Galenn - Le chemin des Pierres

By GaiaNovae

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Galenn est un mercenaire, un guerrier sans scrupule des Royaumes connus et inconnus, qui ne connaît pas la p... More

Chapitre 1 - L'Homme Bleu
Chapitre 2 - Leylias la Breïss
Chapitre 3 - L'Ours
Chapitre 4 - La Caverne
Chapitre 5 - Ja
Chapitre 6 - Le Tunnel
Chapitre 7 - Les Bayous
Chapitre 8 - L'Envol
Chapitre 9 - L'origine
Chapitre 10 - Là Haut
Chapitre 11 - Trivodi
Chapitre 12 - Capitaine Kalya Min Biggor
Chapitre 13 - Le Géant
Chapitre 14 - Le Guerrier
Chapitre 15 - Le Géant et l'Auditrice des Mers
Chapitre 16 - Kalya
Chapitre 17 - Le Sort
Chapitre 18 - La Falaise Rouge
Chapitre 19 - Le Désert
CHAPITRE 20 - Le Pilier
Chapitre 21 - La Cicatrice
CHAPITRE 22 - Les Destriers
CHAPITRE 23 - La Falaise blanche
CHAPITRE 24 - Le Cristal
CHAPITRE 25 - Le Prince
Chapitre 26 - Dame Tarra
Chapitre 27 - Handkili
CHAPITRE 28 - La Bulle

Chapitre 29 - La génération oubliée

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By GaiaNovae

Un, deux, trois, quatre. Le destrier à quat'pattes.
Cinq, six, sept, huit. Nous arriverons plus vite.
Neuf, dix, onze, douze. Je te donn'rai une bagouse.

Un, deux, trois, quatre. Ne te laisse pas abattre.
Cinq, six, sept, huit. Ne prends surtout pas la fuite.
Neuf, dix, onze, douze. Je te donn'rai de l'arbouse.

Un, deux, trois, quatre. Loin dans ce pays blanchâtre.
Cinq, six, sept, huit. Galenn nous y a conduit.
Neuf, dix onze, douze. Je te donn'rai une perlouze.

Un, deux, trois, quatre. Plus tard, tous auprès de l'âtre.
Cinq, six, sept, huit. Nous arrêt'rons la poursuite.
Neuf, dix onze, douze. Je te donn'rai d'la binouze.

Sur l'encolure d'un des trois destriers qu'ils ont récupérés, les Shoof s'en donnent à cœur joie en reprenant cette fanfaronnade et en sautillant de tous côtés. Le tout se passe au grand bonheur des enfants qui ont pris place sur les trois bêtes qui les emportent sur la plaine blanche qui s'étire loin à l'horizon. La petite colonne de survivants, accompagnée des compagnons de Galenn, s'étire devant et derrière les petites créatures surprenantes qui font affluer les enfants tout autour des trois montures.

— Ils volent la vedette auprès des plus jeunes, remarque Galenn qui marche à l'arrière garde de la colonne avec Kalya.
— En effet, sourit la jeune femme. C'est une bonne chose pour les petits. Le chemin leur paraîtra moins long.
— Ils sont si peu nombreux, soupire le Guerrier.
— Il n'y en a que quatre sur ce continent et c'est nous qui avons la chance de les connaître.
— Quatre ? s'étonne Galenn avec un air surpris.
— Tu connais d'autres Shoof ?
— Oh ! Moi, je parlais des enfants. Il n'y en a que bien peu. Sur ce continent, les rescapés des Royaumes oubliés, dont celui des Trois Lunes, ont aussi oublié de construire l'avenir. Ils ont erré sur la terre aride et près des côtes depuis tout ce temps.
— Je comprend, rougit un peu Kalya. Ils n'ont pas construit de famille : c'est cela que tu veux dire ?
— Oui... et dire que moi, je m'exténuais à m'échiner dans des combats inutiles et sans valeur.

Le jeune bronzé baisse la tête un instant, cachant son visage sous ses longs cheveux. Il regrette tout ce temps perdu et toutes ses fausses illusions de bravoure et d'honneur. Sa hantise du combat et sa volonté d'éviter toute responsabilité envers autrui.
Face à son attitude si triste, Kalya prend la main de Galenn et croisent leurs doigts doucement.

— Galenn, murmure-t-elle. Tu ne peux pas juger de ta vie d'alors.
— Mais je fuyais. Je voulais me trouver loin de la vie que ma Breïss m'avait montrée. J'aurais tellement dû mieux écouter son enseignement.
— Tu n'étais qu'un gamin quand tu t'es retrouvé seul. Tu as survécu.
— Loin de la réalité en effet. Et, par la suite, en grandissant, je n'ai pas su m'intéresser à ce qui se passait en dehors de ma petite personne.
— Je ne suis pas mieux, avoue la jeune femme. J'ai quitté mon royaume sur le bord de la fin.
— Mais on t'avait rendu aveugle ! Tu étais seule. Sans souvenir.
— Comme toi.
— Mais, tu as réagis ! proteste le Guerrier en arrêtant sa marche et en la retournant vers lui. Tu as appareillé avec le Géant pour rallier les deux continents. Aider les survivants. Tu étais courageuse, entreprenante, audacieuse.... Moi, pendant ce temps, je me battais sans raison. Je tuais sans honte...
— Galenn, non !
— Si ! Je le sais maintenant, grince le Guerrier en retirant sa main, honteux.
— Mais tu nous a tous sauvé ! proteste Kalya, les yeux flamboyants. Tous ici, nous te devons la vie par ta bravoure, ta témérité et ton ingéniosité. Tu m'as ramené à ma vue, à ma vie et à mon ascendance. Nous sommes tous vivants et, toi et moi, nous allons reprendre nos Royaumes pour les protéger tous.
— Moi ? Mais c'est grâce aux Shoof, à Virko, aux Cavaliers et... toi.

En disant cela, la main de Galenn enveloppe avec passion la main pâle de Kalya.

— Tu m'as montré le chemin vers moi-même, ajoute-t-il.

Ce disant, il serre les doigts de la jeune femme entre ses deux paumes avec tendresse. Kalya rougit sous la caresse et les louanges.

— D'accord... nous nous sommes sauvés mutuellement, chuchote-t-elle.
— Kalya...

Elle remonte son regard sur ses yeux qui paraissent si bleus dans son visage foncé. Ce qu'elle y voit la perturbe étrangement. Elle n'a pas encore la capacité de bien décrypter les émotions des gens avec sa vue. Sa main libre se porte alors vers le visage du jeune homme et, du bout sensible de ses doigts, elle parcourt les traits du Prince des trois Lunes.
Ce contact émeut Galenn encore plus, tellement qu'il ne réussit plus à respirer calmement. La jeune femme devant lui est devenue l'être le plus cher à son cœur et son âme. Les yeux fermés, il est incapable d'esquisser un autre geste alors que les doigts féminins explorent habilement ses propres émotions à fleur de peau, sur son visage et son cou.
Lorsque Galenn ouvre à nouveau ses paupières, son regard est hypnotisé par celui, profond et ému qu'elle lui lance. La distance s'amenuise entre eux, sans qu'ils ne le réalisent.

Le contact de leurs lèvres est doux, calme et confiant, comme le ciel qui reluit au-dessus de leurs têtes. Doux et rafraîchissant, comme le vent qui se lève. Chaud et lumineux, comme le soleil qui se couche à l'horizon blanc. Tendre et rassurant, comme la lumière de Jaïa qui se lève à l'horizon.
Le souffle court, leurs cœurs gonflés d'émotion, ils demeurent un instant immobile, leurs fronts collés. Leurs rythmes cardiaques se coordonnent doucement.

— Kalya Min Biggor, si tu savais comme ta présence m'est rendue essentielle, tout comme l'air que je respire, murmure le jeune homme.
— Galenn de Nulle Part, si tu savais comme je ne pourrais plus me passer de toi, avec ou sans les Trois Lunes.

Leurs lèvres se réunissent à nouveau pour un autre baiser, plus appuyé et encore plus tendre, après leurs vœux mutuels.
Ensuite, sans un mot, leurs doigts noués, ils reprennent leur route, suivant les traces laissées devant eux par la caravane menée par leurs amis.
Peu importe la fatigue de leurs muscles et la douleur de leurs blessures, leurs cœurs se sont trouvés et enfin avoués des sentiments réciproques qu'ils devinaient et espéraient chacun de leur côté, sans oser le dire ou le démontrer.

♾♾♾♾♾♾

Jaïa est bien haute au ciel lorsqu'ils décident de tous se réunir pour passer la nuit. Ils forment ainsi un amas de formes humaines (et Shoofiennes) pour conserver leur chaleur alors que l'atmosphère du plateau s'assèche sous l'emprise du vent. Une fois la chaleur des rochers environnants transférée dans l'air, le sol se fait froid sous la bise continue qui souffle sans arrêt. La nuit est tombée, la Lune principale brille dans un ciel sans nuage, rendant les lieux nimbés d'une lueur bleue mystérieuse.

Les silhouettes se blottissent les unes contre les autres, partageant les vêtements et les couvertures. On entend quelques enfants qui rechignent mais c'est surtout un silence intense et pesant qui stagne sur la caravane. La plupart dorment d'un sommeil léger malgré la fatigue qui mord profondément leurs corps.
Galenn et ses compagnons se sont réunis un peu à l'écart pour tenter de trouver une solution à leur errance sur ce plateau.
Dame Latij soigne doucement Crii, son familier, qui a été blessé à l'aile gauche lors de l'affrontement avec les sbires noirs de Handkili. Son état de santé les empêchent de pouvoir l'utiliser en tant qu'éclaireur – avec ou sans Ja sur le dos. La Dame des Destriers a aussi passé une bonne partie du début de la nuit à tenter de faire cesser la fièvre de Zolem, l'un de ses frères. La Soignante est encore plus pâle et semble elle-même prête à s'évanouir de fatigue. Mirkoum s'approche de son aimée avec une gourde d'eau :

— Latij, prend un peu de repos ou au moins désaltère-toi un peu, lui murmure l'homme en posant une main sur son épaule.
— Mirk, je ne sais pas si je vais pouvoir le sauver, murmure si bas la jeune femme que le Mage doit se pencher vers elle pour l'entendre.
Doucement, il s'assoit contre sa hanche.

— Il va s'en sortir, assure-t-il en lissant le plumage de l'oiseau au creux du bras de Latij. Ce n'est pas la première fois qu'il se blesse en t'aidant au combat.
— Je ne parle pas de Crii, s'étouffe la Dame dans un sanglot, je parle de mon petit frère !
— C'est à ce point, s'étonne Mirkoum en la prenant dans ses bras pour se donner mutuellement du courage.
— Oui, renifle-t-elle. Je ne comprends pas ce qui le touche. Son regard est éteint et son cœur si faible. Toute l'eau de cristal et la mousse de Géant n'ont eu aucun effet. J'ai tenté plusieurs remèdes durant toute la journée. Rien ne change.
— Un sort magique ?
— Que je ne connais pas... cela dépasse tout ce que je connais.

Elle tourne ses grands yeux miroitants de larmes vers son amoureux :
— Mon frère va mourir, Mirkoum. Je ne peux pas croire que je ne peux le sauver.
— Attends, tempère le Mage. Je refuse d'abandonner. Tu acceptes que je l'ausculte ?
— Tu le ferais malgré l'interdit ?
— Je me fous de cet interdit ! réagit fortement l'homme. Il s'agit de ton frère. De mon frère par alliance !
— Mais...
— Cet interdit est disparu avec notre Royaume ! Et je veux que tous on l'oublie ! Les Mages peuvent soigner tous ceux qui en ont besoin, de leur famille ou non, de la royauté ou du peuple ! Quelque soit leur union ! Quelque soit le Destin qui veille sur eux !

Dame Latij l'observe un instant, ses yeux noirs écarquillés. Cet Interdit existe depuis si longtemps qu'elle ne saurait en dire l'origine mais, il est observé avec obédience depuis tant de générations !
Il stipule qu'un Mage ne peut officier un soin dépassant les capacités d'un Soignant. Autrement dit, si une personne comme Dame Latij, qui est Soignante, ne peut sauver une personne, un Mage ne peut user de son pouvoir et de ses capacités pour aller contre le Destin. Contrevenir à cet Interdit peut être sujet d'expulsion du Royaume et même de mise à mort.
Mirkoum a d'abord suivi un apprentissage de Soignant, c'est ainsi qu'il a connu la future Reine du Royaume, mais rapidement il s'est découvert le talent de Mage, comme son défunt père. Il a subit l'Interdit, encore plus violemment que d'autres Mages, étant davantage exposé aux jugements de par ses liens avec la Noblesse des Destriers. Depuis son lien avec Latij, Mirkoum n'a donc plus jamais tenté de soigner d'humains, mais il est devenu un expert dans les soins des Destriers, conservant ainsi « la main ».
Mirkoum mets un genou au sol devant sa Dame et plonge son regard clair dans celui, embuée, de Latij :

— C'est toi maintenant la seule et unique Souveraine du peuple des Destriers, ma toute Belle, à toi de m'en donner l'aval... que je te supplie d'accorder au Mage auquel tu as déjà accordé le plus beau des présents en liant ta vie avec lui.

— Mirkoum, mon unique... l'Interdit...
— Donne-moi le droit de soigner ton frère, Dame Latij. Lève cet Interdit pour toujours et à jamais. Laisse les Mages exprimer leurs sagesse et connaissances pour tous les membres de ton peuple afin de les soigner et de les sauver du Destin parfois cruel qui les afflige.
— ...
— Je t'en supplie.
— Je lève à jamais cet interdit, dit-elle d'une voix plus claire. Mon frère est avec Leky et Val. Demande-leur de te laisser la place.

Mirkoum effleure la joue de son aimée d'une main douce alors qu'un sourire rassurant fleurit sur ses lèvres.

— Je vais tout faire en mon possible, c'est promis.
— J'ai peur, murmure-t-elle contre ses lèvres.
— Plus maintenant, affirme le Mage.

Alors que Mirkoum se relève en effleurant avec douceur et habileté la collerette de plumes blanches du familier de Latij, Crii ouvre les yeux et émet un gazouillis rassurant et plein d'une vigueur nouvelle envers sa maîtresse. Voilà la preuve que Mirkoum peut soigner et être Mage en même temps. Latij ne peut retenir un rire de joie, teinté encore de larmes, en emmitouflant son familier dans son écharpe.
Puis, son regard se porte vers la grande silhouette de son âme-sœur qui se dirige vers les deux jumeaux afin de reprendre enfin son rôle de Soignant.
Oui, le Destin ne pourra pas prendre la vie de mon frère sans avoir à combattre le talent de Mirkoum, le premier Mage-Soigneur.

Le cœur de la Dame reprend un rythme moins frénétique alors qu'elle remet toute sa confiance et son amour, en une pensée profonde et une prière pleine de tendresse, envers les hommes de sa vie.

— Dame Latij, fait une petite voix.
— Oui, Lenn, sourit la Dame en se penchant vers la silhouette qui émerge d'une infractuosité du sol.
— Je ne sais pas si l'Interdit s'applique à moi, hasarde le petit Shoof. Je ne suis pas de votre peuple, ni d'aucun des Royaumes de ce continent, mais je sais soigner, grâce à Val et je suis une Petit Mage, comme l'a dit Virko. Mais..
— Qu'essaie-tu de me dire, petit Mage ? souffle avec tendresse la jeune femme.
— Et bien, Mirkoum m'a parlé de l'Interdit qui gouverne les Soignants qui se découvrent des talents de Mage. Il m'a parlé de sa douleur et de sa tristesse à ne pas pouvoir en faire profiter son peuple. Mais moi... m'accordes-tu aussi le droit de faire les deux : soigner avec mes connaissances et ma magie ?
— Mais, Lenn ... tu es libre. L'Interdit ne s'applique... ne s'appliquait qu'au Peuple des Destriers.
— Ah bon ! Comme pour les règles du peuple des Shoof qui ne s'appliquaient pas aux autres créatures que nous... sauf depuis que nous avons quitté notre communauté. Là aussi, nous avons gagné en liberté de penser, de créativité et d'individualité.

Les vibrisses du petit Mage s'agitent sous son regard phosphorescent. Il fait une pause puis caresse un instant la main de la Dame avec tendresse.

—  J'en apprend tellement depuis que je comprends que nos limites ne nous sont imposées que par celles que nos peuples nous imposent.  Finalement, être libre c'est de savoir repousser les limites, tout en respectant celles des autres. 
— Tu es un grand Penseur, petit Mage.

Les grands yeux jaunes de Lenn, lumineux dans la noirceur, observent avec surprise la Dame :

— Virko serait content car il me disait toujours de penser davantage avant d'agir, réfléchit le Shoof tout haut. Donc, j'ai le droit d'aller aider Mirkoum ?
— Oui, mon petit ami, répond Latij en souriant, même je te le demande respectueuesement,  si cela t'agrée.
— J'y vais de ce pas, ma Dame, réponds vivement Lenn en la saluant comme il a vu Galenn faire.

Et il trottine en coup de vent pour aller rejoindre le Mage des Steppes.

♾♾♾♾♾

Sur l'encolure d'un des destriers, Ja accueille Xen dans la chaleur relative de l'animal à la fourrure moustachue. En grimpant le long des pattes et du flanc de l'animal, le petit guerrier se débarrasse d'une consistante couche de poussière blanche, mais il en demeure des traces partout sur lui. Avec ses yeux roses qui scintillent dans la lumière de Jaïa, Ja admire encore une fois la ténacité et le courage du grand Shoof. Il s'assoit près d'elle et elle l'accueille en l'enveloppant de son écharpe rouge.

— Quel sol aride et froid, frissonne Xen. Je suis descendu tellement bas, tu ne peux pas imaginer. Normalement par chez nous, bien avant cette profondeur, nous sommes dans la lave bien molle et accueillante. Mais ici non ! Que cette pierre blanche et poudreuse.
— Et Val ne réussit même pas à l'enflammer, aucun cristaux de roche n'en émerge, c'est tout dire, conforte Ja. C'est le sol le plus réfractaire que j'ai connu. Même en m'agitant de tout mes pieds, il ne bronche pas d'une miette. Et aucun sort de Lenn ou Mirkoum ne l'affecte.
— C'est un bloc !
— Un vide de Lave !
— Une masse infecte !
— Que dis-je ? Une blancheur de froid !
— C'est magique et je déteste ce que je ne peux concevoir et manier dans mes mains, se plaint le guerrier dont les yeux bleus se portent vers ses poings fermés.

Ja baisse son regard sur les mains de Xen pour s'apercevoir de leur état :
— Mais Xen, tu es blessé ! Encore.
— Rien que des égratignures ma belle petite Shoof, avoue le petit guerrier. Cette masse de roc blanc est une insulte au sol qui a fait vivre nos ancêtres.

Xen l'enveloppe avec lui dans l'écharpe en la voyant grelotter doucement. La petite est surprise de cette proximité et une jolie teinte rosâtre s'ajoute sur son museau. De sa grande petite main, Xen repousse doucement les mèches de long poils qui camoufle le doux et rose regard de son amie qui lèvent les yeux vers lui. Xen se sent si bien dans ce cocon de tendresse, alors que le destrier sous eux partage avec eux un peu de sa chaleur corporelle.
Un silence confortable s'installe entre eux alors qu'autour, les gens et bêtes de la caravane accèdent doucement au sommeil.
— Ja ?
— Oui ?
— Le Clan des Shoof te manque-t-il parfois ?

Étonnée de cette question, la petite prend le temps de réfléchir un peu puis :

— Tu sais, je m'en suis longtemps ennuyée et j'ai regretté mon coup de tête de le quitter.
— Ah oui ?
— Oui, lorsque je me suis retrouvé dans la Caverne avec Virko et vous trois, je me sentais tellement petite et insignifiante. Je n'avais aucun talent, aucune particularité. Seulement cette nervosité, qui agite mes pieds et a bien failli nous ensevelir bien souvent ! Mais vous avez été mieux qu'un Clan pour moi : vous m'avez acceptée comme j'étais avec mes défauts et sans m'obliger à me fondre dans le groupe, comme le Clan l'exigerait. Val m'a aidé a me comprendre, Lenn a toujours été là pour me distraire de ma mélancolie et toi...
— Moi ?
— Toi, tu as toujours été là pour me protéger et me faire sentir importante, malgré tous mes défauts. Tu m'as soutenu quand je m'opposais à l'un de vous ou encore même quand j'affrontais la colère de Virko ! Pour moi, tu es mieux qu'un clan tout entier.
— Oh Ja, si tu savais comme il m'est facile de me sentir proche de toi et surtout de le vouloir ! Ta vivacité et ta sollicitude envers moi suffisent à me guérir. Car tu me réchauffes de ta présence comme rien dans tous ces royaumes ne peut le faire. Je me surprend souvent à souhaiter demeurer seul avec toi. Montrer au Clan comme il est bon d'apprendre à connaître une Shoof aussi bien que toi...

Xen se tait.  Ja se mord les joues et tient ses pieds bien tranquilles.  Finalement, en toussant un peu de poussière blanche, Xen se tourne résolument vers elle pour ajouter : 

— Je sais que c'est contraire aux habitudes de chez nous. Mais je constate que le Clan ne possédait pas toutes les vérités. C'est bien, doux et bon d'être près de toi comme cela.

Ja sent les puissants bras de Xen l'envelopper dans un cocon de douceur et de chaleur. Elle sent ses pieds qui s'agitent malgré elle. Xen la regarde avec un sourire en coin avant de poser une main rassurante sur sa jambe. Les pieds de la petite Shoof cessent immédiatement leur manège. Les yeux roses de Ja se font plus doux et merveilleux, invitant le petit guerrier à se rapprocher pour l'étreindre et l'embrasser avec tendresse.

♾♾♾♾♾♾♾♾♾♾

À l'horizon se lèvent en duo les deux autres Lunes, Mnga et Zeio. Leurs lumières, moins intenses que Jaïa, se joignent à celle de leur consœur pour éclairer le peuple prostré sur le sol blanc et stérile.

Soudain, à la limite du rassemblement des rescapés des Royaumes oubliés, Galenn et Kalya sont emportés dans une brume bleue qui les soulèvent dans le ciel pailleté d'étoiles.

Dans le silence de la nuit, l'enlèvement se fait dans un bruissement discret qui se confond avec les murmures et les ronflements de la petite assemblée exténuée et oubliée dans ce plateau aride.

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