Near the sky

By Li_mona_de

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Préservé de la cruauté de l'existence, Nathanaël en découvre désormais chacune des facettes. Rejeté du cocon... More

Avant-propos
Prologue
1.
2.
3.
Vers l'édition
Parution prochaine
Jour de sortie !

4.

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By Li_mona_de

La nuit venait tout juste de tomber sur Saint-Denis, la lune trônant au milieu du ciel d'encre. Une atmosphère particulière se fraya un chemin jusqu'aux âmes encore éveillées, un sentiment d'interdit.

Nathanaël percevait déjà cette ambiance méconnue, comme une senteur dans l'air. Il s'y conforma, comme tant d'autres, sans vraiment la comprendre. La peur ne le quittait plus, accrochée à son être comme à son cœur. Il avait longtemps marché sans but, au milieu des rues bientôt désertées. Il s'était finalement arrêté ici, sur un de ces bancs qui ornaient le bord de la Seine. Son cours tranquille semblait capable d'hypnotiser quiconque s'y attarderait.

Le métis attendait sans savoir où le mènerait sa patience. Une douleur aiguë traversait ses côtes à chaque mouvement et une migraine tenace venait d'apparaître, s'ajoutant à son fardeau. Il pouvait imaginer des hématomes sur son visage, sans se risquer à constater les dégâts dans une des innombrables vitrines de la ville.

Le temps défilait entre ses doigts ouverts. Il ne retint pas ces grains de sable, les laissant couler puisqu'il n'existait pas d'autres choix. À la manière des eaux calmes, il y voyait le reflet ironique de sa personne. Une sorte de mélancolie l'avait étreint, au détour de la nuit. Il n'avait jamais autant douté qu'à ce moment, celui où les ombres deviendraient réalités. Comme si toutes ces chimères pouvaient prendre vie après le crépuscule afin de tourmenter les âmes paisibles et endormies.

Il retenait toujours ses larmes, encouragé par ce monde en suspens et cette peur maladive. Il encaissa la souffrance et taisait les pleurs avant même qu'ils ne l'ébranlent. Une précaution pour ne plus jamais servir de proie.

— T'es encore là, toi ?

Nathanaël sursauta brutalement, manquant de tomber du banc où il se tenait assis. Derrière lui, la silhouette de Caleb se dessina, moqueuse et provocatrice. Il tenait dans sa main un paquet de cigarettes sur lequel le plus jeune loucha sensiblement.

— T'en veux une ?

— Non, ça va, merci.

L'homme s'accouda à la barrière et fuma longuement sans rien ajouter de plus. Son homologue aurait sans doute souhaité lui fausser compagnie, mais quelque chose le retint là. Certainement une certaine lassitude, une émotion palpable alliée à la douleur.

Le silence revint, à peine perturbé par les passants. Il suffisait de les oublier, de faire abstraction de cette présence envahissante et perpétuelle. Le métis s'y voyait confronté, touché par ce qu'il n'avait alors jamais connu. Un enfant que la vie elle-même avait si longtemps protégé découvrait à présent sa cruauté.

— J'croyais t'avoir dit de partir. Tu n'écoutes rien, hein ? Ça vaudrait mieux pour toi de pas traîner dans le coin.

Nathanaël haussa les épaules, empreint d'une nonchalance factice, quasi ridicule. Où pouvait-il bien aller ? Cette interrogation l'avait maintes fois habité et il n'y trouvait pas la moindre réponse. Il se bornait à fuir, à errer sans but avec toute la lâcheté imaginable. Dans ce bas-monde, il n'existait aucune place portant son nom, c'était là tout ce qu'il y avait à savoir à son sujet.

Caleb, lui aussi, feignait l'indifférence. Il y était bien habitué, le mensonge faisait partie intégrante de son existence. Il observait son cadet du coin de l'œil, bien plus perspicace qu'il pouvait paraître. Il ajouta, volontairement provocateur :

— Mike a raison alors, t'es juste un con avec des penchants suicidaires ? Et ça me fait vraiment chier de lui donner raison, crois-moi !

— Je n'ai juste nulle part où aller, lâcha le jeune homme, du bout des lèvres.

Sans trop s'en douter, son homologue aurait souhaité un tout autre scénario. Que ce gamin un peu chétif soit bel et bien idiot, peut-être même un peu dérangé. Un de ces adolescents qui défiaient leurs parents pour le plaisir et qui fuguaient tous les deux jours en promettant de ne jamais remettre les pieds à la maison. Caleb serra les dents, agacé de se sentir touché par la situation du plus jeune. Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette, tentant manifestement de retrouver un semblant de contenance. Il aurait sans doute dû rester impassible, passer son chemin et oublier cette rencontre fortuite. Il n'y parvenait pas ! Un accès soudain d'empathie le frappa, accompagnée de son éternelle culpabilité.

— Quoi ? Le fils à papa a décidé de jouer dans la cour des grands ? Ils t'ont jamais dit de jamais suivre les inconnus, tes parents ?

Des propos volontairement offensants, Caleb dévoilait un clair manque de tact. Pourtant, il ne voyait pas d'autres moyens de faire parler Nathanaël, et le provoquer restait plus efficace que les longs discours. Son aîné exagérait chacune de ses pensées, chaque traître mot dans ce but.

— Mon père m'a mis à la porte, souffla l'autre, le regard perdu droit devant lui.

Parler lui restait douloureux. Le sujet encouragé l'était certainement encore davantage, de ceux que l'on préférait éviter. Son visage juvénile se fendit en un rictus triste, comme la représentation cruelle de ses émotions. La peur se lisait aussi claire que de l'eau dans son regard ambré et le plus âgé s'y perdit l'espace d'un instant. Ce dernier sut qu'il ne tirait plus rien de lui, qu'insister davantage serait inutile.

Tenir une conversation représentait une véritable difficulté pour l'homme. Il n'avait jamais été du genre bavard et le garçon ne lui était d'aucune aide. Caleb reprit, se tournant cette fois vers le plus jeune afin de lui faire face :

— Il t'a salement amoché.

Nathanaël accueillit la remarque avec une grimace. Inconsciemment, il passa ses doigts sur sa joue douloureuse. Il n'osait pas imaginer l'état de son visage, se sentant superficiel de même y songer. Les dégâts seraient certainement l'égal de la souffrance qui irradiait des zones meurtries.

— Suis-moi !

L'homme s'adressa à l'autre sans plus de cérémonie avec ce qu'il s'identifiait davantage à un ordre qu'à une proposition. Son cadet se raidit immédiatement, il était naïf, mais il apprenait de ses erreurs. Il s'enquit, sur la défensive :

— Pourquoi ? Je ne suis pas con comme tu le dis, une fois suffit.

— J'ai pas l'intention de te tabasser dans un coin et d'abandonner ton corps dans la Seine si c'est ce qui te fait peur, railla Caleb, sournoisement. Je m'appelle pas Mike !

Deux prunelles acier s'imposèrent au jeune garçon, débordantes de sincérité. Il y lut des émotions bridées, mais pas la moindre trace de malveillance. Il hésita pourtant encore quelques instants, méfiant à juste titre. Une petite voix lui hurlait pourtant d'accepter, au-delà de la raison et des bonnes résolutions. Si les températures avaient gagné quelques degrés ces dernières semaines, les nuits restaient fraîches et l'opportunité de fuir les rues de Saint-Denis ne serait-ce que quelques minutes ressemblait à s'en méprendre à une main tendue. Un soutien inestimable et auquel il était bien difficile de croire.

— Allez, bouge-toi avant que je change d'avis et que je te laisse crever de froid ici. Tu passerais pas la nuit, alors viens.

Nathanaël obtempéra et se leva du banc avec plus ou moins d'entrain. Il était faiblement vêtu pour la fraîcheur du printemps et son vis-à-vis s'en fit la réflexion. Ils se dévisagèrent tous deux avant que le plus âgé ne se détourne, invitant à sa manière le métis à lui emboiter le pas. Ce dernier obéit tout en laissant une distance de sécurité explicite entre eux. Il demanda encore, prêt à fuir à la moindre entourloupe :

— Où est-ce que tu m'emmènes ?

Caleb ne manifesta aucune volonté de réponse, poursuivant seulement sa route. Il évita les passants avec justesse, parfaitement à l'aise dans cet environnement. Son cadet stoppa sa course, plantant ses pieds fermement dans le sol. Il s'exclama :

— Dis-moi d'abord où l'on va !

Son homologue s'arrêta à son tour, visiblement agacé des difficultés rencontrées. Il se refusait d'attirer l'attention sur lui ou sur ce garçon. Il siffla alors, menaçant :

— Putain, tu me suis et tu la boucles, ou tu dégages !

— Dis-moi où l'on va, je ne tiens pas tant que ça à mourir ! Je ne connais même pas ton prénom, tu pourrais être n'importe qui.

Caleb soupira lourdement, abandonnant toute idée de violence face à au désespoir de son cadet.

— J'm'appelle Caleb, lâcha-t-il, presque maladroitement dans sa volonté d'amabilité.

Ce gamin semblait tout bonnement effrayé, l'intimider outre mesure ne l'aiderait en rien. Encore une fois, il aurait très bien pu s'en aller à cette occasion, mais il ne le fit pas. Il ne saurait mettre les mots sur cette volonté nouvelle, préférant le déni et l'ignorance cette fois encore.

— Et où est-ce que l'on va ? Dis-le moi !

Il planta son regard acier dans celui de son cadet, imposant sa présence et son humanité. Il eut le temps de voir Nathanaël déglutir avant de déclarer fermement :

— On va chez moi. 

Nouvelle altercation entre nos deux protagonistes !

Je tenais à clarifier un point puisqu'il en est légèrement question dans ce chapitre : le fait que Naël ait suivi Mike aussi facilement. Ça s'explique assez facilement et je peux comprendre que ça puisse étonner. Naël est très, très naïf. Pour lui, le fait qu'un être humain en "piège" un autre et le frappe est incroyable. L'idée que l'on puisse vouloir le mal à l'un de ses semblables le dépasse (ou le dépassait, du coup). 

C'est une part de son personnage et j'espère que c'est plus clair pour vous. Je ne me suis pas étendue sur le sujet volontairement parce que la raison de la "stupidité" de Naël concernant ce geste sera développée plus loin :3

Votes et commentaires, je compte sur une dose de votre amour ~

Bisous !

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