— Allez Galenn ! Encore un effort et nous serons rendus...
— ... à mi-chemin, complète l'homme, suspendu contre le mur rocheux, le souffle court et les bras en feu.
— Il y a une corniche un peu plus haut à ta gauche, l'informe Xen, qui les devance. Viens Lenn ! Tu traînes !
— C'est vrai ça, ajoute Ja qui virevolte sur le mur avec Val, comme deux petites danseuses aériennes.
— Ja, souffle le guerrier en se concentrant sur la paroi devant ses mains au lieu de regarder l'agitation de la petite Shoof, cesse de t'agiter comme cela, tu m'étourdis... et en fait... je t'avoue que je n'aime pas beaucoup les hauteurs. J'ai appris à me contrôler, mais il y a des limites à ne pas dépasser.
Ja jette un œil inquiet vers Xen :
— Galenn n'aime pas les hauteurs, tu entends Xen ?
— Mais nous avons déjà fait un bon bout de chemin. Continuons, tranche Xen avec un regard noir vers Ja.
— Je peux t'aider ou c'est volontaire ta lenteur petit Shoof ? ricane Val vers Lenn.
— Non ça va, je vais me reposer sur la corniche bientôt, les informe Lenn.
Mais on entend dans sa voix qu'il peine à garder le rythme. Il est d'ailleurs derrière Galenn.
Ils parviennent enfin à la corniche. Une bien petite corniche, pense Galenn. Mais suffisante pour qu'il s'y repose un peu. Xen, Ja et Val sont impatients de continuer. Lenn s'assoit près du guerrier avec un grand soupir. Il dépose devant lui un petit sac que Virko porte habituellement à la ceinture et que le petit Shoof a harnaché comme un sac à dos. Un bien gros sac à dos pour un Shoof.
— Voilà donc ce qui te retarde, Lenn ! dit Val. Pourquoi t'encombrer de cela ?
— Parle pour toi ! réplique Len, son regard vert lançant quelques éclairs vers Val. C'est comme les parchemins que tu as placé dans ton propre sac, hein ?
— Mais le sac de Val ne semble pas aussi lourd, constate Xen. Tu veux que je le prenne un peu pour toi ?
— Non, toi tu auras à creuser plus haut pour permettre à Galenn de passer, alors garde ton énergie.
— Moi, je me proposerais bien, mais je vois déjà qu'il sera trop lourd pour moi, remarque Ja. Mais qu'as-tu là-dedans qui mérite autant d'efforts ? Je reconnais la sacoche de Virko, mais je n'ai jamais su ce qu'elle contenait.
Lenn les regarde tour à tour. Réfléchis un peu, puis avoue, un peu piteux :
— Savez-vous quoi ? Moi aussi j'ignore ce que contient ce sac.
Les Shoof rigolent doucement en lui tapant dans le dos.
— Riez ! Riez ! Mais Virko m'a fait promettre que si jamais nous avions à quitter la caverne, je devais lui rappeler de ne pas l'oublier. Mais, il n'est pas là et nous quittons la caverne. Alors, je m'en charge.
— Mais qu'y a-t-il dedans ? demande Galenn, vous pourriez partager la charge ou encore, je pourrais la prendre au complet.
— Je ne peux pas l'ouvrir, la pochette est scellée. Une magie à la Virkonishev ! Mais, je lui ai promis de m'en occuper. Donc, je garde cette tâche.
— Alors, je te porterai, dit Galenn.
— Tu peines déjà à te monter dans le tunnel, le Grand ! réplique Lenn un peu vexé. N'y pense même pas.
— Toi qui étudiais la magie avec le Géant, remarque Xen, tu n'as pas appris un sort pour l'alléger ?
— J'y ai pensé, mais la magie ne l'atteint pas.
— À quoi bon la garder si jamais Virko est...
— Non ! crie Ja, les yeux brillants de détermination . Je t'interdis de dire quoi que ce soit comme ça, Val ! Nous allons retrouver notre géant. Allez ! Xen et Val, nous prenons les devants pour agrandir le tunnel ! Galenn et Lenn, gardez la gauche, nous creuserons à droite. Évitez les morceaux qui tombent.
Les Shoof opinent de la tête et sans un mot de plus, Ja-la-tout-petite recommence la grimpée. Son ton autoritaire a surpris Galenn mais ne semble pas perturber plus qu'il ne faut ses camarades. Sans un mot, Val et Xen quittent la corniche pour rejoindre Ja.
Lenn jette un œil vers le guerrier qui replace son épée dans son dos et vérifie la sûreté de sa dague.
— Elle sait se faire entendre la douce Ja, n'est-ce pas ?
— J'ignorais qu'elle pouvait mener ainsi.
— Il ne faut pas se fier aux apparences. Parfois, la plus petite en montre aux plus grands.
Galenn se souvient de sa conversation avec Ja qui a doucement ramené le Galenn d'autrefois, celui qui avait des buts et un souhait. Mais il n'ose se donner en exemple et pense au plus de tous :
— Même au Géant des mers ?
— Si tu savais... je te raconterai un bon jour, la fois où Virko s'est absenté sans prévenir durant trois jours sans nous donner des nouvelles. Il a alors compris qu'il ne vivait plus seul au monde. Il ne devait plus recommencer...
— Nous allons le retrouver.
— Je voudrais tellement être plus grand ! souffle le petit Shoof.
— Je voudrais tellement être moins lourd et moins grand ! riposte avec un sourire le guerrier en replaçant sa tresse de cheveux noirs dans son dos.
— Voilà deux vœux vains !
— Oui ! Mais retrouver Virko ne l'est pas, assure Galenn.
— J'y compte bien.
— Allez, tu passes devant, si tu n'en peux plus, je te porterai un temps, toi et le sac.
— Entendu. On y va.
Ils reprennent leur ascension le long de la paroi. De temps en temps, lorsqu'il a un bon appui, Galenn soutient Lenn pour lui permettre de conserver ses forces. Bientôt, ils doivent prendre bien à gauche de ce couloir vertical, car sur la droite commence à tomber des petits gravats depuis le haut, là où les trois autres Shoof s'assurent d'élargir le tunnel pour que Galenn puisse s'y glisser.
Après la découverte du « départ » mystérieux de Virko, afin de quitter la caverne, ils n'y avait que deux chemins possibles : en passant par l'eau, ce qui est humainement et shoofement impossible, ou encore par ce long tunnel que les Shoof ont entretenu au fil des années. Il monte vers le sommet, loin de la mer, mais il leur permettra de s'extraire à l'air libre. Bien que mal à l'aise en hauteur, Galenn sait grimper. Et les Shoof y excellent naturellement. Ils se sont donc lancés dans cette haute cheminée rocheuse.
Après un certain temps, qui a paru bien long à Galenn et Lenn, ils arrivent au rétrécissement du tunnel qui bifurque légèrement vers l'horizontale pour devenir un couloir. Les trois Shoof ont bien élargi le passage, mais il demeure quand même assez juste pour l'humain. Il doit enlever son épée de son dos pour réussir à y passer. Galenne se retrouve à plat ventre, traînant son épée devant lui. La poussière de roche recouvre le guerrier d'une couche orangé qui contraste avec sa peau foncée.
À force de se contorsionner, Galenn réussit à passer et il se retrouve à ramper dans le second tunnel qui monte à 45 degrés. Il se tire de ses coudes et de la pointe de ses bottes. La garde de son épée lui sert souvent de point d'appui pour se tirer vers l'avant. Se concentrant sur son corps et se sensations, afin d'oublier qu'il est entouré d'une gaine de pierres, ce qui est toujours mieux que de flotter dans le vide comme quelques instants auparavant, Galenn réalise alors que la tunique de géant le protège. En effet, il ne ressent aucune éraflure au niveau de ses bras ou son torse, qui pourtant se promènent sur un sol rocailleux remplis d'aspérités. Il regrette de ne pas avoir aussi un pantalon dans le même tissu.
L'air s'humidifie et se réchauffe. La froideur des lieux sous terrains font place à un lieu de rocailles et des terres sablonneuse ou noire. Tout à coup, comme des geysers qui sortent des profondeurs du sol, les compagnons émergent au milieu d'un buisson luxuriant qui camoufle ainsi très bien l'entrée du petit tunnel vers la caverne. Le dit tunnel permettra maintenant à quiconque, de la taille de Galenn, de se déplacer entre la caverne et l'extérieur.
Galenn se relève avec un soupir de soulagement. Il commençait vraiment à se sentir à l'étroit. Tout en étirant ses membres endoloris par l'effort, il aspire à grands coups l'air qui est maintenant si chaud et humide. Il reste un instant surpris. Cette moiteur lui rappelle l'atmosphère qui règne près d'une berge de la mer.
Alors qu'il secoue ses vêtements, ce qui l'enveloppe d'un nuage de poussière orangée, il porte ses yeux le plus loin qu'il peut et demeure interdit : ils se retrouvent sur un promontoire rocheux recouvert d'une luxuriante verdure tropicale, tout en haut d'une montagne. Tout autour d'eux s'étend une luxuriance verte d'arbres, de buissons et d'épiphytes, le tout habité par une faune qui ne correspond pas du tout à celle des rivages marins.
— Mais où est la mer ? demande Galenn.
— Nous t'avons dit que le tunnel menait à l'air libre, répond Xen. Jamais nous n'avons spécifié qu'il menait à la mer.
— Mais où est la mer ? redemande Galenn.
— Juste au-delà de la forêt, répond Ja de sa petite voix.
À vue de nez, Galenn estime à cinq jours de marche la lisière de cette forêt qui s'étend sous eux.
— Il n'y avait pas d'autre choix ? demande-t-il, quelque peu découragé par l adistance à parcourir. Le Géant serait dans la mer ? il n'y avait pas d'autre chemins ?
— Non, désolé.
— Et à partir d'ici nous allons comment à la mer ?
— Grâce à Xen, nous allons demander l'aide des Bayou.
À ces mots, Xen extirpe de sa ceinture une flûte et en joue une note très stridente, à la limite du supportable.
— Ja ? Comment cela « grâce à Xen » ?
— J'ai voyagé avec les Bayous pour venir jusqu'à ces contrées, explique Xen en rangeant la flûte. Il m'ont confié aux soins de Virko qui m'a recueilli : j'étais dans un sale état. Il faut dire que j'ai quitté le Clan des Shoof en plus ou moins bon termes... disons, pour être honnête, en très mauvais termes... carrément ! Mais, depuis, quand nous sortons par ici, il nous est arrivé de demander aux Bayous de nous transporter aux limites de leur territoire.
— Ils ont de bons destriers ? demande le guerrier.
— En fait, non, ce sont "eux" le moyen de transport... les destriers comme tu dis. avoue Xen.
— Dans cette forêt, difficile de voyager rapidement, même avec des destriers de forêt, ajoute Galenn qui semble plus préoccupé par la forêt et ne semble pas avoir compris la réponse de Xen.
— Personne n'a parlé de destriers à par toi, Galenn le guerrier de bronze ? rigole le mini guerrier.
Galenne ne comprend pas ce que sous-entend Xen. Mais, au loin, on entend des cris stridents qui répondent à l'appel de Xen. Galenn sent son cœur pulser à un rythme accéléré lorsqu'il comprend à quel type de transport ses compagnons font allusion.
— Je fais le vœu de ne plus jamais ... je ne sais pas, demandez-moi n'importe quoi mais pas ça, je vous prie !