Inès (la bête)
Je n'ai pas rêvé ? Il m'a bien dit qu'il me trouvait belle à visage découvert ? Plus j'y pense et plus j'ai l'impression que tout cela n'est pas réel, et pourtant si, je n'ai tout de même pas tout inventé !
Abel peut être très charmant, il n'y a pas de doute. Mais il peut également être quelqu'un de détestable par moment. Il ne connaît pas les limites à ne pas franchir. Il dit ce qu'il pense, sans réfléchir aux conséquences. Voilà qui est Abel Faro, un homme génial avec ses failles.
J'ai beau me remémorer toute notre conversation, je ne vois aucun signe qui puisse trahir Abel. Il m'a parut très sincère. Alors, c'est sûr, il me trouve jolie !
Je ne peux effacer mon sourire béat de mon visage, mais je ne dois pas m'exalter trop vite, car c'est certain, même s'il me trouve ravissante, il ne veut pas de moi. Il ne désire qu'une seule chose, être mon ami... Est-il encore en train de jouer avec mes sentiments ? Pour faire plaisir à son paternel ? J'espère que non !
— Inès ? Tu es où ? apparaît Lili à la porte de ma salle de bain.
Elle me regarde stupéfaite. Mais de quoi, je l'ignore ? Puis elle tente, tout en bafouillant énormément, de dire quelques mots, que j'ai franchement du mal à comprendre.
— Tu... t'es... mon...tré... tou...te... nue...
— Quoi ?
— Tu lui as montré ton vrai visage ? se reprend t-elle plus sérieusement.
— Oui !
— Et c'est à ce moment là qu'il a encore fuit, c'est ça ?
— Non ! Pourquoi tu dis ça ?
Vous allez voir que monsieur le Don Juan a encore fait des siennes...
— Tu es ici toute seule, au lieu d'être avec nous...
— Ah non ! je la coupe dans son cheminement. Je suis restée ici pour me refaire une beauté.
Je regarde l'heure et m'aperçois qu'il est déjà tard. Que j'ai passé plus de temps dans cette salle de bain qu'avec les convives. Liliana s'accoude au mur libre près du meuble vasque et me regarde comme si elle voulait me sermonner. Puis pendant que je m'étale de la crème sur le visage, elle me sort ou plus précisément me réprimande :
— Il te faut près d'une demi-heure pour te mettre du fond de teint ? J'ignorais que ta crème miracle était si longue à sécher. D'ailleurs pourquoi tu ne l'as pas encore sur la figure ?
— J'étais dans mes pensées... Il me trouve jolie ! je débite comme une adolescente de quinze ans.
— Ça je le savais déjà, qu'il te trouvait à son goût. Dis-moi plutôt ce que j'ignore ?
— Tu n'y es pas ! Même avec mes cicatrices, il me trouve...
— Oui ! me stoppe t-elle en plein milieu de ma phrase. Tes marques n'ont jamais fait peur à personne, sauf à toi ! Pourquoi tu ne descends pas ainsi ? Tout le monde sait à présent comment tu es, tu n'as plus de raison de te cacher !
— Je ne me cache pas !
C'est seulement un moyen pour moi de me trouver belle. Je ne vois pas où est le mal ? Elle aussi met ses atouts en valeur, et quels atouts ! Ma sœur est une bombe atomique !
— Inès, tu es ravissante en toutes circonstances, avec ou sans camouflage ! atteste t-elle en lisant en moi comme dans un livre.
— Dis celle qui est obnubilée par le paraître ! je me défends comme je peux.
— Oui, peut-être... Mais je me soigne ! Tu ne devrais pas devenir une autre moi, car ce n'est pas vivable ! Je passe plus d'une heure devant le miroir chaque jour, et le même temps devant ma penderie avant de me décider à prendre une tenue pour la journée. C'est ce que tu veux ?
Elle exagère comme toujours ! Liliana est très coquette, c'est une certitude. Elle aime plaire et elle adore qu'on la remarque, tout l'inverse de moi. Mais de là, à passer, tout son temps libre à se pomponner, ça non ! Elle fait ça à une allure que moi-même je n'arrive pas à la suivre.
— Tu sais que je ne suis pas comme toi, mais j'ai envie et je crois que c'est important, de me sentir attirante pour une fois.
— Dis plutôt, que tu cherches à séduire un mâle ?
— Non ! Ce n'est pas le cas ! Il veut qu'on reste de simples amis !
Et même si c'était le cas, j'ai bien droit de faire en sorte que ma vie m'apporte ce dont j'ai envie, non ?
Mais dans le cas présent, je ne veux que plaire à moi-même, et si Abel est sous le charme tant mieux, je n'en serais que ravie. Mais que les choses soient bien claires, je ne me maquille pas pour lui, mais simplement pour moi, pour mon bien-être. Ce que les autres peuvent en penser, ça ne me regarde plus ! Abel a entièrement raison lorsqu'il dit, qu'on doit être ce qu'on est et non ce que les autres aimeraient qu'on soit.
Je suis Inès Martins, une belle femme, qui n'a pas été épargnée par la vie, qui n'a pas eu beaucoup de chance non plus, mais cela va changer ! J'aime la vie, j'aime rire aux éclats, j'aime m'amuser, j'aimerais voyager, parcourir le monde et surtout faire tout ce que je m'interdisais jusqu'à aujourd'hui, vivre quoi ! Il est temps que j'assume mes envies et mes rêves. Ce que les gens pensent de moi, ne doit plus m'affecter ! Qu'ils aillent au Diable !
— Et qu'est-ce que tu veux toi ?
— Moi ? Vivre ! je sors comme si cela venait du plus profond de moi, que ma sœur tressaillie, mais je poursuis. Je veux arrêter de me mettre des barrières et vivre enfin ! Si Abel veut faire partie de ma vie, il ne tient qu'à lui, mais si ce n'est pas le cas, tant pis pour lui ! Je ne vais pas lui courir après !
— Qu'avez-vous fait de ma grande sœur ?
— Lili, je suis prête à aller de l'avant ! Tu devrais être contente pour moi ?
— Je le suis ! Même très heureuse ! Si tu savais depuis combien de temps, j'espérais que tu te réveilles enfin. Je suis juste surprise, c'est tout ! Qu'est-ce qui t'a fait changer du tout au tout ?
— Je ne saurais le dire... Je crois que j'ai eu un déclic, mais comment il est parvenu jusqu'à moi, je n'en sais rien ! Je sais seulement qu'il est temps pour moi de voler de mes propres ailes, sans avoir peur des regards des autres !
— Je suis ravie ! Je suis très fière de toi ! Mais attends ! Tu ne vas pas quitter l'entreprise familiale ? Papa compte sur toi !
— Non ! Mais j'ai l'intention de m'affirmer aux yeux de tous nos collaborateurs ! Je ne me cacherais plus dans mon minuscule bureau !
J'ignore comment m'est venue cette soudaine envie de me dévoiler, d'être moi, mais j'adore ce que je suis en train de devenir et pourtant je n'ai encore rien fait ... Mais l'optimisme qui règne en moi me donne des ailes. J'espère que ce revirement va durer dans le temps et ne pas flancher à la moindre première petite secousse.
— Tu fais bien ! Je suis de tout cœur avec toi !
— Maintenant si tu le veux bien, j'aimerais finir de me préparer afin de vous rejoindre en bas. Je ne vais tout de même pas passer tout le réveillon de Noël enfermée dans cette salle de bain !
Elle me sourit, me scrute, me sourit à nouveau et prend la direction de la porte avant de se rétracter. Elle revient sur ses pas, et m'enlace de ses bras.
— Je t'aime Inès ! Je suis si heureuse pour toi, tu ne peux pas l'imaginer ! dit-elle avec beaucoup d'émotion dans la voix.
— Je t'aime aussi soeurette ! Mais si tu continues, je ne serai jamais prête et je vais finir par passer le réveillon ici dans ce lieu plutôt étrange pour un Noël, je l'avertie avant que les larmes me viennent aux yeux.
— Oui ! Oui ! J'y vais ! Mais sache, que je suis très fière de toi !
— Et moi de toi !
Ma sœur est quelqu'un de formidable. Je l'adore ! Elle est tout pour moi. Je ferais n'importe quoi pour elle et je sais pertinemment qu'elle ferait de même pour moi. Mais là, il serait temps qu'elle disparaisse d'ici. Car je ne peux plus contenir mon émotion. Et elle non plus, à ce que je vois.
Elle me regarde encore avec beaucoup d'intensité et laisse échapper quelques larmes, m'embrasse sur le front comme une mère le ferait avant de quitter la pièce, me laissant seule, troublée par ce moment de complicité.
Remuée par tant de sentiments, je ne parviens pas à contenir mes larmes. Je suis tellement retournée, que je n'arrive plus à m'arrêter de pleurer, pas de chagrin, non, mais de soulagement. Je vais enfin pouvoir vivre ma vie comme je l'entends !
Publié le mercredi 18 septembre 2019