- Assiez-toi, je t'en pris, lui proposa une voix après que le garde eut fermé la porte.
Hélène sursauta subrepticement et tourna la tête, pour apercevoir une femme, aussi rougeoyante et irréelle que l'homme qui l'avait accompagné jusqu'alors. Ses longs cheveux ébène étaient redressés en une coiffure très élaborée, au dessus de son visage de braise.
De toute manière, la jeune fille n'avait aucune autre alternative. Comme il lui avait été proposé, elle s'assit sur une chaise métallique, qui présentait de nombreux motifs forgés. Devant elle, le large bureau en pierre sombre et polie était parfaitement bien rangé. De fines ardoises noires étaient empilées dans un coin du meuble, et des tiges métallique s'alignaient devant la femme. Hélène n'osa pas se demander à quoi pouvait bien servir ces mystérieuses tiges de fer.
- Dis-moi, comment tu t'appelles ? demanda la femme d'un ton curieusement chaleureux.
- Hélène, bredouilla-t-elle, très étonnée du sourire accueillant de cette femme si effrayante au premier regard.
- Tu as un nom de famille ? Un deuxième prénom ?
- Oui, Hélène Marie Garden.
La femme à la peau rouge saisit alors l'une des tiges métalliques, ainsi qu'une des ardoises empilée, et se mit à écrire dessus, comme si la tige de fer n'était qu'une simple craie de calcaire. Hélène fronça les sourcils devant cette méthode d'écriture très particulière, mais ne dit rien.
- Ton âge, s'il te plait ? Date de naissance ?
- Quinze ans, presque seize. Je suis née le 17 mars 1998.
- Ville de naissance, d'habitation ?
- Je suis née à Paris, et j'habite à Bordeaux.
- Merci beaucoup. Est-ce que tu veux bien te lever, je dois te mesurer et te peser ?
La jeune fille s'exécuta, et fut dirigée vers une mince poutre verticale graduée, puis vers une balance très sophistiquée, dont Hélène ne parvint pas à définir le fonctionnement. Tout en gardant son sourire chaleureux, l'étrange femme lui posa à nouveau une multitude de questions et lui fit mille autres mesures, cependant jamais elle ne la toucha, jamais elle ne l'effleura.
*****
Hugo, de son côté, marchait sans un mot aux côtés du garde rouge. Sans prévenir, le garçon se retourna brusquement et cria :
- Là ! Derrière nous !
Aussitôt, le garde fit de même et tourna ainsi le dos à Hugo, qui ne perdit pas une seconde et détala aussi vite qu'il put, à travers les couloirs rouges et noirs.
- Tu n'iras pas loin ! menaça le garde en le poursuivant.
Boosté par l'adrénaline, le jeune garçon accéléra encore, puis bifurqua dans un second couloir, puis tourna encore plusieurs fois sans ralentir, et sans jamais se retourner. Il ne savait absolument pas à quelle distance de lui le garde se trouvait, mais il préférait ne pas vérifier afin de gagner le plus de temps possible.
Soudain, alors qu'il tourna une énième fois dans un des ces multiples couloirs, il s'immobilisa instantanément. Devant lui, la créature rouge.
- Je t'avais bien dit que je te rattraperais, ricana l'homme rouge en levant le bras.
Hugo devina alors qu'il brandissait une pierre rouge, semblable à celle qu'il avait utilisé dans les couloirs du lycée. S'attendant à voir apparaître un éclair rouge, le jeune garçon se plaqua au sol.
Il avait réussi. L'éclair rouge l'avait frôlé, mais pas touché.
Hélas, l'homme rouge ne perdit rien pour attendre. Avant même qu'Hugo n'ait eu le temps de se relever, un second éclair rouge jaillit et cette fois-ci, il frappa le jeune garçon en plein dans la poitrine.
Hugo poussa un gémissement. Il avait l'impression d'avoir été percuté par un projectile similaire à un boulet de canon. Le souffle coupé, les côtes douloureuses, il tenta de se relever, mais il se sentait perdre conscience petit à petit.
Il s'en voulu d'avoir été si imprudent. Évidemment, jamais il n'aurait eu la moindre chance de s'enfuir. Il aurait dû attendre une meilleure occupation... Il aurait dû, oui.
Ce fut les dernières pensées qui l'occupèrent avant de sombrer dans le néant.
*****
Hélène, perturbée, ne comprenait toujours rien à la situation. Où était-elle tombée ? D'où sortaient ces créatures étranges ? Pouvait-il réellement exister une telle espèce, à la peau rouge comme la braise et aux longues dents de vampires ? Pourtant, Hélène était bien obligée d'y croire.
Et surtout, pourquoi s'occupaient-ils d'elle ainsi ? Pourquoi l'avoir sauvée de l'incendie ? Hélène hésitait à poser la question. Elle s'imaginait mal déclarer "au fait, vous êtes réels ?" à cette femme qui était restée très accueillante depuis la début. Alors, après un grand moment de réflexion, elle se décida enfin à poser l'une des multiples questions qui lui tournait dans la tête :
- Excusez-moi, risqua-t-elle alors que la femme était occupée à écrire des informations sur sa plaque d'ardoise fine.
- Oui, quelque chose te dérange ? s'enquit la femme, toujours son sourire chaleureux aux lèvres.
- Je me demandais... Qui a mis le feu à notre lycée ? Et aux autres lycées ?
La créature posa alors son stylet de fer et expliqua :
- Tu as raison de poser cette question, Hélène. La situation est un peu compliquée. En réalité, nous ne sommes pas les seuls dans ce monde.
- Dans ce monde ? coupa Hélène. Excusez-moi, je ne voulez pas vous interrompre.
- Oh mais ce n'est pas grave ! C'est de ma faute, j'aurai du commencer par le début. Tu n'es pas précisément dans ton monde à toi. Tu es dans un lieu secret, inconnu de la population : un monde sous-terrain.
Hélène se trouverait donc sous terre ? D'un côté, cela expliquait la sensation de chute qui avait suivit son évanouissement lors de l'incendie. Mais d'un autre côté...
- C'est difficile à croire, dit-elle. La terre est fait de minéraux, de magma en fusion, qui expliquent tous les phénomènes sismiques et volcaniques. Il ne peut pas exister un monde sous la terre...
- Oui, c'est ce que tu as appris à l'école, et je ne peux pas te le reprocher. Mais pourtant, c'est comme ça, nous existons bel et bien, sous vos pieds depuis la nuit des temps.
En somme, c'était comme si Hélène se retrouvait dans un monde fantastique. Elle venait donc de débarquer dans un de ces mondes imaginaires qu'elle trouvait dans les livres et les films, à la seule différence que celui-ci était bien réel ! Ou bien était-elle simplement plongée dans un coma profond à la suite de l'incendie, suite auquel elle rêverait ?
- Je... il va me falloir du temps pour comprendre tout ça, avoua-t-elle.
- Ne t'en fais pas, cela est tout à fait normal. Le monde dans lequel tu es s'appelle Héméra. Cela vient du grec.
- Ca veut dire le jour, se souvint la jeune fille. Je l'ai appris en cours, c'est le modèle de la première déclinaison et.. non peu importe. Pourquoi un nom grec ?
- Car les grecs sont les premiers de votre monde à avoir mis les pieds chez nous. A l'époque, nous n'avions jamais songé à nommé notre pays, dans la mesure ou nous nous croyons seuls dans l'univers. Mais les grecs nous ont apporté tant d'informations sur l'extérieur ! Bien sûr, nos ancêtres ont transcrit tout ce que les grecs leur avaient appris, mais hélas nous rêvons d'en découvrir encore plus sur cette magnifique civilisation.
La jeune fille éprouvait décidément de plus en plus d'empathie pour cette femme passionnée de grèce antique, tout comme Hélène l'était.
- Et... quel lien avec l'incendie ? finit-elle par demander, bien que de multiples autres questions lui venaitent à l'esprit.
Par exemple, Hélène mourrait d'envie de savoir si quels grecs étaient venus dans ce monde. Platon, Socrate connaissaient-ils ce monde ? Ou bien est-ce que cela datait d'un époque encore plus ancienne, comme le siècle d'Homère ou d'Hésope ? La jeune fille fit rapidement le lien avec la mythologie. La légende des enfers...
- Pour les incendies, c'est plus compliqué, avoua la femme. Mais je vais quand même tacher de l'expliquer...