Splendeur

By Skya---

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Qu'a fait la belle au bois dormant pendant les cent ans où elle est restée endormie ? Pour le dire en une seu... More

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Fée'rtile
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S'fée're
Aurore 115-23

Fée'rtile

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By Skya---


— Tu mens !


La voix est sortie de nulle part. J'ai même cru deviner un visage. Et aussitôt après, plus rien.

Je tends l'oreille.

Il m'arrive souvent de me parler à moi-même. Je me raconte des histoires, me réjouissant d'être là. Et toujours, je pense être seule. Certaines fois seulement, je m'imagine que les rêveurs entendent ma voix dans le lointain, comme ils entraperçoivent parfois les mondes que je construis pour les fée'rés.

Pour tous ceux qui ne m'ont pas rejointe, Fée'rtile n'est visible que dans ce bref instant qui sépare le sommeil de l'éveil.

Personne ne m'a jamais répondu.

Surtout pas un simple rêveur ! Les rêveurs sont si loin de moi, eux qui continuent de se lever chaque matin, eux qui n'arpentent pas mes mondes, qui se contentent seulement de les regarder parfois au détour d'un de leurs rêves.

Mais celui qui m'a parlé ne faisait que rêver, j'en mettrais ma main à couper. Il n'a pas cette aura particulière qu'on les fée'rés. Il est lointain, distant.

Il est en colère aussi.

Il m'a traité de menteuse.

Ce n'est même pas à lui que je m'adressais.

Qui est-il ?

Et pourquoi y avait-il tant de colère dans sa voix ?

« Tu mens »

Je ne mentais pas, je pensais. Les pensées ne sauraient mentir.

Que disais-je ?

J'aime être ici, j'aime imaginer, j'aime voir le sourire des fée'rés quand ils se réveillent dans un univers nouveau qui la veille encore n'avait pas été inventé. J'aime savoir mon travail apprécié. Plus les fée'rés sont nombreux, plus je me sens fière.

J'ai beau avoir peur d'elle, je suis reconnaissante à Maléfique. Sans elle, je ne serais pas à Fée'rtile. C'est elle qui est à l'origine de cet endroit, elle et le sort qu'elle m'a lancé.

Si quelqu'un sait qui m'a interpelé, c'est elle.

— Maléfique ?

Il est rare que je l'appelle. J'ai accepté de la suivre, certes, et j'adore le monde auquel elle m'a donné accès. Il n'empêche qu'elle, je la crains. Je ne sais pas si cette peur vient de moi ou de tout ce que j'ai entendu sur elle. Ce que je continue d'entendre. Je ressens ce que ressentent ceux qui habitent à Fée'rtile. Et vis-à-vis de Maléfique, je ne capte que de la peur.

Nous avons tous été élevés dans l'idée qu'elle méritait son prénom. Même moi. Surtout moi. Automne ne m'a parlé d'elle que pour que je m'en défie. Et ça a marché. Elle-même ne fait rien pour changer son image. Je n'ai pas encore déterminé si elle aime être crainte ou si elle est vraiment aussi terrible que les gens le croient.

Elle n'a pas mis longtemps à apparaître. À croire qu'elle est toujours derrière moi. Qu'elle se rend invisible sans jamais partir pour autant. Elle me tance, le regard fier, attendant que je parle la première. Quant à moi, je recule de quelques pas, instinctivement. Je serre les poings pour ne pas bégayer. En sa présence, avoir l'air digne est toujours un effort. Elle me surpasse toujours, quoi que je fasse.

— Vous avez entendu ?

— Qu'est-ce donc mon enfant qui vous préoccupe ?

Elle est à quatre pas de moi. Bien trop proche. Je sens d'ici son souffle presque solide. Toutes les fées produisent un effet sur ceux qui les regardent, des sensations qu'il est parfois difficile d'ignorer. Mais ce que dégage Maléfique est différent, maléfique. A côté d'elle, je n'ai pas l'impression d'être enveloppée, je me sens prise en étau, comme serrée d'une poigne de fer qui ne se desserre pas, qui me prend par la gorge, par les hanches, partout, et qui m'empêche de penser.

Quand elle est là, mes sens s'affolent. Je ne peux presque plus respirer. Mes yeux me font mal, ils voient tout d'une manière déformée, à commencer par son visage à elle, sur lequel il me semble parfois apercevoir des détails auxquels je ne veux pas penser.

Pourquoi est-elle si effrayante ?

Maléfique n'est pas laide. J'aimerais qu'elle le soit. J'aimerais tellement qu'elle le soit. Mais elle est tellement pire que cela. Quelque chose dans ses traits me donne l'envie de me réfugier dans un trou de souris. Elle est si écrasante qu'auprès d'elle je n'ai presque plus d'espace pour exister. Elle supplante tout. Sa parole efface tout le reste. Son regard vert m'hypnotise. Quand elle me regarde je ne peux rien voir d'autre que ses deux iris inquisitrices. Je ne peux voir qu'elle. Elle est partout, jusque dans l'air qu'elle expire dont je n'ose pas respirer les effluves. Tout est chargé en sa présence d'un poids qui pèse sur ma poitrine et que je peine à supporter.

Il y a dans le fond de son regard une lueur verte à laquelle je me raccroche. J'y devine tout un univers, bien différent du nôtre. S'il est parfois monstrueux, il m'épouvante surtout quand je le trouve humain, quand ses yeux semblent être un miroir déformant dans lequel je ne veux pas me voir.

Je déteste cette lueur autant que je l'aime. Elle est tout ce que je peux reconnaitre. Les fées sont fées pour nous ressembler. Voilà mon lien avec Maléfique : l'éclat infini d'un monde que je ne peux pas saisir.

Je ne saurais pas dire ce qu'elle est. Elle est magistrale, indéniablement, froide dans ses paroles, impressionnante par sa stature, certes. Mais rien de cela ne suffit à la définir. Elle est insaisissable. Je n'ai jamais pu comprendre ses motivations, ses paroles peuvent être interprétées de mille façons, son image même ne s'imprime jamais entièrement sur ma rétine.

Je peux seulement dire qu'elle me terrifie.

Maléfique porte bien son nom.

Je regrette de l'avoir appelée. Chaque fois j'oublie. Chaque fois, dès qu'elle est partie, je me dis que j'ai exagéré, qu'elle n'est pas si terrible, que surement j'aurais pu lui tenir tête avec beaucoup plus d'aplomb. Et je commets à nouveau cette erreur bête : la laisser s'approcher de moi. Pis, je l'ai appelée à moi.

J'ai la gorge qui s'assèche.

« Qu'est-ce donc mon enfant qui vous préoccupe ? ».

Elle, c'est elle qui me préoccupe. Elle et elle seule. Pourquoi a-t-il fallu que je fasse appel à elle ? Que voulais-je lui demander de si important ? Qu'y avait-il donc pour m'inquiéter alors qu'elle n'était pas là.

Rien.

Rien sans doute.

Aucune peur n'égale celle que Maléfique me fait ressentir, elle que je n'arrive pas même à regarder. J'ai les yeux braqués sur elle mais je ne la vois pas. Mon esprit se refuse à la voir.

Mon regard ne se fixe nulle part, à quoi bon ? Elle est partout.

J'ai les oreilles encore emplies d'elle. Elle a le timbre enveloppant, elle déclame telle une actrice sur la scène d'un amphithéâtre, d'un ton qu'il est impossible d'ignorer. Elle pose sa voix sur moi comme on jette un mauvais sort. Ce qu'elle dit devient ma seule et unique réalité, tant qu'elle est là. Ses mots résonnent à mes oreilles comme autant de menaces, je dois prendre sur moi pour m'apercevoir que ce n'est pas forcément le cas.

Je suis un jouet entre ses mains. Sans effort, elle me possède toute entière, je suis incapable ne serait-ce que de reculer.

« Qu'est-ce donc mon enfant qui vous préoccupe ? »

Vous.

Je m'apprête à dire vous. Mais le mot se tord dans ma gorge, y reste bloqué et manque de m'étouffer.

— ouuu...

Je ne peux pas lui dire cela ! Je ne peux pas lui dire « Maléfique vous me préoccupez ». Je le pense mais je n'ose pas le dire.

Je dois trouver quelque chose à dire. Quelque chose d'autre.

Je dois me rappeler ce que je voulais lui dire. Me concentrer sur ce que je voulais lui dire. Faire comme si elle n'était pas là, ou comme si ce n'était pas elle. Comme si je l'avais inventée elle, de la même façon que j'invente mes mondes, comme si elle n'était pas réelle. Comme si j'avais moi-même décidé de me trouver dans cette situation, et que j'étais prête à l'affronter avec bravoure.

D'ailleurs, j'ai décidé.

C'est moi qui l'ai appelée.

Je me le répète, jusqu'à ce que cela entre dans ma tête.

Je l'ai appelée.

Ma mâchoire s'ouvre et se ferme. J'essaie de parler mais aucun son ne sort. Je ne sais pas quoi dire.

J'avais pourtant quelque chose à dire.

Quelque chose d'important. De très important même peut-être. Je l'ai appelée. Je ne l'aurais pas appelée pour rien.

J'étais là. Je me parlais, ou je parlais aux fée'rés. Et soudain...

« Tu mens ! »

Voilà ! Oui, voilà ! Quelqu'un m'a traité de menteuse. Quelqu'un a entendu mes paroles et a exprimé son désaccord suffisamment fort pour que je l'entende. Quelqu'un m'a traité de menteuse. Presque cent ans que je suis à Fée'rtile, et jamais une telle chose ne s'était produite.

Enfin, les mots se délient, sortent :

— Quelqu'un m'a répondu.

Elle marque un temps de silence. Son visage n'exprime rien. Son visage n'exprime jamais rien. Je pense cependant que ce silence n'est pas comme les autres. D'habitude, elle fait des pauses pour rendre l'atmosphère pesante.

Pas cette fois. Cela ressemble à ce qu'elle fait le reste du temps, mais je la connais depuis tellement longtemps, je sais que son attitude est différente. Je sens qu'elle hésite sur la réponse qu'elle va me donner. Nous sommes dans le monde des rêves, il ne serait pas si improbable que mon imagination m'ait joué des tours. Je sais qu'elle est capable de me le faire croire si l'envie lui en prend.

Je pense « ne me dis pas que j'ai imaginé ». Je sais ce que j'ai entendu. Je n'ai pas envie qu'elle nie l'évidence. Je serais incapable de lui faire face. Pas maintenant, pas ici. Je l'ai appelée sur un coup de tête, je ne m'étais pas préparée à la voir, à l'entendre, à la sentir si proche. La brume qui l'entoure est devenue si forte que j'ai presque l'impression de la gouter.

— Il se prénomme Isaac et depuis bien longtemps il cherche à vous répondre, dit-elle enfin. Vous n'avez nul besoin de vous préoccuper de lui.

Je ne peux m'empêcher d'être déçue. J'aurais voulu qu'elle m'en dise plus. « Bien longtemps », combien cela représente-il ?

Son intonation laisse à penser qu'il ne s'agit que d'un incident mineur, comme si personne d'autre n'avait jamais cherché à me parler. Je ne peux m'empêcher de trouver cela étrange. J'ai conscience du monde extérieur, de ses évolutions, des idées qui y circulent. J'ai accès aux pensées des Fée'rés, je sais que la plupart a longtemps hésité avant de rejoindre Fée'rtile. Je me doute depuis longtemps que ce que je dis peut être entendu. Mais puisque j'en ai maintenant la preuve, et puisqu'apparemment me répondre est possible, alors pourquoi une personne, une personne seulement, s'est-elle exprimée ?

A certaines occasions par le passé, Maléfique a fait quelques allusions à l'image qu'ont de moi ceux qui ne dorment pas encore à mes côtés. Elle ne m'a rien caché. Elle veut que je sois consciente de ce que je fais, quoi que je puisse lui reprocher. Elle a cette qualité à mes yeux : elle est vraie.

Je repense seulement maintenant à ce qu'elle m'a dit. Dehors, certains parlent d'une malédiction dont je serais victime. Dehors, on accuse Maléfique d'être la cause de tout, d'ensorceler mes paroles pour forcer des innocents à un sommeil éternel.

Avec ou sans l'aide d'une fée, mes paroles innocentes pourraient-elle envouter les rêveurs ?

Je ne m'en étais jamais inquiétée. A force de ne pas la comprendre, j'ai appris à ignorer Maléfique.

« Vous n'avez nul besoin de vous préoccuper de lui ».

Voilà qui clôt la conversation. Je sens bien qu'elle n'a pas envie d'en parler. Et je comprends un peu. Certains rêveurs me prennent pour une faible fille manipulée par une fée cruelle, j'en avais été avertie. Or jusqu'à aujourd'hui, je n'avais jamais rien fait pour les démentir.

Mais cette fois, je ne suis plus considérée comme une victime. Je suis accusée de mentir.

J'ai déjà entendu des fée'rés penser « dehors, on croyait que Fée'rtile n'était qu'un mensonge. Et on avait tort ». C'est la première fois que j'entends quelqu'un qui, s'adressant à moi directement, me traite d'affabulatrice. C'est la première fois que la colère des autres ne m'est pas seulement rapportée.

Je suis frappée de plein fouet par une violence que je ne voulais pas soupçonner.

— Retournez donc plutôt à votre nuit, assène-t-elle.

Que j'aille me coucher ? Que je dorme ? Que je rêve ? Est-ce cela qu'elle voulait dire.

Elle a surement raison. Je suis fatiguée. Le monde que je viens de terminer a duré trop longtemps.

Même lorsque l'on rêve en permanence, il faut des moments où l'on dort pour de vrai. J'ai beau être faiseuse de rêve, je ne suis pas une fée. Je ne peux pas inventer en permanence si je n'ai pas de vraies nuits de sommeil.

J'ai besoin, moi aussi, de temps en temps, que des fées s'occupent de moi et de mes songes.

« Retournez donc plutôt à votre nuit ».

Dans ma tête, les mots reviennent plus violents encore qu'à la première écoute.

Mes poils se dressent sur les avants bras.

« Retournez donc plutôt à votre nuit ».

La nuit, c'est aussi l'obscurantisme.

Veut-elle que je sois ignorante ?

Ignorante de quoi ?

Je me croyais pourtant savante. Fée'rtile, c'est moi qui le fait exister. Je pensais n'avoir plus rien à apprendre à son sujet.

Je vis dans un monde de rêves, un monde conçu par Maléfique d'abord, par moi ensuite. Je crée des mondes à l'infini. Certains que j'invente de toute pièces. Certains que je reprends de mythes célèbres ou d'œuvres classiques. Certains que je laisse quasiment vierges pour laisser les Fée'rés se les approprier. Certains qui reproduisent plus ou moins fidèlement la réalité. Des mondes de toutes sortes.

Je croyais savoir, avec un pouvoir pareil, je savais.

Je dois savoir, n'est-ce pas ? Il le faut ! Sinon...

Je croyais savoir.

J'entends les voix, toutes les voix. J'écoute les voix. Si une personne s'endort, si elle rêve, si elle est sensible aux mondes que j'invente pour elle, si elle décide de me rejoindre à Fée'rtile, alors je sais ce qu'elle pense. J'entends ce qu'elle aime. Ce qu'elle déteste. Ce qui lui fait peur. Ce qui la fait rire. Ce qui la rend triste. Ce qui l'émeut. Ce qu'elle veut. Ce qu'elle ne veut pas, ou plus. J'entends et j'écoute. Je prends en compte. Toutes les pensées disparates deviennent des conseils que je suis. J'observe toutes les suggestions. Je les tente même lorsque je n'y crois pas.

Je savais tout de Fée'rtile. Qu'est-ce qui aurait pu m'échapper ?

Et pourtant, pourtant je me contente d'informations de seconde main.

J'entends dire que dehors, dans le monde éveillé, les gens n'aiment pas beaucoup Fée'rtile, et cela me suffit. Je ne cherche pas à aller plus loin. C'est peut-être ça, le problème.

Depuis combien de temps n'ai-je parlé à personne ? Parlé vraiment, parlé des vraies choses et non d'une histoire inventée par moi, dans un monde créé par moi, avec des Fée'rés déconnectés de toute réalité ?

Depuis combien de temps n'ai-je pas parlé ne serait-ce qu'à mes fées ? A Automne ? A Quenotte ? A Merry ?

Et Maléfique ? Elle qui a créé Fée'rtile, elle avec laquelle je devrais travailler main dans la main ? Je ne l'ai pas vue depuis tellement longtemps que j'ai oublié combien sa présence est angoissante, combien son masque est froid, combien sa voix résonne, combien ses mots sont à double tranchant.

J'entends encore leur écho.

« Retournez donc plutôt à votre nuit ».

Ne suis-je donc qu'ignorance ?

A quel point me suis-je aveuglée ? Me suis-je aveuglée ?

J'ai l'esprit qui tourne à cent à l'heure. Mes dents s'entrechoquent.

Maléfique m'observe. Un instant, je crois reconnaitre dans la lueur verte de son regard une forme d'humanité, ou de normalité, ou de bonté que je cherche toujours si désespérément et que je ne trouve jamais vraiment. L'impression est de courte durée.

Un battement de cil et la voilà redevenue ce qu'elle était plus tôt.

J'ai mal à la tête. Je suis incapable de bouger.

Maléfique me regarde et je ne vois que cela : ses yeux qui me transpercent.

Je ne lis rien en elle.

Que pense-t-elle ?

Si seulement je pouvais savoir ce qu'elle pense. Ce qu'elle pense vraiment. Si seulement elle pouvait s'exprimer de sorte à ce que je la comprenne, que je n'ai pas peur d'en demander plus.

J'ai peur d'en demander plus.

Je veux savoir et je me sens incapable de prendre les mesures qu'il faut pour acquérir la connaissance. Je ne peux pas parler.

Je me sens incapable d'émettre le moindre son.

Pas même un début de syllabe.

Pas même un souffle.

Je ne respire plus. Heureusement ou malheureusement, mes poumons n'ont pas besoin d'air. Ce ne sont pas mes poumons. Ce sont des poches qui se gonflent et se dégonflent dans ma poitrine virtuelle.

Je ne sais pas ce qui m'englue le plus. La densité de l'air ou ma propre panique ? A moins que cela ne revienne au même ?

Et puis plus rien.

Maléfique a disparu d'un seul coup, emportant sa brume avec elle et laissant un vide à l'endroit où elle se tenait quelques secondes plus tôt.

Mes deux oreilles se débouchent simultanément avec un bruit sourd qui me vrille la tête. Je n'avais même pas conscience qu'elles étaient obstruées.

Dans le même temps, j'expire un grand coup, pour la première fois depuis de longues minutes. L'air, redevenu air, me brûle malgré tout la trachée.

Je tombe à genoux.

Maléfique n'est plus là.

Son emprunte par contre est toujours visible. A dix mètres à la ronde, le sol blanc de Fée'rtile s'est fissuré, parfois sur plus d'un mètre de long. Les pieds des lits ont commencé à rouiller. Les draps sont plus rêches. Tout cela, je ne peux pas dire si c'est Maléfique qui en est directement responsable, ou bien si c'est moi, paralysée que j'étais, qui en suis la cause.

Les lits des simples rêveurs sont vides, leurs occupants revenus à la réalité, peut-être en sursaut. Quant aux Fée'rés, ceux qui ne se réveillent plus, leurs visages sont luisants de sueur.

Je me sens vidée.

Totalement vidée.

Et dire que tout cela a commencé avec deux petits mots. Deux mots seulement qui m'ont surprise, et m'ont causée un peu de peine.

« Tu mens ».

Je ne mentais pas.

Cela aurait dû suffire. Je n'ai de justification à donner à personne. Deux mots n'auraient pas dû avoir sur moi tant d'effet.

« Tu mens », c'était un évènement anecdotique, une anomalie qui n'aurait pas dû avoir de conséquence.

J'aurais pu en parler à Merry peut-être. Ou bien à Automne. Mais pas à Maléfique. Surtout pas à Maléfique.

Quelque part au fond de moi je trouve la ressource pour m'éloigner. Je nettoierai plus tard. Ou je laisserai les fées s'en charger.

Pour l'instant, je n'ai plus d'énergie.

Je n'ai même plus la force de réfléchir.

Je m'allonge à même le sol. Je n'ai pas le courage de me choisir un lit, pas maintenant.

Quand je m'endors, les mondes que j'ai inventés disparaissent, et les fées prennent le relais pour peupler les rêves des Fée'rés. Au matin, je me réveille plus tôt que les autres pour construire un nouveau monde. Aux yeux des Fée'rés, c'est sûrement magique : Se réveiller chaque jour dans un endroit différent.

De ce que j'entends de leurs pensées, c'est plutôt chouette.

« Tu mens ».

Est-ce que je mens ?

Il est vrai que j'invente des histoires, des fables qui n'ont rien en commun avec la réalité. Mais est-ce un mensonge cependant ? Les gens savent bien à quoi s'attendre en allant à Fée'rtile. Un rêve est un rêve, un songe.

À mon avis, c'est justement l'attrait majeur. Un rêve, c'est un rêve, un idéal !

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