La liste d'infortunes d'Elino...

By dianewords

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🟡 COMPLÈTE RÉECRITURE A PARTIR DE JANVIER 2024. 𝑛𝑜𝑢𝑣𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑣𝑒𝑟 𝑎̀ 𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑜𝑐𝑐𝑎𝑠𝑖𝑜𝑛... More

AVANT-PROPOS
I. Le dîner
II. Mauvais souvenir
III. Concertation
IV. Jour J
V. L'entretien
VI. L'effet Agatha
VII. Réalisation et tremblement
VIII. Le mot
IX. Le cadeau
X. Coup de téléphone
XI. Confrontation
XII. Les épreuves
XIII. En société
XIV. Le jour d'après
XV. Tête à tête
XVI. Intrusion
XVII. Souffle court
XIX. Dévoilement
XX. Elle a couru
XXI. Retrouvailles

XVIII. A coeur ouvert

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By dianewords


𝑿𝑽𝑰𝑰𝑰. 𝑨 𝑪𝑶𝑬𝑼𝑹 𝑶𝑼𝑽𝑬𝑹𝑻.

𝚖𝚊𝚛𝚍𝚒 𝟷𝚎𝚛 𝚗𝚘𝚟𝚎𝚖𝚋𝚛𝚎

⋆⋆⋆

— Tu vas bien ? s'empressa de demander Paul en prenant Elinor dans ses bras.

Elinor s'était promis de garder la face en accueillant ses frères, d'abord pour ne pas leur faire peur à peine auraient-ils passé le seuil de la porte mais aussi par fierté. Une fierté sûrement mal placée mais qu'elle ne pouvait pas mettre en retrait. Elle avait déjà laissé parler ses émotions dans le taxi, c'était suffisant, il fallait maintenant qu'elle parvienne à appréhender ce qui se passait dans sa tête. 

Elle se concentra en posant ses yeux sur Paul, déterminée à lui livrer une réponse qui le rassurerait mais son visage se crispa, sa gorge se noua et les sanglots arrivèrent par légions. Cette question, aussi générique soit-elle sonnait comme une autorisation à craquer, à exprimer cette fatigue émotionnelle qu'elle refoulait depuis des jours et mis en exergue par les évènements du jour. 

Paul la serra un peu plus dans ses bras sans rien dire, elle fut comme engloutie par son anorak noir.

Elinor se recula, ses yeux étaient rouges et les veines sur ses paupières ressortaient de façon à ce que sa peau paraisse translucide. D'un geste délicat, elle essuya les dernières larmes persistantes avec ses paumes, c'était assez. Elle rit nerveusement et Celian l'enlaça à son tour sans ajouter quoique ce soit. 

Ils étaient là, tout allait bien. Où du moins, mieux.

Elle leur proposa d'aller s'asseoir sur le canapé et s'installa en face d'eux, habitude inaltérable. Elle enroula le plaid posé sur le pouf autour de ses épaules, se passa une main sur le visage et leur raconta. Comme au poste de police, le début fut laborieux mais elle trouva les mots. Elle vit les visages de ses frères se tendre de plus en plus, à la fin de l'histoire, leurs expressions se situaient entre consternation et rage.

— Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? demanda Paul, une main sur le front, médusé.

— Tu étais au boulot, je savais que tu ne répondrais pas.

— Tu aurais dû quand même ! Mon téléphone était allumé. Et pourquoi tu n'as pas appelé la police directement ? répliqua-t-il.

— Je ne sais pas... je crois que je voulais juste parler à quelqu'un que je connaissais.

— Tu es allée à l'hôpital ?

— Non, je n'ai pas de séquelle, j'irais juste voir le médecin dans la semaine, promis.

— Eli, tu as des traces rouges sur le cou, bordel ! protesta Celian.

Elinor passa instinctivement une main sur cette partie de son corps, elle n'avait même pas pensé à se regarder dans un miroir.

— Si ce mec s'en tire, il aura le droit à un deuxième séjour en soins intensifs, reprit-il, les bras croisés.

— Non, tu ne feras rien. La police s'en chargera, je vous ai dit que j'avais été auditionnée, dit Elinor en le fusillant du regard.

— Et ce Murphy, il a été comment ? demanda Paul.

— Parlons-en de celui-là !

Celian s'était levé d'un bond. Elinor le détailla de haut en bas, un éclair de surprise traversa son visage, elle venait de remarquer son inhabituelle élégance. Il portait un ensemble de costume bleu marine, des derbies en cuir noires, et ses cheveux qui d'ordinaire n'étaient jamais coiffés, étaient cette fois, brossés et ramenés en arrière. Elle chercha un instant pourquoi il avait adopté cette allure et ça lui revint, il avait eu un rendez-vous professionnel loin de Londres, raison pour laquelle elle ne l'avait pas appelé.

— Tu as laissé l'oncle de ce taré entrer chez toi, tu réalises la dangerosité de ton acte ? Tu ne le connais pas, son intervention aurait pu être pire, Eli ! Tu as été complètement irresponsable sur ce coup, conclut-il en se rasseyant brutalement. S'il t'avait fait quelque chose...

Elinor écarquilla les yeux, elle n'avait pas vu venir cette remontrance qui sonnait comme le sermon que ses parents auraient pu lui faire. Il détesterait savoir qu'il partage avec eux cette aisance à la gronder comme une gamine.

— Ne me prend pas pour une gosse, Celian, s'il te plaît. Il a été de mon côté depuis le début. J'ai décidé de lui faire confiance et je pense avoir la capacité de faire la part des choses.

— Ah ouais, vachement. T'as déjà oublié qu'il voulait t'évincer parce qu'il croyait que t'étais une sorte de...pute ? grimaça-t-il.

— Celian, réprimanda fermement Paul.

— Quoi ? J'ai raison, non ?

Elinor n'eut pas la force de le reprendre.

— Il a fait une erreur, j'en suis la première contrariée mais ça arrive. Dès qu'il a compris que c'était des conneries il a pris des mesures radicales ! Et puis, pourquoi tu me prends la tête avec ça ? Il m'a porté secours, c'est sûrement grâce à lui que vous n'êtes pas allé me chercher à l'hôpital.

Celian souffla en secouant la tête.

— Ce que Celian veut dire dans toute la diplomatie dont il est capable, c'est qu'il a eu très peur pour toi. Nous avons eu peur. Enfin, l'important c'est qu'on t'aie porté secours à temps mais ce serait bien que tu vois quelqu'un pour en parler. Tu as vécu quelque chose de grave et puis il y a cette tache de sang en bas de chez toi...

— Les psychologues ne sont pas la réponse à tout Paul, rétorqua Elinor en s'affalant sur la table basse, la tête plongée dans ses bras. Je vais faire des cauchemars pendant un mois, voire deux, puis ça partira.

— Elle est bête, lâcha Celian, à bout de nerf.

— Tu parles de moi là ?

— Non, du chat de la voisine.

— Sérieusement ? s'indigna-t-elle, les sourcils arqués.

— Oui, sérieusement, Eli. Paul te conseille une solution tout à fait logique, et qui te ferait certainement du bien, et toi, tu fais la maligne avec tes futures insomnies. Tu es sûre de savoir ce que ça fait de ne pas trouver le sommeil pendant des mois ? Parce que moi, oui, et je peux te dire que c'est terrifiant. Alors arrête de te comporter comme si tu étais la femme la plus forte du monde, tu as tes faiblesses, comme tout le monde, assume-les, et accepte l'aide qu'on t'offre.

Le ton de Celian était si grave qu'Elinor qu'aucun son ne sortit de sa bouche, elle échangea un bref regard avec Paul qui parut tout aussi surpris par cette réaction. Elle comprenait qu'il soit dans tous ses états et même qu'il lui en veuille un peu d'avoir pris des risques mais ne saisissait pas pourquoi il s'était mis en colère, ça ne lui ressemblait pas. 

Elle estimait en plus qu'il avait tort en ce qui concernait son comportement de femme forte, elle avait son ego, comme tout le monde mais n'était pas du genre à réfuter l'aide qu'on pouvait lui proposer quand elle jugeait que c'était nécessaire. Elle n'était simplement pas à l'aise à l'idée de consulter un psy, ce n'était pas un acte de résistance. Celian fixait le plancher, les coudes sur les genoux, la tête posée sur ses poings.

— Ça va ? lui demanda Paul.

— Ouais, ouais ça va, répondit-il en se levant de nouveau.

— Pourquoi tu as fait des insomnies ? demanda doucement Elinor.

— Je n'ai pas envie d'en parler, rétorqua-t-il en se dirigeant vers la cuisine.

Elinor et Paul se retrouvèrent tous deux désabusés par la tournure des évènements. Celian leur avait caché quelque chose.

— Tu sais de quoi il parle ? susurra le jeune femme à son aîné.

Par un geste de la tête, il lui signifia qu'il partageait son désarroi. Elinor réalisa alors qu'elle ne connaissait pas tout de lui et qu'il vivait avec des souffrances qu'elle ignorait. Elle savait que ce n'était pas le moment d'approfondir le sujet mais elle se promit de creuser quand tout serait plus calme. 

Paul prit un air songeur quant à la situation, son mutisme s'ajouta à celui d'Elinor et bientôt, il n'y eut plus que le vrombissement solitaire de la machine à laver dans l'appartement. Soudain, un craquement sourd résonna dans la cage d'escalier, Elinor laissa un échapper un halètement inquiet, les yeux rivés sur la porte d'entrée, elle se figea.

— Nor, ça va ? Elinor ? l'appela Paul.

Il fallut que Celian revienne de la cuisine et lui presse doucement l'épaule pour la sortir de cet état second.

— Ce n'est pas lui. Il ne montera plus chez toi, c'est fini, lui dit Celian avec douceur.

Elinor sentit son cœur battre et attrapa la main de Celian qui demeurait sur son épaule.

— Désolée, souffla-t-elle.

— Ne t'inquiètes pas, c'est normal, la rassura Paul.

Elinor se leva et vint s'asseoir aux côtés de Paul qui passa une main autour de ses épaules et la pressa contre elle. 

La dernière fois, c'est elle qui l'avait rassuré de la sorte, ainsi allait l'étrange équilibre de la fratrie. Les rôles pouvaient parfois s'inverser, la petite sœur devenait grande sœur, le grand frère devenait petit frère ou parfois la petite sœur demeurait petite sœur. 

Elinor posa sa tête sur les épaules de son frère et ferma les yeux, c'était la sécurité de nouveau.

— Tu sais que tu es la bienvenue chez moi le temps que tu voudras. Ça te permettrait de chercher un autre appart si jamais tu ne t'y sens plus à l'aise.

— C'est gentil. C'est vrai que je n'arriverai pas à dormir ici les prochains jours mais je ne sais pas si déménager servirait à quelque chose. Je crois que le sentiment d'insécurité me suivra tant que je ne saurai pas ce qu'il va se passer pour Philip.

— Je ne veux pas paraître insistant, mais je crois que voir un psy t'aiderait vraiment.

Elinor soupira.

— J'y réfléchirai, mais pas question que ce soit la charlatane de la dernière fois.

— Ça aura moins eu le mérite de te créer une anecdote à raconter aux repas de famille, répondit Celian avec un sourire railleur.

— Tu plaisantes ? C'est toi qui la raconte à chaque fois. Hm, d'ailleurs, en parlant de repas, vous exagérez tous les deux.

— Pourquoi ? demandèrent-ils en chœur.

— Vous êtes des lâcheurs.

— Nous ?

Leurs airs faussement offusqués fit sourire Elinor.

— Oui, vous. Demain, la maison, les Davis, ça vous parle ?

— Ah, ça.

— Pour ma défense, Lydia a une échographie demain.

— Ah oui, elle est à vingt-heure son écho ? demanda Elinor.

Celian se fendit d'un rire qui lui valu un regard noir de la part d'Elinor.

— Toi, ne fais pas le malin parce que tu n'es pas mieux. Tu as dit à maman que tu la tenais au courant alors que nous savons tous ici que tu vas trouver une excuse moisie de dernière minute pour ne pas venir. Bref, Paul, l'écho, sérieux ?

— Je ne sais pas ce que j'irais faire dans ce dîner, je n'ai aucune affinité avec eux, se défendit ce dernier.

— Admettons. Et toi Celian, tu les connais bien quand même alors j'aimerais entendre ton excuse.

— La flemme, répliqua-t-il sans hésitation. Honnêtement je les aime bien, mais bon, autant qu'ils se retrouvent tous les quatres. Et puis, pourquoi notre absence te frustre autant ? Tu n'avais qu'à pas accepter.

— Et bien figures-toi que je les apprécie beaucoup et je me suis dit que ça pourrait être sympa de les revoir...enfin, jusqu'à ce qu'elle m'apprenne que Seth serait présent aussi.

— Nous y voilà, dit Paul en étendant ses bras devant lui.

— Tout s'éclaire ! ajouta Celian.

— J'ai peur que ces retrouvailles sonnent faux, c'est bizarre, non ?

— Ma fille, ça fait au moins cinq ans.

— Quatre, rectifia Elinor. Avant même les événements d'aujourd'hui je me disais que j'aurais pas la tête à faire la conversation mais maintenant, c'est encore pire et puis c'est aussi demain que je sais si je rentre à l'IPA.

— Donc, tu veux toujours intégrer cet établissement ?

— Oui, Celian.

— Je suis certain que tout ira bien, que ce soit les résultats du concours ou le dîner, dit Paul. Ça te changera les idées au moins.

— Paul, la voix de raison.

Celian affichait l'air malicieux qu'il avait depuis l'enfance, sur les photos de famille, souvent, il regardait l'objectif avec ce regard pétillant.

— Puis, Seth pourrait réintégrer la famille, qui sait.

— Non, ce n'est pas le but.

— Pourquoi ça ?

— Mais...parce que la vie n'est pas une boucle, on ne répète pas sans cesse le même schéma, surtout quand on sait que c'est voué à l'échec.

— Tu as une vision des choses très pessimiste, intervint Paul.

— Je ne suis pas aussi romantique que toi, c'est tout ! Enfin, je ne suis pas sûre d'y aller, on verra comment se déroule ma journée de demain. Si je vais mal, j'appellerai maman pour lui dire que je suis malade.

— Grand Dieu ! gouailla Celian. Tu mentirais à maman ?

— Arrête de faire ça à chaque fois, soupira Elinor en levant les yeux au ciel.

Il se mit à rire, imité par Paul. Les rires de ses frères emportèrent un instant les angoisses avec lesquelles Elinor cohabitait. Elle savait que ce moment était éphémère mais le sentiment de légèreté qu'il offrait était nécessaire.

*

Ce fut au moment d'entreprendre la mécanique quelque peu absurde de clore les yeux pour persuader son cerveau qu'il était l'heure de dormir que tout remonta à la surface. Tout ce qui s'était passé dans la journée, jusqu'aux jours précédents résonna bruyamment dans son esprit, la laissant dans un état d'agitation qui aurait pu être pris pour une forte fièvre.

Les images des interactions avec Philip se jouaient dès qu'elle fermait les yeux, la maintenant éveillée, suante et effrayée à l'idée que par elle ne savait quel miracle, il revienne chez elle pour achever ce qu'il avait tenté quelques heures plutôt. Elinor s'adossa au sommier de son lit, engloutie par l'obscurité, les yeux grands ouverts.

Il a essayé de me tuer, murmura-t-elle.

Ses yeux s'alourdirent de larmes, le verbaliser donnait une autre dimension à ce qui c'était passé, ça rendrait la chose violemment réelle. Elle renifla, se moucha mais pour ne pas réveiller ses frères qui avaient réussi à trouver le sommeil dans son canapé-lit cabossé, se rallongea et commença à compter les moutons dans sa tête. C'était la chose la plus ridicule qu'elle n'avait jamais eu à faire pour s'endormir mais au bout du cinquantième bovidé, son cerveau capitula et elle réussit à s'assoupir. 

Dans la nuit elle fut à plusieurs reprises tirée de ses songes sans images par des bruits qu'elle prenait pour des tentatives d'intrusion, or quand elle se concentrait, il n'y avait que les ronflements de ses aînés qui troublaient le calme de l'appartement.

Les heures de sommeil allaient devenir rares les nuits prochaines. 

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