Inès (la bête)
— Où sommes-nous ? je demande, alors que je franchis à ce qui ressemble à la porte d'un appartement.
J'espère que ce n'est pas l'endroit dans lequel il se retrouve avec toutes ses conquêtes d'un soir...
— Chez moi !
— Je croyais que tu habitais la grande maison familiale ?
— Et c'est le cas !
Alors mes craintes sont fondées ! C'est bien le lieu de ses sauteries quotidiennes.
— Je loue cet appart au cas où !
Je n'y comprends rien ! Au cas où, quoi ? Si l'envie lui donne de s'envoyer en l'air, c'est ça ?
— Si mon père s'obstine à toujours vouloir me forcer à me marier ! finit-il par me renseigner. Je veux pouvoir avoir un point de chute, si cela arrive ! Bien sûr, j'aimerais que tu gardes cette information pour toi !
— Les secrets sont bien gardés avec moi !
Qu'est-ce qui m'a pris de dire ça ? Je suis devenue folle ! Moi, garder un secret ? Seulement si c'est pour me rendre malade !
Le mélange de tranquillisants et d'alcool ne fait décidément pas bon ménage. J'ai vraiment l'impression d'avoir la tête dans les nuages. J'essaye de faire attention à ce que je raconte, mais rien de bon n'en sort. Je n'aurais pas dû prendre mon dernier cachet au bar. Mais mon corps était tellement sous pression, que j'ai cru bien faire. Il faut que je lui avoue tout, tout de suite, avant que d'autres âneries sortent de ma bouche.
— Je sais que je peux te faire confiance !
Confiance ? S'il savait ? Je ne peux plus reculer, je dois lui dire, et maintenant !
— Comment tu trouves ?
C'est une petite pièce à vivre, qui se compose d'une kitchenette dont les meubles sont en bois naturel, avec un plan de travail en granite noir, d'un canapé gris anthracite convertible et d'une petite table basse en chêne. Rien de très glorieux pour un homme de sa catégorie, même si le mobilier semble de bonne facture.
Réfléchissons, avant de dire n'importe quoi ! La première chose qui m'est venu à l'esprit, est de lui dire que c'est largement spacieux pour ce qu'il compte en faire ! Je ne suis pas dupe ! Il veut en faire sa garçonnière !
— Je sais, c'est minuscule ! poursuit-il avant même que je ne réponde. Mais je pense que c'est suffisant pour un mec seul comme moi ! Je n'ai pas besoin d'une immense maison. Un petit nid me suffit !
— C'est pas très grand, mais pas étriquer pour autant. Je crois que tu seras bien ici !
— Tu as vu la vue ?
Bon ! Cet endroit est tout a fait charmant et très chaleureux, malgré son espace. Mais bon sang ! Je ne suis pas ici pour visiter les lieux, mais pour parler de moi et ce qui me rend dingue depuis quelques jours ! Car à le voir, il n'est pas très intéressé par ce que j'ai à lui révéler.
— Inès ?
— Oui !
— Tu es sûre que tout va bien ?
Non ! Je ne vais visiblement pas très bien ! J'ai le sentiment étrange que cette soirée va mal se terminée...
— Où sont les toilettes ?
— La porte à droite ! m'indique t-il de la main le chemin à prendre.
Je m'y précipite à l'intérieur afin de reprendre mes esprits. Je suis un peu chamboulée. Je ne sais pas par où commencer ! J'avais pensé lui dire de but en blanc, mais cela serait un moyen de le faire fuir directement, sans qu'il me laisse une chance de m'expliquer ou de lui montrer... Comment dois-je m'y prendre ?
Après de longues minutes d'hésitation, je sors de ce lieu exigu dans lequel je suis enfermée, avec l'intention de tout lui dire, même si cela doit me faire du mal. De toute façon, il n'y a pas de bonne manière pour le faire, on le dit et c'est tout !
— Abel ? je l'appelle ne le voyant pas dans le salon.
— Je suis sur le balcon !
Je m'y dirige, quand soudain mon regard s'immobilise face à la luminosité venant de l'horizon. La nuit est tombée depuis que nous nous sommes rencontrés au parc. Ce panorama est impressionnant que j'en oublie de regarder où je vais. Je loupe la marche qui mène à l'extérieur et me retrouve dans les bras musclés de mon sauveur. Pas besoin de vous dire que je profite un maximum de ce rapprochement entre nous deux. Je fais la fille qui ne sait pas ce qui lui arrive, et me laisse portée jusqu'au rebord par le ténébreux beau brun.
Au bout d'un court moment de complicité, il est peut-être temps de le remercier, mais mon corps tout entier m'en prive. Ma bouche n'articule rien de très censé. Je suis tellement subjuguée par les beaux yeux d'Abel, que tous mes membres ressentent une paralysie. Ou est-ce les médicaments, qui me font cet effet ? Ce qui est sûr, c'est que jamais un homme ne m'a regardé de la sorte, non, jamais !
Complètement envoûtée et sous le charme, je ne saurai comment l'expliquer, je me jette sur lui et l'embrasse d'un chaste baiser.
— Je suis désolée ! je m'excuse, reprenant peu à peu mes esprits.
Je constate amèrement que monsieur ne semble pas très emballé par moi. Ce que j'ai ressenti doit être de l'ordre de mon imagination. J'ai certainement vu, ce que j'ai tant voulu apercevoir chez lui, un peu de romantisme. Mais tout cela était faux !
— Excuse moi pour mon comportement d'adolescente ! Je ne sais pas... ce... qui m'a... je suis tellement sous le choc que je ne finis pas ma phrase, tant j'ai honte.
Je fais vraiment n'importe quoi ! Je ne dissocie plus rien ! Je prends mes rêves pour la réalité, mais ce n'est pas comme ça ! Il me l'a dit, il y a moins d'une heure, qu'il s'est rapprochée de moi, seulement pour montrer à son père quel homme charmant il pouvait être. Qu'est-ce que j'avais imaginé ? Abel Faro amoureux de moi ? Impossible ! Même dans les films les plus romantiques, aucun homme comme lui ne pourrait tomber sous mon charme. Il aime bien trop sa vie de célibataire pour s'amouracher d'une fille, et encore moins d'une bête. Il faut mettre fin à tout cela, une bonne fois pour toute !
Je décide de mettre un petit espace entre nous, quand l'incroyable se produit. Il m'attire à lui et m'embrasse non pas d'un petit bisou, non, mais d'un langoureux baiser passionné, que je me demande même si je ne suis pas en train de rêver... Déstabilisée et incrédule face à ce qui se passe, je me laisse transporter par la vague de chaleur que cela me procure.
Est-ce bien réel ? Cela est bien en train d'avoir lieu ? Tout est flou dans ma tête, mais ce n'est pas pour autant que je ne profite pas de cet extraordinaire instant de plaisir. Je me colle à lui afin d'approfondir notre étreinte. Je suis en extase devant lui. Il est tout ce dont j'ai désiré sans vraiment le souhaiter. En effet, j'ai toujours voulu un homme comme Abel, généreux, patient, gentil, et par dessus tout, bel homme, mais j'ai toujours cru aussi que ce genre de mec n'était pas fait pour moi. A ses côtés, je ne serais pas à ma place, je penserais en permanence qu'il mériterait forcément mieux que moi. C'est ce que je pensais, mais maintenant, je ne sais plus quoi croire... Bref ! Je dois me concentrer sur le moment présent et oublier mes craintes, mes doutes, mes peurs et surtout ce dont j'avais à lui dire, ça attendra quelques minutes, je dois profiter un maximum de ce qui est en train de m'arriver.
— Inès, je ne sais pas si c'est bien, mais je m'en fous ! s'éloigne t-il un peu de moi pour voir comment je réagis. Tu me plais et si tu le veux, alors moi aussi !
Publié le samedi 29 juin 2019