Galenn - Le chemin des Pierres

By GaiaNovae

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Galenn est un mercenaire, un guerrier sans scrupule des Royaumes connus et inconnus, qui ne connaît pas la p... More

Chapitre 1 - L'Homme Bleu
Chapitre 2 - Leylias la Breïss
Chapitre 3 - L'Ours
Chapitre 4 - La Caverne
Chapitre 5 - Ja
Chapitre 6 - Le Tunnel
Chapitre 7 - Les Bayous
Chapitre 8 - L'Envol
Chapitre 9 - L'origine
Chapitre 10 - Là Haut
Chapitre 11 - Trivodi
Chapitre 12 - Capitaine Kalya Min Biggor
Chapitre 14 - Le Guerrier
Chapitre 15 - Le Géant et l'Auditrice des Mers
Chapitre 16 - Kalya
Chapitre 17 - Le Sort
Chapitre 18 - La Falaise Rouge
Chapitre 19 - Le Désert
CHAPITRE 20 - Le Pilier
Chapitre 21 - La Cicatrice
CHAPITRE 22 - Les Destriers
CHAPITRE 23 - La Falaise blanche
CHAPITRE 24 - Le Cristal
CHAPITRE 25 - Le Prince
Chapitre 26 - Dame Tarra
Chapitre 27 - Handkili
CHAPITRE 28 - La Bulle
Chapitre 29 - La génération oubliée

Chapitre 13 - Le Géant

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By GaiaNovae

C'est sur le roulis des eaux du large que les cinq compagnons se réveillent alors que les membres d'équipage autour d'eux s'activent et se préparent à prendre le quart suivant, celui du matin.

Dans leur hamac, près de celui de Galenn, les Shoof ont dormi les uns entremêlés aux autres dès qu'ils ont gagné la hauteur de ce lit berçant, après une soirée à manger et écouter toutes les histoires des marins du bord. Étrangement, les créatures des cavernes s'acclimatent plutôt bien à la vie en mer. Peut être un effet de se retrouver en groupe, comme un clan, dans une endroit restreint, comme une caverne. La soirée ne s'est pas déroulée de la même manière pour Galenn.

Après le bon repas, alors que la Géant prenait le large au soleil couchant, le guerrier bronzé est devenu d'autant pâle que la houle grandissait.  Les houblards des mers l'on vu venir et se sont amusés à ses dépens, osant proposer qui, un verre d'eau de vie, qui, une autre assiette dégoulinante de sauce bien grasse.  Rapidement, le teint de Galenn a tourné à un vert pâlotte, et le jeune homme n'a eu le temps que de se précipiter, sous l'hilarité de l'équipage, la tête par-dessus bord, pour rendre son repas aux poissons ! Par la suite, le guerrier au teint rendu pâle, est resté éloigné de la table, ne pouvant pas soutenir l'arôme du repas, de l'eau de vie ou du tabac fumé dans des pipes de pierres de mousse.  Heureusement, Lenn s'est ensuite empressé de fouiller dans son sac où il en a extirpé une poussière d'herbe qu'il a soufflé dans les narines du jeune homme agonisant ses entrailles. Ensuite, des marins compatissants ont porté Galenn jusqu'à son hamac où le jeune guerrier s'est blotti avec un soulagement non dissimulé. Il n'a pas tardé à dormir.  Lenn lui a administré de sa poussière deux fois durant la nuit, dès qu'il l'entendait gémir. Pour Galenn, cette nuit difficile lui a permis de découvrir qu'il n'avait pas le pied marin. C'est donc, l'esprit quelque peu barbouillé qu'il se lève, tresse ses cheveux et enfile ses bottes.

—    Je monte sur le pont, dit-il vers ses compagnons. Rejoignez-moi quand vous aurez mangé.
—    Toujours le mal de mer, Galenn ?
—    Ne m'en parle pas Lenn, répond le guerrier très pâle, ta poussière a fait effet mais je n'ai pas encore faim. 

Sans un mot, le petit Mage s'approche et grimpe sur l'épaule du guerrier.

— Tourne la tête vers moi.
— Lenn ! Tu crois que c'est nécessaire ? se plaint Galenn. Cela laisse un arrière goût, tu sais ?
— Si j'en crois ton teint : oui, une dose finale agrémentée de quelques pincées de mon cru, te redonneront des couleurs. Allez ! Regarde-moi : Galenn le verdâtre !

Le jeune homme tourne la tête vers le petit Shoof en fermant bien les yeux – et la bouche. voyant cela, Xen saute et donne un coup de poing dans l'estomac de l'humain. Galenn inspire fortement pour protester mais se retrouve enfumé de la poussière soufflé par Lenn.

Le guerrier se retrouve à genoux, cherchant son souffle. Lenn s'est éloigné d'un bon, en se secouant les mains de satisfaction.

— Voilà ! Tu vas reprendre tes forces.

Galenn ne dit rien, les yeux larmoyants, toussant et se frottant le nez et les joues avec force.

— C'est du joli ça ! reproche Ja. Virko ne pas appris les bonnes manières ?
— Oui, c'est ainsi qu'il faisait, proteste le petit Shoof un peu déçu.
— Rappelle-moi de ne jamais avoir le mal des vagues en ta présence, déclare Xen.

L'homme redresse son regard vers Lenn, qui recule un peu face à la rudesse qui s'en dégage un instant.

— Je t'assure, Galenn ! C'est ainsi qu'il m'a montré.

Face à la peur qui déforme les traits du petit Mage, Galenn reprends un contrôle de son attitude. Il ferme les yeux et lève un main apaisante vers le Shoof qui s'est éloigné de lui.

Je dois me calmer. Lenn m'a aidé et toujours il a su faire ce qu'il fallait. Peu importe la manière qu'il l'a fait. Au fond, ses satanés poudres marchent !

—    Va voir le soleil levant, lui dit Val, cela devrait t'inspirer un peu de calme.
—    Bonne idée, souffle le jeune homme dont les tatouages ont encore une teinte rosée. À tantôt.

Il prend la direction du pont, puis laisse tomber vers Lenn :

— Merci Petit Mage.

Les Shoof entourent Lenn pour le calmer et le rassurer. Parfois, ils oublient la grandeur et la force de Galenn. Son statut de blessé dans la caverne est du passé. Maintenant, le Guerrier les domine en tous points.

Lorsqu'il monte doucement par l'écoutille, Galenn distingue la voix flûtée de Ja qui affirme à ses compagnons :

— Jamais il ne nous fera du mal, j'en suis sûre. Faites-moi confiance. Il est grand et a beaucoup souffert, c'est tout.

Galenn reste interdit un instant en entendant cela. La confiance de la plus petite des Shoof le touche et il se promet de faire davantage attention à ses vieux réflexes de guerrier sans peur. Il n'est plus sur un champ de bataille. Ce sont des amis.

Des amis, quelle drôle d'idée : nouvelle et incompatible avec ma vie... enfin mon ancienne vie.

Il secoue la tête et arrive sur le pont. Il éprouve encore des difficultés à coordonner ses mouvements avec ceux de la houle qui fait tanguer le navire.  Il fait de petites pauses dans ses déplacement, tentant de reprendre possession de son corps et de son cœur. Les marins, eux, se déplacent tout naturellement dans ce balancement continuel. Galenn, qui leur a montré toute sa grâce naturelle la veille, reçoit de petites tapes sur l'épaule ou aperçoit quelques sourires tout aussi moqueurs qu'encourageants sur son passage.

Comment se rendre sympathique à une bande de marins !  Me voici la mascotte du plat bord !

Finalement, il se retrouve près de l'avant du bateau. La proue monte et descend en cadence avec les vagues.  Galenn étire son regard et cherche l'horizon, comme on lui disait de le faire hier, mais il faisait noir lors de l'appareillage... il en perdait la fameuse ligne d'horizon. Mais ce matin, il fixe l'horizon et constate en effet que, de concert avec l'action de la substance que Lenn lui a soufflée, il se sent un peu mieux. Il devra penser à remercier le Shoof qu'il a transpercé impitoyablement de ses yeux tantôt.

Le bateau est un très grand trois mats, qui défie le ciel et les vagues. Il les fend comme si elles étaient faites de poudre d'eau ! De chaque coté de la figure de proue, représentant une créature des mers aux longs cheveux, avec une physionomie masculine qui regarde au loin avec détermination, Galenn respire pour la première fois à pleins poumons depuis la veille. En se tenant près de la proue, il reçoit la bruine de la mer, ce qui achève de le réveiller et de lui éclaircir les idées.

Il revient vers l'arrière du Géant et se décide à donner de l'aide aux matelots qui sont en train de nettoyer les lanternes qui sont restés allumées toutes la nuit. Il s'assoit auprès d'eux et le fait de s'occuper les mains l'aide aussi à oublier les résidus de son malaise.

Ensuite, il va vers l'arrière du navire et se retrouve auprès de la barre de direction, tenue par le second, Mikral le Barbu. Ils se sont rencontrés la veille lors du souper de  l'équipage du bateau, avant que l'estomac de Galenn ne se fasse tirailler par la haute mer. Le jeune guerrier a grandement apprécié l'attitude calme et ordonnée de Mikral, ce vieux loup de mer à la face burinée par le vent et le soleil.

—    Comment te sens-tu ce matin Galenn de l'Autre côté ? lui lance Mikral d'une voix forte afin de couvrir le bruit du vent, des vagues et des gréements qui grincent.
—    Mieux, Second maître Mikral, merci. 
—    Tant mieux moussaillon !  Tu devrais être de mieux en mieux dans la journée. Surtout que la mer va se calmer lorsque nous atteindrons le miroir.
—    Le miroir ?
—    Oui, tous les bateaux s'y font prendre, comme nous lors de nos voyages précédents. C'est une section de l'océan qui est toujours aussi lisse qu'un miroir. Tu vas te sentir à l'aise dans cette étendue de calme.  Même la mer est silencieuse, tu vas voir, c'est assez impressionnant.
—    Mais le bateau va s'immobiliser ! s'inquiète Galenn. Nous serons pris dans un piège, immobilisé sur place !
—    En effet. 
—    Mais ? questionne Galenn, surpris par le manque d'inquiétude de l'homme.
—    Héhé, petit, tu devrais voir ta mine ! rigole le vieux marin. Mais, ne t'en fais pas, les vagues reprennent parfois, dès le soir venu.
—    Toute une journée de perdue à faire du sur place...
—    Oui, si ce n'était de la Capitaine, ce serait le cas.
—    Et que fait la Capitaine Kalya Min Biggor pour sortir un bateau d'un tel tonnage de ce miroir ?
—    Tu verras ! déclare le marin avec un clin d'œil.  Tu verras !

Un silence se fait pendant une manœuvre de Mikral pour redresser la barre et replacer le bateau perpendiculaire à la prochaine montée de vagues. Les voiles claquent un peu puis se gonflent comme de grandes collines, tirant sur les gréements qui grincent sous la force des éléments

—    Cela fait longtemps que tu navigues avec la Capitaine Kalya ?
—    Hum... je dirais environ 5 saisons, réfléchit Mikral. Sur ce rafiot au nom évocateur. Rien ne l'arrête. Et je parle du bateau et de sa Capitaine !
—    Tu es déjà allé sur l'autre continent ?
—    Nous faisons ce voyage au moins deux à trois fois par belle saison, car les mers ne sont pas toujours clémentes dans cet océan. Ce n'est pas facile non plus d'aborder le continent sans se faire repérer.
—    Se faire repérer ? questionne Galenn intrigué.
—    En fait, ceux de l'autre Côté n'aiment pas que nous venions sur leurs terres.
—    Ah non ?
—    Tu ne le savais pas ? s'étonne le vieux marin. Pourtant, tu viens de là. Tu devrais le savoir. Il est même souvent difficile de quitter le continent sans attiser la colère de ceux qui le gardent.
—    Je dois t'avouer que je n'ai pas eu vraiment connaissance de mon voyage lorsque j'en suis parti, explique Galenn avec malaise.
—    Un oubli, constate le second avec une moue de compréhension.
—    Un oubli ?
—    Ben oui, comme beaucoup de gens de là bas, tu dois souffrir de pertes de mémoires.
—    Non, pas vraiment, répond Galenn indécis.

Le second Maître prend une pause, sort sa pipe de sa poche, la bourre et l'allume à une lampe accrochée près de lui avec un petit bout de bois. Puis, il tire une grande bouffée de fumée bleutée qui embaume l'air de ses saveurs sucrées.  Il observe Galenn avec une certaine dose, soit de suspicion, soit de compassion. Durant l'examen du vieil homme, le jeune homme se sent mal à l'aise sous le regard clair qui le scrute sous les épais sourcils blancs. Le vieux Mikral coince sa pipe au coin de sa bouche et lance un œil interrogateur au jeunot :

—    Tu es franchement assez particulier, Galenn, l'homme qui trimballe une dague et une épée à son coté, une peau cuite au soleil et des tatouages inconnus sur le visage. Tu ne m'as pas rassasié de ton histoire hier soir. Tu as été vague sur ta vie là bas... et ce matin, tu me démontres que tu ne sais pas que les gens de ton pays sont connus pour perdre la mémoire facilement, surtout quand ils le quittent. Au moins cela, on ne l'oublie pas. On le pleure au contraire.
—    Je dois être l'exception.
—    Impossible, même elle... est comme ça.
—    Qui «elle » ?
—    ...
—    Qui ? insiste Galenn qui l'instant d'après comprend... la Capitaine ?
—    Oublie ce que j'ai dit. Elle n'aimera pas.
—    Trop tard, riposte le jeune guerrier. Kalya Min Biggor vient donc des Cinq Royaumes.
—    De quels Royaumes parles-tu ? riposte Mikral avec un ton bourru. C'est un continent où il n'y a rien. Le vide, le néant. Je ne comprends même pas pourquoi tu veux y aller. Oui, il semble y avoir des gens qui veulent nous empêcher d'entrer dans les terres, ils nous attaquent dès que l'on y va trop loin.
—    Mais alors, pourquoi y allez-vous ?
—    Pour profiter de ses richesses et aussi faire des échanges avec les petits villages.
—    Tu en as visité des villages, demande Galeen en pensant à celui que Leylias la Breïss a protégé au mépris de sa vie. 
—    Non, ce sont des représentants des villages qui viennent vers nous. À la longue, nous revenons à chaque fois et ils sont de plus en plus nombreux à venir pour échanger avec nous. Il y a toujours un grand guerrier qui accompagne chaque délégation du village. Un peu comme...
—    Un Breïss, complète Galenn sous l'œil surpris de Mikral. C'est ainsi que l'on nomme la personne qui protège un village, homme ou femme.
—    Il me semble avoir entendu ta petite amie aux yeux roses t'appeler ainsi, hier soir, « Galeen la Breïss ».
—    Oui, elle a entendu cette histoire... elle aussi, j'imagine, répond Galenn mal à l'aise. Mais, c'est faux. Je ne suis le Breïss de personne.
—    Et les Cinq Royaumes dans cette histoire ? Que sont-ils ?
—    Tu ne les connais pas ?
—    Non, je te l'ai dit,  il n'y a rien là bas pour faire un royaume. Des falaises, des plaines, du vide. Seulement des petits villages. Ils ont des ressources précieuses mais peu de nourriture. La végétation est rare et les gens ont faim. Ça, c'est quand ils n'ont pas perdus complètement leur conscience.
— Leur conscience ?
— Oui tiens ! Tu me fais un peu penser à eux. Ceux qui errent le long des falaises : plus de mémoire, comme toi et la Ca... ! Mais eux, c'est pire, ils ne savent même plus qui ils sont !

Galenn réfléchit. Là d'où il vient, les gens n'étaient pas comme cela. Il le sait. Il y a si peu de temps, il combattait dans ces Royaumes, dans ces terres. Se dirigent-ils vraiment vers le bon continent ?

Lorsqu'il vient pour poser la question au vieux marin, il le voit qui change de visage, alors que le navire ralentit et que le tangage s'éteint doucement. Le bateau glisse un long moment sur sa lancée. À bord, les marins se sont tous interrompus dans leurs activités pour observer le phénomène, pourtant connu et vu pour la plupart et entendu pour d'autres.

—    Le miroir ? interroge à voix haute Galenn.
—    En effet, gamin. Je te présente le phénomène inexpliqué qui a longtemps interdit toute approche de ce continent dont tu dis venir : Le miroir. Il a découragé nombre de navires qui ont fait demi tour devant ce mur de tranquilité, cette absence de vague et de vent. C'est aussi plat que la mort. Et les marins détestent cela.
—    Mais tu as dit que le tout reprenait le soir.
—    En général, oui...

Comment cela en général...

—    Mais, tu m'as dit tantôt...
—    Oui, j'ai dit cela tantôt. Mais parfois, on y reste dans ce miroir... des jours, des semaines !
—    Tu m'a donc dit un...
—    ...mensonge ? Demi vérité ? répond brusquement Mikral en roulant des yeux tout en rempochant sa pipe éteinte.
—    Mais...
—    Et toi Galenn ? Combien de demie vérités vas-tu encore nous dire ?

La voix du second Maître se répercute sur l'eau, semblant prendre une ampleur irréelle. Tout l'équipage a entendu et en particulier la Capitaine Kalya Min Biggor qui sort à l'instant de ses quartiers, en pantalon et chemise de toile pâle, avec seulement son bâton à la main.

—    Un soucis Maître Mikral ?
—    C'est ce petit Ma Dame : il cache des vérités. 
—    Et nous n'aimons pas cela ? N'est-ce pas ?
—    Mais je ne mens pas ! assure Galenn face à la Capitaine et son second. Je viens de l'autre continent. Des Cinq Royaumes.
—    De quoi parles-tu !  Hier, il n'en était pas question.
—    Je croyais que vous saviez.
—    Savoir quoi ?
—    Pour... l'endroit d'où je viens, bredouille Galenn.

Du coin de l'œil, il voit deux marins à gros bras qui se dirigent vers lui, l'air austère et surtout hostile. 

—    Peut-être n'allons nous pas vers le bon continent, avance d'une voix grave le jeune homme qui cherche une explication.

Sans s'en rendre compte, sa main s'est portée sur sa dague.

—    Il y en aurait un autre ! s'exclame la Capitaine. As-tu déjà navigué Galenn de nulle part ?
—    Mais je viens de là ! De la même place que vous... vous devez...
—    Silence !  Amenez-le moi dans mes quartiers. Maître Mikral, fait cesser les préparatifs pour l'arrimage.  Je crois que Galenn de nulle part ne m'a pas tout dit sur l'endroit où il voulait aller.  On doit parler, lui et moi.
—    Oui, Capitaine.

Les deux marins sautent sur Galenn qui se débat un instant. Mais, prestement, on le désarme et ils prennent Galenn par les bras pour le diriger vers les quartiers de la Capitaine. Galenn tente de protester mais la Capitaine le toise, les bras croisés, à coté de son second. sous le regard inflexible, le guerrier décide de se laisser emporter vers la discussion proposée par la Capitaine.

En quittant la barre, Kalya murmure vers le Barbu :

— Je t'avais dit de te taire là dessus, Mik ! grogne-t-elle.
— Capitaine, mais il vient de là-bas et n'a pas oublié...
— On verra.  Rejoins-nous.

Mikral opine de la tête alors que la porte des quartiers de la Capitaine s'ouvre et que Galenn y est conduit promptement.
À sa suite, la Capitaine Kalya s'y engouffre d'un pas sec et se dirige vers son bureau où est étalée une carte des lieux, Mers et continents, sur laquelle on retrouve pleins d'annotations à la main.  Galenn vient pour s'y pencher mais la Capitaine le repousse et l'oblige à s'assoir dans un fauteuil. Puis elle pointe vers lui son bâton :

—    Voilà une carte que tu pourras consulter quand mon second te l'autorisera. Il y travaille depuis plus longtemps que moi !

La porte s'ouvre et le second entre, suivit d'un marin qui pousse devant lui les Shoof. Les quatre petits n'en mènent pas large.

—    Galenn ? fait Xen.
—    Un malentendu, ne vous en faites pas, rassure le jeune homme alors que la porte se referme sur le marin.

Mikral désigne un banc pour les Shoof, qui s'y regroupent, sans un mot. Mikral va ensuite vers la table et pointe avec la dague de Galenn des endroits sur la carte :

—    De ce côté-ci du monde, il n'y a que ce continent. J'en ai la certitude. Tu dis venir de là.  Mais nos descriptions divergent.  Alors, qui a raison : toi ou moi ? Je l'affirme : ce continent est vide ou presque. Oui, une dynastie invisible existe, qui le protège et ne nous laisse faire que des échanges très restreints avec les villages, sur des plages ou des baies désignées. Sinon, ils nous attaquent et nous massacrent.
—    C'est impossible... je le saurais.

J'aurais été de ceux qui massacrent. 

—    Alors, où sont ces Cinq Royaumes dont tu parles ?
—    Et surtout comment en as-tu souvenir ? demande la Capitaine en lui pointant encore son bâton sur la poitrine. Je viens de ce continent. Et au moment où on m'a rescapé sur une barge à la dérive, je ne savais plus rien de mes origines. De tout ce que mes yeux ont vu avant, je n'avais et n'ai plus aucun souvenir.
—    Il y a un autre continent plus loin... hasarde Galenn.
—    Non, réplique Mikral.  Plus loin on revient sur le continent de tes petits Shoof, sur mon monde à moi. 
—    La seule explication plausible est que nous venons du même monde Galenn, fait Kalya, sauf que toi, tu n'as rien oublié. Et je veux savoir pourquoi. Pour savoir d'où je viens et pourquoi ma mémoire est comme cette mer et mes yeux aveugles.  Ou sinon, c'est que tu nous ment !

Et moi aussi je veux savoir mes vrais origines, voudrait lui dire Galenn. Il jette un œil aux Shoof.  Ja tape du pied, Val le regarde inquiète, Lenn réfléchit et Xen serre les poings. Puis, il se retourne vers la Capitaine dont les yeux sont un abysse de tristesse et de rage. Il comprend ce qu'elle ressent, de ne pas savoir qui on est vraiment.

—    Je ne mens pas et ne veux pas mentir, commence le jeune guerrier bronzé doucement.  Cependant, mon histoire est différente de ce que vous connaissez du continent plus loin. Il va vous falloir m'écouter, puis nous verrons à nous entendre sur les gestes à poser ensuite.
—  Tu espères t'entendre avec moi sur les gestes à poser ?  Soit honnête Galenn de là bas...   Je te le suggères fortement... pour toi et tes amis, grogne la Capitaine en s'assoyant. Sinon, le miroir pourrait durer longtemps pour vous. 

La menace est réelle, le guerrier le sait. Alors qu'il rassemble ses idées, ses yeux clairs se portent vers les hautes fenêtres du quartier maître du Géant. Autour du navire, on ne voit que la ligne plate de la mer qui se perd dans l'horizon du ciel. Une réflexion sur une réflexion.

Un miroir bleu.

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