Petit chapitre imprévu, j'espère qu'il vous plaira.
Je vous embrasse.
❤️
Le S-Crew au complet était installé dans le salon de Mékra. Ils parlaient à voix basse pendant que Clem et moi étions recluses dans la chambre du rappeur.
Ils avaient besoin de se retrouver entre eux pour faire le bilan de la garde-à-vue d'Haks et faire des plans pour la suite. Mais là, cela faisait deux heures que nous attendions et que mon amie me faisait lire le manuscrit qu'elle venait de terminer.
Hakim avait été exemplaire lors de sa détention, d'après la mère de Lucie, il avait répondu posément aux questions, sans trop en dire, expliquant les raisons qui l'avaient poussé à agir. C'était grâce à elle qu'il avait pu sortir plus tôt, quand les agents de police n'avaient plus eu besoin de lui, ils avaient voulu le garder tout de même jusqu'à la fin des 24h réglementaires mais elle avait fait le forcing pour qu'ils le lâchent.
L'affaire était loin d'être terminée, Hakim savait qu'il allait recevoir sous peu une lettre de convocation devant le juge d'instruction qui déboucherait sans doute sur une mise en examen puis sur un jugement. Benoit avait malheureusement un certificat médical en or massif. Hakim lui avait démis l'épaule et cassé deux côtes en plus d'avoir gravement endommagé son visage. Il avait pris presque un mois d'ITT et cela suffisait à créer de graves problèmes au rappeur. Benoit n'avait même pas eu besoin d'inventer un mensonge concernant les pseudos maltraitances que m'aurait fait subir Hakim. Avec ses antécédents, les blessures de Benoit et la vidéo où il le menaçait, mon mec encourait une peine de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.
Pour moi c'était inimaginable, cela ne se produirait pas. On avait trop enduré tous les deux dans cette histoire pour qu'Hakim passe les trois prochaines années derrière les barreaux.
Soudain, des cris dans le salon nous alertèrent, il me sembla entendre Idriss qui s'énervait et je reconnus également le ton grave de la voix d'Hakim. C'était quoi encore ce bazar ?
Clem me jeta un regard interrogateur, l'air de dire "On y va ou pas ? ".
Je ne réfléchis pas longtemps et me précipitai en dehors de la chambre, Fram était debout, sur le point de partir, il semblait absolument hors de lui tandis que Ken et Zer2 avaient l'air complètement atterrés. Haks essayait de retenir son frère. Ils s'énervaient l'un contre l'autre parlant plus arabe que français et je ne comprenais pas grand chose.
J'évaluai la situation, le ton montait de plus en plus, et j'avais une idée très nette de ce qui avait pu se dire lorsque nous étions dans la chambre.
— Il se passe quoi ici ? demanda Clem, Ça vous arrive d'arrêter de vous comporter comme des sauvages ?
Ils l'ignorèrent royalement, alors je m'interposai entre eux, cela devenait une habitude ces derniers temps.
— Ça suffit bande de hmar, m'énervai-je, vous vous asseyez tous les deux. Tout de suite. On est en crise, c'est pas le moment de se mettre sur la gueule entre nous. Fram je sais que c'est pas facile à digérer mais là il va falloir que tu prennes sur toi.
Il me regarda comme si je venais de lui parler chinois et releva les yeux vers son frère.
— C'est une putain de blague ? Elle est au courant ? Tu l'as dit à ta meuf que tu connais depuis même pas un an et tu le caches à ta propre famille ? T'es devenu fou ou quoi ?
Je saisis les poignets d'Idriss.
— Oh ! T'as fini ta crise de jalousie là ? Ça te vient pas à l'esprit que parfois c'est plus facile de dire des choses à une personne extérieure plutôt qu'au principal intéressé ? Ça fait même pas trois jours que je suis au courant, alors arrête ton cinoche d'enfant de cinq ans ! Tu sais très bien que ton frère ferait tout et n'importe quoi pour te protéger, surtout n'importe quoi d'ailleurs !
Le jeune homme secoua la tête, l'air dégoûté, il me lança un regard mauvais.
— Vous vous êtes bien trouvés tous les deux putain, vous faites vos bails tout seuls en vous foutant dans la merde, vous cachez des trucs aux autres et après c'est tout le monde qui paye la note.
Je ricanai, la réaction d'Idriss était affreusement égoïste.
— C'est vrai que c'est toi qui paye la note là, c'est toi qui risque d'aller au hebs, c'est toi qui assumes les erreurs de ton frère ! Arrête d'être aussi centré sur toi putain ! Ok Hakim a peut-être eut tort d'agir seul et de pas te dire qu'il avait pris du sursis. Je sais que tu culpabilises et que tu penses que tout est ta faute. Mais maintenant c'est trop tard, au lieu de t'énerver soutiens-le et n'en rajoute pas encore plus sur ses épaules.
— Elle a raison. C'est pas le moment de se diviser, trancha Nekfeu, Assieds-toi Idriss.
L'intéressé shoota rageusement dans un tabouret et finit par se laisser tomber dans le canapé.
— Merci, me chuchota Hakim en s'asseyant à son tour.
Clémentine, médusée par l'esclandre, sembla reprendre ses esprits et se tourna vers moi avec un regard ahuri.
— Quelqu'un peut m'expliquer ?
Voyant qu'aucun des gars n'avait l'intention de prendre la parole, je racontai brièvement à la jeune femme comment Hakim avait déjà pris du sursis.
Elle tomba assise sur une chaise, l'air abattue.
— Vous allez me rendre dingue, geignit-elle.
(...)
— Attends calme toi Lucette, il t'a dit quoi exactement ?
Lucie était en panique à l'autre bout du fil. J'étais seule chez moi et elle venait de m'annoncer qu'Idriss l'avait quittée sans lui donner de raison. Alors que tout allait bien auparavant.
— Il a dit un truc trop bizarre, genre « de toutes façons on finira par se trahir, autant s'arrêter tout de suite. »
Ok, pas besoin de chercher très loin d'où lui venait cette soudaine lubie. Il venait tout de même d'apprendre que son ex petite amie était responsable de l'agression de sa grand-mère.
— Maya t'avais raison, sanglota ma meilleure amie au téléphone, J'aurais jamais dû me laisser embobiner... c'était évident que ça allait mal finir.
Pour une fois, j'aurais vraiment aimé avoir eu tort.
— Je suis désolée Lulu, écoute je vais voir ce que je peux faire, Idriss t'aime, j'en mettrai mes jambes à couper. Mais il vrille un peu depuis une semaine... Hakim lui a appris un truc pas très cool.
Seuls les pleurs de Lucie résonnaient dans le téléphone. Comme si on avait besoin de problèmes en plus.
— Maya, c'est vraiment très grave...
Fallait pas exagérer non plus. Il n'y avait pas mort d'homme.
— Mais non Lucie, c'est triste, mais c'est pas grave, il est trop con c'est tout. Tu veux que je lui casse la gueule ?
Un flot de sanglots me répondit, je sentais l'énervement me gagner, mieux valait que je croise pas tout de suite le plus jeune des kabyles.
— Maya... Je... c'est vraiment grave....
Oui, ça elle l'avait déjà dit.
— Lucette, t'es une femme forte, tu vas pas te laisser aba...
— Je suis enceinte, me coupa-t-elle, de trois mois.
Oh mon Dieu.
Karma, Mektoub, Destin, peu importe le mot, depuis quelques mois, il s'acharnait littéralement sur mon entourage et moi.
— Il le sait ? finis-je par lâcher au bout d'un long moment de silence.
— Non... j'allais le lui dire... mais il a parlé le premier...
J'allais vraiment le tuer.
— Lucie, je te laisse, bouge pas de chez toi, je te garantis que ce crétin va assumer ses conneries.
Raccrochant mon téléphone je me dépêchai de saisir mon manteau et mon sac et me précipitai dans la rue en envoyant un texto à Haks.
Moi : Vous êtes en studio ?
Il me répondit alors que j'entrais dans la bouche de métro.
Hakim : Ouais. Pourquoi ?
Moi : Dis moi où c'est. Urgent.
Ok, c'était vraiment assez salaud de faire ça en ce moment, nous étions tendus 24/24, mais là, il s'agissait de ma meilleure amie.
Hakim m'envoya une adresse suivie de plein de points d'interrogation et je ne pris pas le temps de répondre.
Une vingtaine de minutes plus tard, je sonnai à l'adresse indiquée. Un bruit caractéristique retentit, m'indiquant l'ouverture de la porte et je me précipitai dans la cour de l'immeuble au bout de laquelle se trouvait le studio.
Hakim m'ouvrit avant que je n'aie eu le temps de frapper.
— Où est ton frère ? dis-je d'une voix nette et froide.
Le regard de mon copain s'assombrit instantanément. Il venait de comprendre pourquoi j'étais là.
— C'est ça ton urgence ? grogna-t-il.
Je l'ignorai et me faufilai entre lui et l'embrasure de la porte pour entrer dans le studio.
— IDRISS AKROUR ! hurlai-je en pénétrant dans la pièce où plusieurs gars du L étaient affalés sur des canapés.
Je reconnu le type au bob qui se détourna de son ordinateur pour me détailler.
— Elle fout quoi ici elle, fit-Il.
Ils avaient tous relevé le nez vers moi à la fois ahuris et énervés.
— Maya, s'énerva Haks derrière moi, dégage de là ou je te sors.
Je ricanai, alors là, je n'avais pas fait tout ce chemin pour rentrer bredouille, soit je repartais avec les couilles d'Idriss en guise de collier, soit il se dépêchait d'aller ramper devant Lucie.
— C'est mort, répondis-je d'un ton déterminé, tu me trouves ton putain de connard de frère ou je te jure que je casse tout ici.
Je vis les mâchoires d'Hakim se serrer, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu autant de colère dans son regard posé sur moi.
— Sors d'ici, dit-il d'une voix blanche.
2zer et un petit chauve se levèrent, prêt à aider mon rappeur à me foutre à la porte.
— Je ne quitterai pas cet endroit tant que j'aurais pas vu l'espèce de gros lâche qui quitte sa copine enceinte de trois mois.
Vous voyez les systèmes anti-incendie qui lorsqu'on les déclenche, font tomber des trombes d'eau glacée du plafond ?
Et bien c'est à peu près l'effet que fit ma phrase sur la pièce dans laquelle je me trouvais.
Les garçons m'observaient, complètement médusés par la bombe que je venais de lâcher.
— Attends quoi ? finit par dire 2zer, Lucie est enceinte ?
Je croisai le regard d'Hakim qui paraissait paralysé.
— Tu déconnes ? demanda Ken, C'est une blague c'est ça ?
Avais-je vraiment une tête à faire ce genre de blague ?
— Est-ce que j'ai l'air d'avoir envie de rire ? SÉRIEUSEMENT ? Ton putain de pote a mis ma meilleure amie enceinte et vient de la larguer comme une merde !Alors tu te dépêches de me le trouver avant que ce soit moi qui le fasse.
— Qui est enceinte ?
Ah ben voilà, exactement la voix que je voulais entendre. Je me retournai vivement vers Framal qui venait d'apparaître.
Avant que quiconque n'ait bougé je me jetai sur lui et lui assénai une claque monumentale.
— Ça, c'est pour avoir largué Lucie.
Ma main repartit dans l'autre sens pour lui en mettre une deuxième.
— Et ça, c'est pour l'avoir mise enceinte.
Alors que j'allais trouver un prétexte pour lui en coller une troisième, les bras d'Hakim se refermèrent autour de mes épaules et il me tira en arrière.
— Calme toi putain.
Je n'avais pas du tout envie de me calmer. Lucie était comme ma sœur, c'était, avec Hakim, la seule personne en qui j'avais parfaitement confiance, la seule qui avait toujours été là pour moi. Jamais je ne permettrais que quiconque lui fasse du mal.
Mais Hakim m'entraîna dehors malgré mes protestations.
— Oh ! gueula-t-il une fois dans la cour, Faut que j'te noie dans la Seine pour que tu la boucles ?
Il était toujours en colère contre moi, je voyais bien qu'il n'aimait pas du tout le fait que je me fasse remarquer devant les gars.
— Lâche-moi, intimai-je au rappeur, J'ai pas fini de m'expliquer avec ce sale connard.
Hakim me fit pivoter pour que je sois face à lui, son regard colérique m'enveloppa mais je ne cillai pas, s'il pensait m'impressionner.
— T'insultes encore une fois mon frère, je te jure que je te fous à la porte.
— Essaye un peu pour voir ! Putain j'arrive pas à croire que tu prennes sa défense !
Hakim ricana et saisit ma mâchoire, l'œil mauvais.
— C'est mon frère, je serai de son côté peu importe ce qu'il a fait. Ta pote je m'en bats les couilles, elle est rien pour moi.
Je lus dans son regard qu'il n'y avait pas une once de mensonge ou d'exagération dans ses propos. Nous étions tellement semblables qu'encore une fois cela me donna le vertige.
— Parfait, moi, ton enculé de frère j'en ai rien à foutre non plus. Donc si tu veux pas que je l'émascule pour ce qu'il a fait à ma meilleure amie, bouge lui le cul et dis lui de prendre ses responsabilités.
— J't'avais prévenue.
Il me saisit violemment par la taille, bloquant mes bras contre ma poitrine, et, sous le regard ahuri des quelques vieux à leur fenêtre, il m'entraîna vers la porte de l'immeuble, l'ouvrit, me jeta dehors et la referma derrière lui.
— HAKIM ! hurlai-je folle de rage en tambourinant à la porte.
Evidemment, je n'eus aucune réponse et hors de moi, je laissai échapper un chapelet d'insultes à l'intention des frères Akrour.
J'avais envie de tout casser, une partie de moi haïssais de nouveau Hakim pour ce qu'il venait de faire et une autre était terrifiée à l'idée de le perdre.
Et le pire dans tout ça, c'est que deux heures plus tard, j'avais rendez-vous avec Claire et Léonore.