temps de lui répondre qu'une seringue se planta sauvagement dans mon bras. Cette fois-ci la douleur passa inaperçu au milieu du puit de souffrance qu'était désormais mon corps, mais je ressentis presque aussitôt ses effets et sombra une nouvelle fois sans avoir pu résister plus de quelques secondes.

~

Lorsque j'émergeai de nouveau, j'étais allongée, et la première chose que je vis, fut un plafond grisâtre et austère. Je tentai de me redresser mais les liens fermement serrés autour de chacun de mes poignets m'en empêchèrent. Un sentiment de panique s'empara de moi et je me débattis dans l'espoir assez vain que ces liens se rompraient. Au lieu de quoi je découvris que mes pieds aussi étaient attachés.

— Mademoiselle Braune, je vous demanderais de bien vouloir vous calmer, lança la voix caverneuse d'un homme.

Je pris un instant pour comprendre qu'il était assis à quelques mètres de moi devant un tas d'ordinateurs et de machines étranges.

— Me calmer ? grondai-je, folle de rage. Les gens ont tendance à mal réagir au kidnapping, vous n'êtes pas au courant ?

— Il ne s'agit pas d'un kidnapping. Il semble que vous soyez porteuse d'un gène mutant actif et selon la loi, l'armée est alors dans son droit de vous rapatrier ici.

— Comme c'est pratique, sifflai-je en lui lançant un regard assassin.

C'était un petit homme bedonnant, pas un soldat. Sa blouse blanche laissait entendre qu'il était médecin, mais son rôle n'était visiblement pas de prendre soin des autres. Il me regardait davantage comme un scientifique analysant son nouveau cobaye que comme un véritable médecin.

— Ne me regardez pas comme ça, je ne suis pas votre ennemi. D'ailleurs si vous acceptez de vous prêter à un petit test, je vous détacherai bien volontiers.

— Je ne me prêterai à rien du tout, allez-vous faire voir !

— J'ai bien peur que vous n'ayez pas vraiment le choix mademoiselle Braune... soupira-t-il.

Je m'attendis à ce qu'il agisse, mais il resta sagement assis à sa place, les yeux fixés sur ses appareils. Très vite je perdis patience, j'étais incapable de rester allongée là, attachée, sans défense. J'avais besoin de récupérer l'usage de mes mains, d'avoir l'illusion d'avoir une certaine liberté.

— Bon, qu'est-ce que vous voulez tester ? lâchai-je finalement, agacée.

— Vos capacités. Ce n'est pas très long vous verrez, et vous n'avez presque rien à faire, mais cela nous aidera à établir quel genre de P-gène vous êtes. De toute manière je ferai ce test avec ou sans votre consentement, alors épargnez-vous au moins d'être attachée à ce lit.

— D'accord.

L'homme hésita. Réajusta sa blouse et me jaugea un instant, visiblement assez partagé entre l'idée de me laisser attachée et celle de me libérer.

— Oh allez ! C'est vous qui me l'avez proposé ! Le pressai-je.

— Vous n'allez pas tenter de vous en prendre à moi ou de vous enfuir ?

Il désigna d'un mouvement de la tête l'une des fenêtres d'un air entendu. Visiblement ma petite performance dans l'église n'était pas passée inaperçue.

— Non, je pense que mon corps ne me le permettrait pas.

Rassuré par mon argument, il se leva, détacha mes liens et m'aida à me redresser. Je sentis chacun de mes muscles protester sous l'effort, ce qui m'arracha une grimace de douleur.

— Je suis le docteur Abélard Ross, j'ai fait ce que j'ai pu pour vos multiples blessures, mais je crains qu'il ne faille du temps avant que votre corps se remette totalement. Il semble que vos tissus, et plus précisément vos muscles aient été fortement malmenés par votre... don. Je n'ai que deux choses à faire avant de vous laisser rejoindre votre groupe, alors si vous voulez bien coopérer, ce sera rapidement terminé.

De quel groupe il parlait ? Je haussai les épaules et hochai la tête. De toute manière je ne pouvais pas faire grand-chose d'autre dans mon état. Un bus aurait pu me rouler dessus, j'étais à peu près sûre que je m'en serais sortie avec moins de dégâts. Même si Ross ne paraissait pas bien impressionnant, je doutai fortement de mes chances en combat singulier avec lui et ce même en possession de tous mes moyens. Il était assez petit, d'une quarantaine d'années, grisonnant autant que peut l'être quelqu'un qui n'avait déjà presque plus de cheveux. Enrobé et pas franchement d'une vivacité débordante, il faisait visiblement partie de l'armée uniquement pour ses compétences en médecine. Sans compter qu'il devait y avoir un tas d'autres soldats bien plus impressionnants patrouillant dans le coin. Si les jumeaux avaient dit vrai, j'étais probablement déjà au centre d'entrainement de l'armée, autant dire que je ne risquai pas de réussir à filer de sitôt. Il s'éloigna quelques instants et revint vers moi avec une petite boîte rectangulaire dans les mains.

— Insérez votre main à l'intérieur puis patientez jusqu'à sentir une légère piqûre. Ensuite, restez immobile le temps que la machine fasse son travail.

J'obtempérai en analysant avec soin la fameuse machine, mais à part conclure qu'il s'agissait d'une très lourde boite noire, je ne pus pas en tirer grand-chose.

— Vous voulez mon sang ? Une simple prise de sang, ça ne suffit pas ? demandai-je tandis que de minuscules aiguilles se plantaient dans la chair de ma paume.

— Non, ce n'est pas votre sang qui nous intéresse. Ne vous en faites pas, c'est bientôt fini.

Il se retourna et alla consulter les résultats qui s'affichaient à l'écran. Je le vis se pencher davantage sur l'écran comme s'il n'était pas sûr de ce qu'il y lisait. Puis il se redressa en m'adressant un regard étonné et attrapa une autre machine montée sur roulettes qu'il amena jusqu'à moi. Celle-ci était nettement moins rassurante que l'autre, on y voyait très clairement de longues aiguilles accrochées au bout d'un bras articulé.

— Je n'aime pas les aiguilles, lâchai-je alors que mon sang quittait mon visage.

Ma remarque fit rire le médecin qui se contenta de récupérer la boîte et d'attacher mon avant-bras droit à l'emplacement conçu à cet effet.

— Ça ne prendra qu'un instant, m'assura-t-il en paramétrant la machine.

— C'est trop long, grinçai-je en voyant les aiguilles s'agiter au-dessus de mon poignet.

Comme je m'y attendais elles se plantèrent dans ma peau, une fois, deux fois, et puis une centaine d'autres fois. Ce n'était pas particulièrement douloureux mais ça n'avait très franchement rien d'agréable. Je ne compris que lorsque les aiguilles s'éloignèrent de mon bras que je venais de me faire tatouer un étrange symbole sur le poignet. Un simple P traversé par une flèche verticale ce qui me rappela aussitôt le symbole de l'ANH.

— Qu'est-ce que c'est ?

— C'est la marque qui différencie un P-gène d'un A-gène. Ça permet de savoir directement à qui on s'adresse, lors des entraînements par exemple.

— Un A-gène, répétai-je sans comprendre.

— Les A-gène sont ceux qui ont connu des modifications génétiques pour acquérir leurs compétences. Les P-gènes sont ceux qui ont muté par eux-mêmes ou qui sont nés avec les gènes actifs. Les vôtres sont particulièrement impressionnants mademoiselle, j'ai rarement vu autant de combinaisons alléliques sur une seule personne.

Je ne savais pas qu'il existait une différence au sein de l'armée pour ces deux types de mutants. Pourtant elle existait, et si on prenait la peine de la tatouer sur le bras de chacun cela voulait dire que cette différence avait une certaine importance. Quant à cette histoire d'allèles, j'avais beau avoir suivie avec passion le cours de génétique, j'avais du mal à comprendre ce que c'était censé signifier dans mon cas. Chaque allèle représentait une version d'un gène et l'ensemble des gènes codaient et dirigeaient notre organisme. A ma connaissance, si posséder plusieurs allèles différents permettaient parfois d'obtenir plusieurs caractéristiques physiques, comme c'était le cas pour la couleur des yeux ou des cheveux, ça n'était pas possible pour les « dons » des mutants. La combinaison de l'ensemble des gènes dits « mutants » donnait un pouvoir, point final. Le fait d'avoir un tas de « combinaisons alléliques » n'aurait pas dû susciter autant l'enthousiasme du médecin.

— Bien, maintenant mademoiselle Braune, quelqu'un va vous emmener dans votre bloc. Vous ne commencerez le programme officiel que dans quelques jours, lorsque vous irez un peu mieux.

Il se dirigea vers la porte, trop heureux d'en avoir enfin terminé avec moi et frappa deux coups secs. La seconde suivante, la porte s'ouvrit sur une femme aux larges épaules qui semblait aussi sympathique qu'une pierre. Mes yeux s'attardèrent un instant sur son poignet droit tandis qu'elle m'aidait à me mettre sur mes pieds avec aussi peu de douceur qu'elle en était capable. Un simple triangle traversé par une flèche horizontal y était dessiné à l'encre noire. Le sien était différent du miens, c'était donc une A-gène ? Lorsqu'elle s'aperçut que je fixais son tatouage elle le cacha et me jeta un regard mauvais en me poussant vers la porte.

Le couloir était sombre, mais on distinguait sans mal une porte sur la gauche disposant d'un petit boitier métallique qui répandait une forte lumière bleue, révélant le mot LABORATOIRE peint en blanc sur la porte en acier. J'imaginai aussitôt des dizaines d'enfants allongés dans ce laboratoire pour y être transformés en mutants, et frissonnai. Comment pouvait-on imposé ça a des enfants ?

Quelques minutes plus tard, après avoir traversé un nombre incalculable de couloirs gris, nous débouchâmes sur un hall immense qui paraissait un peu moins austère que le reste du bâtiment. Bien qu'il soit dans les mêmes tons, on y trouvait quelques plantes et une multitude d'affiches colorées collées aux murs. Deux escaliers qui encadraient une porte en verre menant vraisemblablement à l'extérieur, donnaient accès à l'étage supérieur. Nous en gravîmes un rapidement, malgré les protestations de mon corps endolori, puis une décennie plus tard, ou en tout cas c'était ce que me sembla, mon agréable accompagnatrice s'arrêta devant une porte. Sans prendre la peine de toquer, elle entra et me tira sans ménagement à l'intérieur.

C'était une grande salle contenant trois paires de lits superposés séparés par des piliers en béton sur lesquels étaient accrochés quelques photos et dessins. Les occupants de ces lits se tournèrent tous vers nous et me détaillèrent avec attention. Ils étaient tous plus jeunes que moi. Certains ne devaient pas avoir plus de quinze ans. Pourtant la grande majorité, ceux dont le poignet était marqué d'un triangle étaient à la fois plus grands et plus larges que moi. À croire que leurs modifications génétiques avaient été servies avec une dose d'hormones de croissance.

— Tes affaires sont sur ton lit. Les repas sont pris au réfectoire à six heures, midi et dix-neuf heures. Si tu en rates un, tu attends le prochain. Tes cours commencent lundi, expliqua la femme qui m'avait accompagnée d'un ton glacial.

Elle tourna les talons et sortit de la pièce en claquant la porte. Aussitôt, une fille qui faisait ma taille, mais dont les joues rondes rappelaient encore l'enfance s'avança vers moi et attrapa mon bras droit afin d'observer mon poignet.

— P-gène, siffla-t-elle admirative.

— Vieille, renchérit un garçon aux cheveux courts et au visage abimé par de larges cicatrices en me jaugeant, méfiant.

— On ne choisit pas le moment où on mute tu sais, rétorquai-je avec humeur.

— Je vais faire les présentations ! s'exclama la jeune fille en tapant dans ses mains d'un air ravi. Je m'appelle Alice, lui, le grincheux c'est Don.

Elle se mit ensuite à énumérer le nom des autres avec entrain mais je ne l'écoutai pas vraiment. Je doutais de pouvoir retenir tous ces noms dans l'immédiat et je n'étais pas sûre d'en éprouver l'envie. C'était probablement la personne la plus aimable que j'avais rencontré depuis Paris, alors je fis un effort pour paraître moins agacée par la situation.

— Moi, c'est Aloys. Contente de vous rencontrer.

— Ce n'est pas réciproque, rétorqua Don en retournant à ses activités, bientôt imité par les autres.

Charmant.

Les deux seuls qui restèrent plantés devant moi étaient Alice et un type du nom d'Eren. Ils s'empressèrent de me montrer mon lit, qui était celui positionné juste en dessous de celui d'Alice et m'expliquèrent les règles de base : du genre faire son lit tous les matins, se mettre debout devant son lit dès qu'un supérieur entrait ainsi qu'une multitude d'autres choses que je ne comptai pas retenir. J'appris rapidement tout ce qu'il fallait savoir sur ces deux-là grâce à la jeune femme qui était un véritable moulin à paroles.

Elle était une A-gène et Eren un P-gène comme moi, ce qui expliquait pourquoi il était le seul homme de la pièce à ne pas dépasser le mètre quatre-vingts. Il n'avait qu'un an de moins que moi et avait été enrôlé il y a deux mois lorsque ses parents l'avaient livré aux autorités en échange d'une coquette somme. Alice, elle, avait choisi d'entrée dans l'armée il y a un mois, le jour de ses seize ans pour ne pas décevoir sa famille. Ses parents étaient des A-gènes eux aussi et comme tous les mutants créés en labo ils ne pouvaient pas transmettre leurs gènes mutants à leurs descendants. C'est pour quoi elle, et son frère avant elle, avait volontairement subi la transformation pour suivre la même voie que ses parents.

Alice était d'une beauté peu commune avec ses longs cheveux blonds bouclés et sa peau de porcelaine. Ses yeux, d'un bleu azur brillaient d'une joie de vivre contagieuse et son corps trop développé pour son âge lui donnait des allures de femme, bien que son comportement trahissait une certaine immaturité attachante. Eren quant à lui, était un jeune homme svelte à peine plus grand que moi dont les cheveux châtains étaient dans un désordre absolu. Son teint blafard lui donnait un petit air maladif, mais ses yeux ambrés ramenaient sur son visage un peu de vie. Contrairement à Alice qui débordait d'énergie, il était d'un calme impressionnant, mais c'était probablement ce contraste entre eux qui les avaient amenés à se rapprocher.

Ils me racontèrent brièvement l'histoire de chacun de nos compagnons, du moins ce qu'ils en savaient. Plusieurs d'entre eux étaient des orphelins, tout comme moi. Ils avaient grandi dans un endroit similaire, une sorte d'orphelinat situé sur la côte jusqu'à ce qu'ils donnent leur consentement pour faire partie du programme de mutation. Une autre manière de dire qu'on les avait embrigadés dès leur plus jeune âge en leur bourrant le crâne des « exploits de l'armée » pour qu'ils signent un papier qu'ils n'avaient probablement jamais lu.

Seule l'histoire de Don contrastait singulièrement avec celles des autres. Il était orphelin lui aussi, mais ce n'était pas la guerre qui lui avait pris ses parents, c'était un simple accident au cours duquel son immeuble avait pris feu. Les marques qui lui striaient le visage et une partie des bras étaient d'anciennes brûlures que le temps s'était chargé de soigner sans grand succès. Il n'avait pas non plus fini sous la tutelle de l'armée, ses grands-parents l'avaient recueilli jusqu'à ce qu'il s'inscrive de lui-même à ses dix-neuf ans dans le programme. Pourquoi ? ça, ça restait un mystère, même pour Alice.

~

Il parut évident après seulement deux jours passés dans le centre que j'étais très amplement détestée. Par les aspirants d'abord, qui semblaient jaloux du petit symbole dessiné sur mon poignet, mais également par les soldats qui ne manquaient pas de me dévisager avec un certain mépris dès qu'ils croisaient mon chemin.

— Qu'est-ce que j'ai fait au juste ? geignis-je en soupirant alors que je rejoignais Alice et Eren à une table pour le déjeuner.

La salle était vaste et pourvue de dizaines de longues tables métalliques pour accueillir tous les aspirants et les quelques soldats de seconde zone qui venaient s'entraîner dans notre bâtiment. Une odeur nauséabonde flottait constamment dans l'air, à croire que bon nombre des jeunes recrues, trop prudes, n'avaient pas encore appris à se servir des douches communes. A ça s'ajoutait les lumières artificielles de spot blafard qui achevaient de donner des airs de prison à cet endroit. La seule fenêtre qu'il m'avait été donné de voir jusqu'ici se trouvait dans l'infirmerie de Ross et je n'étais pas particulièrement pressée d'y remettre les pieds.

— Ils sont jaloux, ça leur passera, assura Alice en me souriant.

— Eren aussi a cette fichue marque sur le bras et personne n'essaye de l'assassiner du regard.

— Mais moi je n'ai pas essayé de m'enfuir lorsque mon don est apparu.

— Et bien peut-être que tu aurais dû, ça fait un bien fou de se défenestrer, tu devrais essayer, sifflé-je, irritée qu'absolument tout le monde soit au courant de ça.

Il leva les yeux au ciel.

— Le mot « lâche » est un titre difficile à porter dans l'armée. Surtout quand on a un pouvoir capable de réduire en bouillie des dizaines d'Elémentaire et qu'on préfère fuir au lieu de s'en servir.

Je n'étais pas lâche, j'étais égoïste, ce n'était peut-être pas plus glorieux, mais s'ils étaient tous trop stupides pour comprendre la différence, alors tant pis. Je n'étais pas ici pour me faire des amis et si Eren pensait comme eux, il pouvait bien aller se faire voir. Alice donna un petit coup de coude dans celui de son voisin pour lui faire comprendre qu'il valait mieux se taire et je saluai l'initiative en tentant de changer de sujet :

— Et sinon votre entrainement, c'était sympa ?

— Autant que peut l'être un massacre. Le Major Prons est une sauvage, elle m'a littéralement roué de coups, se plaignit Eren en montrant les bleus sur ses bras.

— On a hâte que tu viennes avec nous ! Surtout dans les cours du Major Lensbrack, je veux voir ce que tu sais faire avec tes pouvoirs ! intervint Alice en sautillant sur place.

— Certainement pas. Je compte bien boycotter l'ensemble de ces cours. Avec un peu de chance je serais virée lorsqu'ils se rendront compte que je n'ai aucun avenir dans l'armée.

Un espoir bien naïf auquel je me raccrochais depuis mon arrivée et qui chaque jour s'étiolait un peu plus que le précédent. La loi était claire à ce sujet, aucun mutant n'avait le droit de vivre librement parmi les civils. Peu de gens avaient protesté à ce sujet à l'époque, les mutants pouvaient être dangereux pour eux ou pour leurs proches sans la formation adéquate. Personne n'avait pensé à demander leur avis à ces gamins qu'on enlevaient à leur mère sous prétexte que peut-être dans un avenir lointain, ils représentent un quelconque risque pour quelqu'un.

— Je ne compterais pas trop là-dessus si j'étais toi. La seule chose que tu risques c'est de rater l'exam d'affectations et de devoir le repasser.

Cet examen avait lieu dans un mois et servait aux aspirants à montrer leurs compétences à des hauts gradés afin d'être affecté dans une escouade et d'aller sur le terrain. À mon avis, la formation était très courte pour un métier qui risquait de vous tuer dès votre première mission, mais j'étais de toute évidence la seule à le penser. Tous les aspirants attendaient l'examen avec impatience, rêvant de combats épiques d'où ils ressortiraient couverts de gloire. Bizarrement, je n'entendais personne contredire les rêves de ces adolescents. Ils faisaient justement ce qu'on attendait d'eux.

Mon entrainement allait commencer le lendemain car le médecin avait jugé qu'hormis quelques hématomes et lésions en tout genre j'étais rétablie. Là encore, je trouvais qu'il allait vite en besogne, mais j'étais contrainte d'obéir. C'est-à-dire, d'assister aux cours. Dans mon cas, ça s'arrêterait là. Je n'avais absolument aucune envie de devenir soldat, je n'allais donc tout simplement pas apprendre à me battre, et ça ils n'y pouvaient rien. Ils pouvaient m'enfermer dans une école militaire, restreindre mes mouvements, voire même m'empêcher de dire ce que je pense, mais me forcer à apprendre à tuer, ça ils en étaient bien incapables.

Je balançai les restes de mon repas à la poubelle et rendit le plateau en cuisine avant de suivre Alice et Eren hors de la salle. J'avais du mal à suivre la conversation, déjà parce qu'elle ne m'intéressait pas beaucoup, mais également parce que je supportai assez mal tous ces regards braqués sur moi. La dernière fois que j'avais eu à subir autant d'attention, c'était après que ma tante m'ait recueillie et envoyé dans une école où j'étais rapidement devenue la nouvelle attraction. La différence était qu'à l'époque, c'était de la pitié que je lisais dans leurs yeux, pas de la jalousie et du mépris.

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