SYLVES - Les Enfants d'Astéria

By Eli-Reflect

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L'an 2305... L'Humanité découvre, choquée, qu'elle n'est pas seule. À la suite d'une pandémie à l'origine de... More

PRÉFACE
PARTIE 1
1. CURE SPIRITUELLE
2. IMMERSION
4. CADAVRE EXOTIQUE
5. FÉLICITATION
6. PREMIER CONTACT
7. LE CONSEIL
Première de couverture - Les Enfants d'Astéria
8. ARALYNE
9. RÉMINISCENCES
NOUVELLES
PARTIE 2
10. ESPOIR TEINTÉ
POUR CONTINUER SYLVES - LES ENFANTS D'ASTÉRIA

3. CŒURS BRISÉS

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By Eli-Reflect

HEY! 
Petite mise à jour! J'ai corrigé les chapitres en lignes. Il ne devrait plus y avoir de fautes, mais si vous en dénichez, aidez-moi à les traquer s'il vous plaît, ce serait super apprécié! XD 

Si jamais vous aimez cette histoire, un petit vote et/ou un commentaire est toujours apprécié! On travaille fort (le on étant applicable aux auteurs de wattpad en général) pour vous donner du contenu à lire de qualité, gratuit et je l'espère, agréable. C'est donc toujours super apprécié d'être encouragé et soutenu dans notre travail d'écriture! :)

Sur ce, une bonne lecture à vous! 

Bises! 
- Éli - 


3. CŒURS BRISÉS

" Journal de Tristan - Écrit le: 27 Décembre 2334 -

Quand j'étais petit, maman me faisait visionner les enregistrements des spectacles de danse qu'elle avait chorégraphiés. Ça me fascinait de voir cet ensemble de corps bouger en rythme, comme si chaque danseur était relié à tous ses comparses par un lien invisible qui les faisait bouger de façon si coordonné, qu'on aurait dit des vagues parfois langoureuses, parfois violentes.
C'est ce qui m'a poussé à prendre des cours de danse, à l'époque. J'ai souhaité arrêter, le jour où j'ai réalisé que les garçons de mon âge préféraient les sports de compétition. Mais Keven m'a dit que ce serait du gâchis, parce que j'étais talentueux, selon lui. Il n'en avait rien à faire que son frère passe trois soirs par semaine entouré de filles en tutu. Alors j'ai continué de danser et maman était fière.

Puis Liam est mort et l'année d'après, Keven disparaissait.

J'ai arrêté la danse.

La danse me donnait des ailes, me donnait une impression de liberté que j'avais perdu avec l'absence de mes frères. Comment se sentir comme un oiseau, libre et sans chaînes, quand son petit frère de huit ans a été réduit en cendres et que son frère s'est engagé dans une lutte sanglante contre les Autres? 

Je me suis rabattu sur la natation parce que dépenser mon énergie m'aidait à apaiser la rage, et qu'évoluer dans le silence de l'eau, seul, me semblait plus juste. Je n'avais pas le droit de me sentir léger et heureux quand ma famille portait le poids de la tristesse, alors je préférais m'enfermer dans un milieu plus calme, moins euphorisant.

Papa a cessé de parler de ses folles années de jeunesse passées sur les pistes de danse avec maman. Maman a jeté tous les enregistrements des chorégraphies qu'elle aimait tant. C'était comme si, Liam et Keven partis, nous n'avions plus le droit de rire. Comme si nous devions porter le deuil silencieux de mes frères. Et ce deuil est comme une chape de plomb au fond de mon ventre qui m'enfonce de plus en plus loin dans le silence et la colère.

On ne parle plus pendant les repas, sinon pour demander comment a été la journée. Mes parents ne se sourient plus, ne se touchent plus... Ils se contentent d'être là sans réellement être ensemble. La solitude est pénible et parfois, j'ai l'impression qu'il aurait été plus facile pour mes parents que je ne sois pas là, à leur rappeler le bonheur qu'ils ont perdu. Sans moi, je crois qu'ils se seraient déjà quitté pour se refaire une vie ailleurs, plus paisible.

Je suis un poids pour eux, je le sais. Je leur rappelle mes frères. Je leur rappelle une vie qui n'est plus que dans nos mémoires. Mon père a brûlé et jeté toutes leurs choses, comme s'ils n'avaient jamais existé. Je n'ai même jamais pu me recueillir sur la tombe de Liam; mes parents ont refusé de m'indiquer où elle se trouve.

Parfois, j'en veux à Keven de m'avoir laissé dans cette maison silencieuse. Avec Olympe et sa compagnie, j'aurais pu continuer à me sentir vivant et utile. J'aurais pu me consoler en me disant que mes actes vengeaient Liam, à défaut de pouvoir lui dire adieu. "


L'AN 2335 - PRÉSENT
Amérique du Nord - Régime Gouvernementale Sylve-Américain

Mirabella Combes, le teint pâle, ouvrit la porte d'entrée avant de faire un pas de côté afin de laisser entre les trois sylves dans leur salon. Le dernier portait son fils qui ne semblait pas conscient.

- Où se trouve sa chambre? Demanda-t-il.

- Je vais le monter à sa chambre moi-même, siffla Brian Combes en faisant irruption dans la salle de séjour, le regard sombre et méfiant. Donnez-moi mon fils! 

Le sylve s'exécuta sans un mot et l'homme, mince et grand, supporta le poids de son garçon sans peine. Pourtant, il ne fit pas mine de bouger.

- Je ne crois pas que nous ayons quoi que ce soit à nous dire, messieurs, dame.

- Je crois que si, répondit le plus grand des sylves en souriant sereinement. Pouvons-nous prendre place? Il désigna les divans de cuir blanc et sans attendre la réponse des deux humains, s'y installa, imité par ses compères. 

Brian ouvrit la bouche, dans la ferme intention de les déloger de chez lui, mais sa femme lui lança un regard noir. Il referma la bouche, sachant pertinemment que les rares fois où Mirabella Combes lui jetait ce regard, il avait tout intérêt à ravaler sa fureur. 

- Bien sûr, dit-elle. Nous aimerions également comprendre pourquoi notre fils a subi cette cure spirituelle sans notre accord. Il s'agit d'une punition très grave et je ne crois pas que ses paroles aient mérités un tel châtiment. Brian, s'il te plaît? 

L'homme hocha la tête, puis se détourna afin d'aller installer leur fils dans son lit. Il lui retira ses chaussures puis le borda doucement avant de redescendre.


***


La femme leur avait servi du thé auquel ne touchèrent pas ses collègues. Il se permit une gorgée, plus pour remercier l'humaine de son hospitalité plutôt que par réelle envie. Le thé était trop chaud. Les feuilles brûlées par l'eau bouillie avaient un goût d'amertume très prononcé, alors il rajouta un peu de sucre. Il remarqua que le père de Tristan avait fait la même chose, alors que la femme sirotait le liquide dans sa tasse sans remarquer qu'elle l'avait trop fait chauffer.

- J'aimerais d'abord me présenter à vous, monsieur et madame Combes. Je m'appelle Glenn Parish et je suis celui qui s'est occupé de l'immersion de votre fils lors de la cure spirituelle. Je vous présente mes collègues, monsieur Nathan Leim et mademoiselle Marie Sarda. 

- Je ne peux honnêtement pas vous répondre que c'est un plaisir de vous rencontrer, souffla la femme en pinçant les lèvres.

Glenn sourit.

Il comprenait.

Mirabella Combes était une femme longiligne, mince à la limite de la maigreur, mais il devinait dans la posture de son corps qu'elle avait longuement pratiqué la danse, ou alors la gymnastique. Chacun de ses gestes était empreint d'une grâce certaine qu'il avait également retrouvé chez Tristan. Elle possédait une longue chevelure noire comme le jais, épaisse et ondulée, qu'elle avait légué également à son fils. Son visage était doux et racé. Une belle femme, en somme. 

Brian Combes, quant à lui, était grand et nerveux, le front légèrement dégarni, mais le regard acéré. Son fils avait les mêmes prunelles saisissantes d'une bleu limpide cerclé de turquoise. La différence résidait dans le contraste saisissant de la carnation pâle et de la chevelure aile-de-corbeau du garçon, qui donnait à ses prunelles une profondeur et un mystère saisissant, alors que chez le père, ces iris, associées à sa chevelure pâle qu'on devinait avoir été blonde par le passé, rendait son visage froid et incisif. Le pli pincé de ses lèvres mince ajoutait à cette impression de dureté, mais Glenn devina derrière l'expression de colère, une douleur sourde encore très présente.

Des parents en deuil, se dit-il, en se remémorant que Tristan n'était pas enfant unique.

- Je comprends votre réticence. Pour répondre à votre question précédente, madame Combes, je ne suis pas chargé de juger quel acte mérite ou non de recevoir une cure spirituelle. Je suis simplement celui qui s'occupe de l'immersion et qui analyse les réactions psychologiques de l'enfant lors du procédé.  

Inutile de mentionner aux parents que le garçon avait été poussé à réagir de façon virulente et qu'on avait intentionnellement aggravé la faute commise. Un enfant qui n'aurait pas été un élu potentiel aurait simplement écopé d'une suspension. 

- Est-ce légal, d'imposer une cure sans l'accord des parents? Demanda Mirabella avec un soupçon d'indignité.

- Aussi légal que de lui imposer une suspension ou des lignes à copier, madame Combes, répondit Marie Sarda en prenant la parole pour la première fois. 

Les Combes dévisagèrent cette sylve avec froideur. Magnifique, comme toutes les femmes de son espèce, elle avait, contrairement à la mode des sylves, de courts cheveux roux qui lui arrivaient à la nuque. Ses sourcils minces étaient très hauts, en accent circonflexes, ce qui lui donnait un air naturellement hautain. Sa peau était pâle et parfaite, son nez fin et droit et sa bouche pleine et pulpeuse. Ses prunelles grises cerclées de bleu sombre donnait à son visage un air presque apathique. Elle avait une mâchoire large et une carrure athlétique enserrée dans un tailleur gris sombre, et elle portait des talons oranges, comme s'ils avaient été assortis à la couleur de sa courte chevelure.

- Excusez-moi, rappelez-moi votre nom? Demanda Brian en serrant les dents.

- Marie Sarda. Je suis agente de terrain.

- Pour quelle compagnie? 

Les agents de terrain étaient nombreux et cela pouvait autant désigner un sylve travaillant pour le gouvernement, que pour une compagnie privée. Agent de terrain était un terme vague qui pouvait autant désigner la fonction de garde du corps, que de guide touristique. Les sylves avaient tendance à utiliser cette fonction lorsqu'ils ne souhaitaient pas expliquer en quoi consistait réellement leur travail.

La sylve sourit, mais son sourire était teinté de condescendance.

- Mon collègue semble désirer vous rassurer, mais j'ai, hélas, d'autres choses à faire. Je vais donc aborder le sujet pour lequel nous sommes ici. Vous le savez sans doute, les adolescents en dernier grade au lycée reçoivent, chaque début d'année, un test de personnalité.

- On nous a effectivement mis au courant, répondit le père.

- Ce test consiste normalement à mieux saisir les élèves afin de pouvoir les orienter, si besoin est, dans leur choix futur de carrière. Il se trouve cependant quelques rares adolescents dont le test retient l'attention de nos analystes. Ces étudiants doivent par la suite passer un deuxième test.

- Tristan n'a pas passé de second test, la contredit Mirabella.

- Il l'a passé ce soir, la détrompa l'agente de terrain.

La sylve laissa deux petites minutes aux parents du garçon afin qu'ils puissent assimiler l'information.

- La cure est un test? Hoqueta Brian.

- Oui et non. Nous ne laissons pas passer l'occasion d'étudier un sujet lorsqu'il nous est possible de le faire. Intervint Nathan Leim en posant délicatement ses mains jointes contre ses genoux.

- Nos enfants ne sont pas des rats de laboratoire! Éructa Brian Combes en se levant brusquement, éjectant la petite tasse de thé précédemment posée sur ses genoux qui alla se fracasser au sol, répandant son contenu sur le tapis épais du salon.

- Mon collègue ne pensait pas à mal, monsieur Combes, tenta de l'apaiser Glenn.

- Nos enfants, que vous brisez avec ces cure, sont des sujets? Souffla Mirabella. Je ne vois pas comment nous pourrions prendre autrement les paroles de monsieur Leim, monsieur Parish.

- Rasseyez-vous, monsieur Combes, ordonna Marie Sarda. Il me reste très exactement (elle consulta sa montre) dix-sept minutes et ensuite je dois quitter pour un autre rendez-vous.

- Rien ne vous retient ici, la porte est derrière vous, cracha l'homme.

- J'ai malheureusement des obligations envers mon employeur et je devrai lui remettre un rapport écrit au plus tard demain matin, huit heures. Alors rasseyez-vous.

Le ton n'admettait aucune réplique et si Brian Combes ne portait pas les sylves dans son coeur, il savait faire profil bas lorsqu'il le fallait. Aussi reprit-il sa place près de sa femme, qui voulut lui prendre la main, en signe de support, mais il la chassa d'un geste sec.

- Alors mettez à profit ces dix-sept minutes, madame Sarda, qu'on en finisse et que nous puissions monter nous occuper de notre fils. 

La sylve ne s'offusqua pas de ses paroles, préférant plutôt croiser ses longues jambes fuselées. Elle reprit ses explications d'une voix traînante, à la limite de l'ennui:

- Il me semble que plus nous discutons, et plus nous semblons nous égarer du sujet principal. Je vais donc demander à mes collègues de garder leurs remarques pour eux, et faire ce pour quoi on m'a engagé à la base. Le premier test de personnalité de votre fils a été particulièrement concluant et nos analystes ont été agréablement surpris de trouver en Tristan un élu potentiel. Laissez-moi finir! Aboya-t-elle en voyant les deux parents s'apprêter à se lever afin de protester, furieux.

Monsieur et madame Combes se crispèrent face à cet ordre, mais restèrent coi. Sans doute l'inquiétude et la curiosité les poussaient-elles à garder le silence.

- Être un élu potentiel ne signifie pas que l'adolescent sera choisi, poursuivit-elle calmement, comme si elle n'avait jamais haussé la voix. Il s'agit justement de cette potentialité, cette incertitude, qui nous oblige à faire passer un second test. Dans la majorité des cas, nous demandons la permission aux parents de passer ce second test sous immersion. Il s'agit d'un programme qui projette la conscience de l'enfant dans une réalité virtuelle et à partir de là, il nous est possible d'analyser ses réactions psychologiques face à diverses situations.

- Je ne peux croire que des parents donnent leur autorisation pour qu'on joue dans la tête de leur enfants! Cracha Mirabella.

- Croyez-le ou non, la majorité des parents nous accordent cette autorisation.

Une vérité détournée, pensa à ce moment Glenn Parish en se retenant de sourire. La majorité des parents finissaient par signer les papiers de renonciations sous la contrainte, les menaces voilées et l'acharnement dont ils étaient victimes.
Mais ces parents-ci avaient besoin d'être convaincus qu'il n'était pas aberrant de signer pour imposer à un enfant une cure spirituelle de leur plein gré. 

Marie Sarda poursuivie:

- Dans le cas de votre fils, les propos qu'il a tenu en classe et son comportement violent ont été jugés suffisants pour lui imposer une cure en guise de châtiment. Comme l'a déjà mentionné monsieur Leim, nous enregistrons et analysons les données transmises lors de cette cure, qu'elle ait été accordée par l'école ou par les parents. Nous en avons donc profité pour revoir son dossier, afin de valider ou d'invalider la possibilité qu'il puisse être un élu.

- Et? Demanda Mirabella Combes d'une voix tremblante.

- Le mode de pensée de votre fils est... unique, dit alors Glenn en prenant la relève. Nous n'avions encore jamais vu, en presque trente ans, un enfant réagir ainsi. Il possède un sang-froid absolument hors du commun, et une curiosité presque innocente. Il nous a grandement impressionné.

Monsieur et madame Combes étaient à présent aussi pâles que leurs divans, figés.

- Félicitation, reprit l'agente de terrain, le profil psychologique de votre fils correspond à celui d'un élu et un sylve est déjà prêt à l'accueillir.

- Non... souffla la femme. Non! NON! Sortez! Sortez de chez moi!

Elle se leva, manqua s'enfarger dans la moquette moelleuse du salon, et se reprit à la petite table au centre de la salle de séjour. Son mari se leva à son tour, très lentement.

- Nous avons perdu deux fils. Il n'est pas question que les sylves nous enlèvent le seul enfant qu'il nous reste! Tristan ne deviendra pas un élu!

Les trois sylves se levèrent d'un seul mouvement, très calmement.

- Votre fils serait traité comme un joyau, monsieur et madame Combes. Les élus ne sont pas malheureux, au contraire! Nous leur offrons un environnement sécuritaire et stable.

- Ils changent! S'écria Brian Combes. Ils deviennent des... des pantins! Quels parents souhaiteraient se débarrasser de son enfant?

- Ce serait pour vous le meilleur moyen de recommencer vos vies, susurra l'agente de terrain en fixant les deux humains, alternant entre les prunelles bleues et les iris noires. Croyez-vous que nous ignorons votre situation financière? Vous êtes criblés de dettes! Nous sommes au courant que vous avez perdu votre emploi, monsieur Combes. Et nous savons pour la demande de divorce que vous avez envoyé au Ministère de la Justice, conditionnelle à la majorité de Tristan.

- Vous n'avez aucun droit de fouiller dans nos vies privées! S'écria Brian.

- Nous l'avons, détrompez-vous. Nous savons aussi que le Département Anti-Terroriste harcèle votre famille depuis la disparition de votre fils aîné. Nous pourrions effacer vos dettes, offrir à Tristan un environnement sain et aimant. Et à vous, nous vous offrons le divorce dont vous rêvez, ainsi que la possibilité de tout recommencer à zéro, loin du souvenir de Keven et de la honte que son engagement dans l'Olympe jette sur votre famille. Nous sommes également en mesure d'offrir une tombe pour Liam et d'honorer sa mémoire.

- Ne me parlez pas de Liam! Cracha Mirabella Combes en reculant d'un pas, les yeux larmoyants, les bras croisés sur sa poitrine maigre comme pour se protéger des mots de la sylve.

- Nous vous offrirons des postes de rêve au sein du gouvernement, une nouvelle demeure, de l'argent et la tranquillité d'esprit. Songez-y bien, monsieur et madame Combes. D'une façon ou d'une autre, mon employeur obtiendra ce qu'il désire. Mieux vaut pour vous deux signer dès maintenant votre renoncement aux droits parentaux.

- Pour qui travaillez-vous? Demanda Brian.

La sylve se contenta de sourire. Elle sortit de la poche intérieure de son veston une enveloppe qu'elle posa sur la table du salon.

- Réfléchissez bien à votre réponse, mais je vous conseille, pour votre bien et celui de Tristan, de signer ces papiers. Je viendrai les chercher en début de semaine. Bonne soirée.

Elle se détourna sans un mot de plus, ouvrit la porte et sortit, laissant derrière elle un silence pesant que Glenn rompit d'un sourire qui se voulait avenant.

- Je sais que tout cela vous paraît confus et terrifiant. Il s'agit de votre enfant et croyez-moi, je sais ce que l'on ressent, lorsqu'on perd un enfant. Mais si cela peut vous aider, Tristan ne sera jamais plus heureux qu'avec le sylve qui désire l'accueillir. Votre famille est brisée, monsieur et madame Combes. Et aussi fort que vous tentiez de le cacher à votre fils, il le sent.

- Vous ne savez rien de nous, chuchota Mirabella Combes en redressant le menton, dans une vaine tentative de défi.

- Je connais Tristan. Grâce aux tests, et parce que je l'ai vu évoluer avec ses amis et ses professeurs, tous les jours depuis des mois. Et je peux affirmer ceci avec certitude; votre fils est empli de tristesse et de solitude. Qu'il tente de la cacher en affirmant sa haine envers les sylves démontre simplement une douleur plus immense encore que sa colère. Allez-vous laisser passer la seule chance de retrouver le bonheur en refusant de signer ces papiers? Cette renonciation aux droits parentaux n'est pas une condamnation... C'est une seconde chance, pour vous tous.

Il leur sourit à nouveau, plus sincèrement, cette fois, puis les salua d'une signe de tête et sortit à son tour, suivit par son collègue.

La porte se referma sur un silence pesant que ni Mirabella, ni Brian, n'osèrent rompre. 


***


Lorsque son cadran sonna, Tristan se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade et la peau moite de transpiration. Il fixa les contours de sa chambre, hébété, avant de tendre machinalement la main vers son réveil-matin. Il passa une main rapide au-dessus du petit dispositif qui lui annonça l'heure d'une voix mécanique avant de se taire.

Le jeune homme resta immobile dans son lit un long moment, avant de se glisser hors des couvertures. Il marqua un temps d'arrêt en constatant qu'il portait toujours ses vêtements de la veille. Un geignement le prit, ses souvenirs remontant brusquement à la surface tandis qu'il tirait fébrilement sur le tissu de ses pantalons d'uniforme. Il se souvenait de la grotte de quartz, de la douleur de ses blessures, de la terreur qu'il avait ressentit face à la chose dans le bassin, puis de l'impression suffocante de la solitude... De la faim, de l'épuisement, de l'incompréhension...

Un sanglot secoua ses épaules et il remonta ses genoux contre son torse, enfouissant le visage dans le creux de ses bras. Il était mort, n'est-ce pas? Dans ce bassin d'eau noir, entraîné vers le fond... 

Hoquetant, à la recherche d'air, il eut l'impression que ses poumons se remplissaient à nouveau d'eau et que le long tentacule se faufilait dans le creux de sa gorge... Il toussa, cherchant à repousser les sensations fantômes de son corps, et plaqua une main contre le bas du visage afin de maîtriser sa respiration de plus en plus erratique.

Ce faisant, il remarqua ses mains et ses doigts... Intactes. Son genou, qu'il pensait s'être blessé, était également lisse. Pas une seule marque ou cicatrice indiquant qu'on avait soigné ses blessures avec la technologie sylvestre.

Sa panique reflua aussitôt.

Un rêve? Se demanda-t-il. Non, tout avait été trop réel! La douleur de ses entailles, les odeurs de la grotte, les couleurs; le violet des cristaux d'améthyste et le rouge profond des corps ondoyants sous l'eau. Il se souvenait même du goût de la bile amer sur sa langue qu'il avait vomi lorsque son estomac trop vide s'était soulevé de hauts-le-cœur. La tiédeur de l'eau, le contact glissant et doux de la créature et ce silence paisible qu'il avait ressenti un bref, très bref moment, lorsqu'il avait été entraîné sous les flots.

Le jeune homme fixa ses mains aux longs doigts fuselés, ses ongles bien coupés...
Peut-être pas un rêve, mais certainement pas la réalité.
Que lui avait-on fait?

Dans la petite cuisine, il constata sans surprise qu'aucun de ses parents n'était présent. La table de verre blanc était encore occupé d'une tasse, vide, et sur le comptoir fait du même matériel se trouvait des restes du repas de la veille. Il poussa un soupir et rangea la cuisine, ses gestes automatiques résultant de l'habitude d'une telle situation. Ses parents avaient-ils été inquiets, lorsqu'on l'avait ramené à la maison? En colère? Indignés? Peut-être avaient-ils eu honte et que cela expliquait leur absence. 

- Comme s'ils avaient besoin d'un prétexte pour fuir la maison, ricana Tristan pour lui-même en secouant la tête, désabusé. 

Il claqua la porte du laveur automatique avant d'ouvrir le garde-manger et de prendre une barre protéinée qu'il fourra dans la poche de son pantalon d'uniforme. Il enfila ensuite rapidement ses chaussures et sortit, son sac sur l'épaule.

Il arriva, cette fois, avant l'arrivée du bus scolaire, marchant d'un pas tranquille, l'esprit tourné vers cette grotte qui l'obnubilait.

- Tristan? 

Darel l'avait appelé doucement, presque dans un murmure. Le jeune homme sursauta puis leva les yeux vers le grand portugais. Ce dernier s'était légèrement penché afin d'être à sa hauteur et un pli soucieux barrait son front à l'horizontale.

Tristan lui sourit. 

- Je ne vais pas me briser, Darel. Pas besoin de me traiter comme une petite chose fragile.

Son ami lui sourit, mais ce fut sans conviction et Tristan perçut son malaise.

- Est-ce que tu vas bien? Une élève dit avoir entendu des cris provenir du bureau de Havock.

- Je... Honnêtement, Darel, je n'ai pas vraiment envie d'en parler. Mais je t'assure que je vais bien.

- Je suis étonné qu'ils ne t'aient pas suspendu.

- Je ne suis pas certain de ce qu'ils ont fait, en réalité, répondit l'adolescent en fouillant dans ses poches, à la recherche de sa barre protéinée. Ha! 

Il la sortit d'un air triomphant et la déballa rapidement avant d'y planter les dents. Un long soupir de contentement lui échappa. Il était affamé! 

- Tu veux dire que tu ne te souviens pas? 

La voix d'ordinaire grave et profonde du portugais avait pris une octave et curieusement, Tristan pouffa, amusé par la réaction de son ami alors que lui-même était passé proche de la syncope pas plus tard que ce matin, juste avant de réaliser que tout s'était joué dans son cerveau. 

- Je me souviens vaguement de certaines choses. Dis, je ne t'avais pas mentionné que je n'avais pas envie d'en parler? S'agaça-t-il finalement.

Darel afficha un air penaud et s'excusa maladroitement alors que le bus s'arrêtait à leur hauteur.

- Dis-moi tout! Ordonna Léna en se penchant par-dessus le dossier de banc qui les séparait, se rattrapant de justesse lorsque le bus freina un peu brusquement à un arrêt.

- Léna Pierce, la curiosité est un vilain défaut! La chambra Darel.

- Dit celui qui m'a bassiné il y a cinq minutes! S'esclaffa Tristan. 

La jeune fille tira la langue au grand portugais, repoussa la queue de cheval haute qu'elle portait derrière son épaule et sourit.

- Tu sembles bien portant. Rien à voir avec Malek. Alors? Tu as écopé de quoi? Une retenue? Une suspension? Honnêtement, toute la classe chuchotait que tu allais subir une cure. 

Elle haussa les sourcils afin de souligner l'importance de cette information.
Tristan secoua la tête. Cette fille allait le rendre dingue. S'il n'avait pas trouvé en elle une amie sincère, il aurait pu être agacé par sa propension au commérage. Mais Léna était ainsi; aussi vive qu'un feu follet; il n'y avait dans sa curiosité aucune malice et aucun jugement. 

Grande et élancée, elle avait le corps athlétique d'une personne pratiquant régulièrement les sports. Elle affectionnait, entre autre, le basket ball. Sport dans lequel Darel aimait aussi se plonger. Regarder ces deux grands échalas se disputer un match à un contre un était toujours impressionnant. Mais sur le terrain, là où Darel possédait la puissance, Léna le battait à plate couture sur la vélocité. Plus habile qu'elle avec un ballon et il fallait aller voir du côté des professionnels. Il soupçonnait toutefois le portugais de la laisser gagner, quelques fois. Une Léna enjouée et fière de son jeu de dribble était toujours un régal pour les yeux, surtout lorsqu'elle leur sortait cette petite danse de la victoire et son déhanché digne d'une latina de la havane.

- Alors? Insista-t-elle.

- Une cure, répondit finalement Tristan.

Ses deux amis sursautèrent avant de le fixer, éberlués. Il comprit qu'il avait laissé un blanc suite à la question de Léna et qu'ils ne s'attendaient pas à ce qu'ils leur réponde.

- Ho mon Dieu! Tristan, je suis tellement désolée! Souffla la jeune fille en se plaquant une main contre la bouche. 

Elle avait les yeux grands ouverts et ses prunelles noisettes brillaient de larmes contenues. Près de lui, Darel semblait avoir perdu le bronzage naturel de ses ancêtres. Il était aussi blanc que Tristan. Ses mâchoires grinçaient l'une contre l'autre. Il était furieux, comprit Tristan. Furieux pour lui, parce qu'il ne manifestait pas les émotions que l'on se serait attendu à voir sur son visage. Ni colère, ni peur, ni indignation... Il ne s'était pas brisé, comme Malek et tous les autres avant Malek.

- Je vais bien, leur dit-il.

- Comment peux-tu dire une chose pareille? Siffla Darel en se tournant vers lui, l'agrippant par les épaules avec force. 

Tristan grimaça. Darel allait laisser des marques de doigts dans sa chair. 

- Honnêtement, je vais bien, insista-t-il. Je ne me souviens pas vraiment comment et à quel moment j'ai atterri en cure, mais je vous assure que, contrairement à ce que vous pensez, je vais bien.

- Malek...

- Écoutez, peut-être qu'il y a différentes cures? Que celle de Malek était plus pénible, je ne sais pas. Mais en sachant ce qu'est une cure, je n'ai pas l'impression d'en être resté prisonnier.

- Non. Pas du tout! Se fâcha Léna. On ne comprend pas, Tristan! Personne ne comprend!

- Les cures, révéla-t-il en baissant la voix, sont une sorte de... de rêve. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais je me suis réveillé dans un... un lieu et j'y ai vécu des choses... Tout me semblait réel! La douleur, la faim, la peur... même les odeurs et les saveurs! Mais quand je me suis réveillé ce matin, je n'avais pas de blessures, ni même de marques! En comprenant que tout s'était passé dans ma tête, j'ai cessé de paniquer. C'est ce qu'ils font, depuis toujours! 

- Quoi, nous torturer? Cracha Darel.

- Nous jouer dans la tête, idiot! C'est comme ça qu'ils sont parvenus si rapidement à prendre le contrôle des gouvernements, à nous imposer leur culture, leur langue... C'est de cette façon qu'ils sont parvenus à nous faire croire qu'ils nous sont supérieurs!

- Mais ils nous sont supérieurs, Tristan! Ouvre les yeux! Personne ne connaît leur longévité exacte! Ils pourraient être immortels que ça ne m'étonnerait même pas! Ils guérissent presque instantanément, sont plus rapides et forts que nous. Et leur technologie est si complexe, que s'ils nous la retiraient complètement, ce serait un retour à l'époque des trains à vapeur!

Léna termina son petit discours en le fixant droit dans les yeux comme s'il était fou, ses mains ayant agrippé le dossier du banc avec force.

- Oui, justement. C'est ce que tout le monde pense, parce que c'est ce qu'ils nous ont fait croire, lui répondit le jeune homme, calmement. Ce sont des manipulateurs et des menteurs!

- La théorie de la conspiration est révolue depuis longtemps, Tristan. Tout le monde sait que les sylves nous contrôlent!

- Tout le monde ne sait pas que les syvles ne sont pas tout-puissants! Autrement, ils ne tenteraient pas de contrôler la population au point de torturer des adolescents. Ils m'ont fait subir... des choses qui m'ont fait croire que... que j'avais vraiment été enfermé là-bas. Ils m'ont joué dans la tête! Pour me briser! Mais tu sais quoi? Ça n'a pas fonctionné! Parce que je sais à quoi m'attendre avec eux et je peux te dire avec certitude que tout ce que j'ai vécu; les blessures, l'enfermement, la peur, la faim.... Tout ça, je sais que s'ils décidaient de le faire pour vrai, j'y ferais face. Je ne les laisserai pas faire de moi quelque chose de faible et de fragile, vous entendez?

Il leur jeta un regard empreint de flammes et pour la première fois, ils le virent, tel qu'il était réellement. L'aura de solitude et de tristesse qui l'entourait en permanence avait été remplacée par un feu si brûlant et si vif, qu'ils ne purent que baisser les yeux, incapables de soutenir le poids de ces deux prunelles acérées comme le tranchant d'un cristal brisé.

Lorsqu'il entra dans la classe, il y eut un lourd silence et le poids d'une vingtaine d'yeux pesa dans son dos tandis qu'il se dirigeait d'un pas assuré en direction de Malek. Ce dernier, le voyant approcher, détourna aussitôt les yeux, le regard fuyant.

- Malek, l'appela Tristan lorsqu'il fut à sa hauteur. Regarde-moi s'il te plaît.

L'adolescent se crispa, mais obéit docilement, levant deux prunelles craintives vers lui. Tristan se pencha afin de se retrouver à sa hauteur, se soutenant des mains contre le bureau du garçon.

- Ce qu'ils t'ont fait n'avait rien de réel, Malek.

- Tu n'en sais rien! Souffla le jeune homme en jetant un coup d'oeil furtif en direction de la porte de la salle de classe pour s'assurer que leur professeur n'y entrait pas. Tu ne sais pas ce qu'ils m'ont fait. 

- Je n'ai pas de détails, non. Je ne sais pas dans quel endroit ils t'ont projeté, ni ce que tu y as vécu. Mais je peux t'affirmer que rien, absolument rien, n'était réel. La seule personne qui rend les choses plus concrètes qu'elles ne le sont, c'est toi, parce que tu as décidé d'y croire. 

- Comment peux-tu affirmer ce qui est vraie ou non? Tu n'as pas vu, ce que moi, j'ai vu! Cette chose...

- Tu parles de la créature dans le bassin?

Cette fois, le jeune homme redressa vivement la tête, les yeux écarquillés.

- Comment...

- Je ne sais pas si le contexte était le même pour toi que pour moi, mais si tu as plongé dans ce bassin...

Malek se leva d'un bond et recula en secouant la tête, paniqué. Sa chaise se renversa sous lui et il eut tout juste le réflexe de se retenir au bureau.

- Es-tu fou? Cria-t-il, sa voix se brisant dans les aiguës.

- Tu n'as pas plongé? Pour tenter de traverser le bassin? S'étonna Tristan.

- Avec cette chose au fond de l'eau? Couina l'adolescent en reculant d'un nouveau pas. Non! Je n'ai pas plongé! Plutôt crever que de tremper un seul doigt dans ce fichu lac! Je suis retourné dans l'autre partie de la grotte!

- Moi j'ai plongé...

- Alors tu es cinglé! 

- Tu ne veux pas savoir ce qui s'est passé? S'étonna Tristan.

- Non! Garde tes découvertes pour toi, je ne veux plus rien avoir à faire avec ce truc! Plus jamais, tu m'entends? Laisse-moi, Tristan! Va-t-en!

- Tristan Combes? 

Le jeune homme se raidit en reconnaissant la voix de la doyenne. Il prit néanmoins quelques secondes supplémentaire pour observer Malek, notant la pâleur de sa peau sous sa carnation d'ébène, la fine pellicule de transpiration sur son front, et ses yeux fou, paniqués, comme ceux d'une proie blessée acculée par un prédateur. Il soupira, désolé pour le garçon. Il aurait souhaité le sortir de ce cauchemar, mais Malek semblait décidé à y rester ancré.

- Dans la grotte, je me suis blessé, chuchota-t-il néanmoins. À mon réveil, il n'y avait rien. Pas même de marques. Hors, aussi puissante soit la technologie sylvestre, accélérer la guérison d'une blessure laisse une cicatrice. Tout était dans ta tête, Malek.

Mais le jeune homme s'était détourné, se contentant de relever sa chaise en l'ignorant. 

- Tristan Combes! Insista la doyenne Montgomery. 

Il soupira avant de se tourner vers elle. Monsieur Havock se trouvait à son bureau et il comprit qu'il avait sans doute été témoin d'une partie de sa conversation avec Malek, de même que l'entièreté de la classe. Son professeur avait sans doute appelé la doyenne.

- Suivez-moi.

Il reprit son sac en passant près de son pupitre et suivit la sylve dans les couloirs déserts, jusqu'au grand bureau du rez-de-chaussé. La pièce était épurée, blanche et moderne. Le bureau était une construction de verre coloré aux pattes rappelant à Tristan des tentacules de pieuvre et il frissonna lorsque son esprit les compara immédiatement à ce qu'il avait vu dans le bassin. La doyenne lui fit signe de prendre place tandis qu'elle s'asseyait derrière la pièce de verre qui lui servait de bureau.

- Je constate que vous n'avez rien perdu de votre verve.

- Si vous pensiez me briser avec cette cure... Je ne suis pas Malek!

- Non, vous ne l'êtes pas, l'interrompit-elle, le réduisant au silence sous le coup de la surprise. Vous êtes un être plein de vigueur et très étonnant. Je n'ai jamais eu d'élèves comme vous, par le passé, et croyez-moi, j'enseigne depuis plus longtemps que vous ne pourriez l'imaginer.

L'adolescent fronça les sourcils, perdu. Parlait-elle de l'époque où les sylves vivaient encore dans leurs cités souterraines? Alors ils possédaient également des écoles?

- Vous enseigniez? Souffla-t-il.

La doyenne lui sourit et pour le coup, il aurait pu jurer que son sourire était teinté de chagrin et de nostalgie.

- Nous avions de petites classes de cinq ou six jeunes sylves. Les cours ne ressemblaient en rien à ceux que vous suivez, mais oui, j'étais enseignante.

- Où sont vos étudiants? Osa-t-il demander. 

La sylve resta silencieuse et il comprit qu'elle ne lui répondrait pas.

- Tristan, je sais que tu ne nous portes pas dans ton cœur, mais je veux que tu comprennes que tes paroles et tes agissements ont des répercussions sur les gens qui t'entourent. Nous ne sommes pas présents depuis longtemps et nous avons changé beaucoup de chose en peu de temps. Il est normal que les gens se méfient encore, mais ceux qui tentent de cohabiter avec nous et acceptent de vivre paisiblement n'ont pas à subir les conséquences de ta rancœur. Comprends-tu?

- Ce que je comprends, c'est que vous tentez de me raisonner parce que la cure ne m'a pas brisé, ricana le jeune homme en redressant le menton, la défiant de le contredire. Vous auriez dû tenter cette approche avant de me torturer.

- Ça n'est pas de la torture, Tristan. Il s'agit simplement...

- Pas de la torture? La coupa-t-il Je n'ai peut-être pas reçu de blessures physiques, mais ce que j'ai ressenti lors de la cure était bien assez réel pour moi! Comment expliquez-vous alors qu'une personne comme Malek, enjoué et aimé par tous les étudiants, se retrouve tremblant de terreur au moindre bruit comme un chaton qui vient de naître? Ça n'est pas de la torture, pour vous? De briser l'esprit d'une personne en la poussant jusqu'à la folie dans ce que vous appelez une cure spirituelle? Vous cherchez quoi, au juste? À nous contrôler par la peur?

- La cure est un moyen rapide et efficace de calmer les ardeurs adolescentes sans devoir passer par les châtiments corporelles, Tristan! Il a été prouvé que depuis que nous avons mis ce système en place, le corps estudiantin était beaucoup plus alerte et efficace en classe, plus concentré également.

- Il n'y avait pas de châtiments corporels du temps de mes parents, pas plus que de cure, et tout le monde se portait bien!

- Le taux de réussite était d'environ soixante-sept pourcent, avec des notes passables. Aujourd'hui, il frôle le quatre-vingt-dix-huit pourcent avec des notes plus qu'excellentes, et ce, dans tous nos établissements! Nous parvenons à mieux orienter nos étudiant vers les études supérieures, puis vers leur futur emploi, et très peu d'humains ont à se plaindre de devoir vivre au seuil de la pauvreté.

- Mais vous leur retirez aussi leurs choix! Vous n'orientez pas, vous imposez! Ma mère a dû cesser de chorégraphier des spectacles de danse sous le prétexte ridicule que ses compétences serviraient mieux dans la gestion administrative d'une école, alors qu'enseigner la danse, c'était toute sa vie! Et mon amie Léna? Elle a fait une demande pour obtenir une bourse d'études dans une université afin d'avoir une chance d'être recrutée dans l'équipe de basket. Ce jeu, c'est sa passion, c'est ce qui la rend si brillante et je sais qu'elle serait excellente et qu'elle aurait toutes les chances d'intégrer une équipe pro! Mais on lui a dit que sa demande avait été refusée parce qu'elle avait déjà sa place en gestion de commerce. Gestion de commerce et Léna, ça fait deux! Alors en quoi votre système est-il mieux que le précédent?

- Je vois qu'aujourd'hui n'est pas le bon jour pour tenter de discuter avec toi. Prends tes affaires et retourne chez toi, Tristan. J'avertirai moi-même monsieur Havock et tes parents de la situation.

L'adolescent serra les lèvres de colère, reprit son sac et sortit en trombe du bureau, claquant la porte derrière lui.


***


La doyenne soupira tout en se pinçant l'arrête du nez quelques secondes après que la porte de son bureau ait été si cavalièrement refermée. Cet enfant! Aussi têtu et affirmé que l'avait été son frère aîné! Il était bon qu'il ait été choisi pour devenir un élu, autrement, il y aurait eu une autre tête forte prête à rejoindre l'Olympe. Et leurs ancêtres savaient combien cet adolescent était prometteur! 

Elle imagina un bref instant Tristan et Keven Combes, les deux frères travaillant de pair, et un frisson d'horreur la secoua. L'aîné causait déjà bien assez de problèmes, inutile de laisser le plus jeune devenir un soucis supplémentaire. Elle n'aurait l'esprit tranquille que lorsqu'il serait enfin entre les bras bienveillants des naïades. 

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