Les Arcanes d'Hemera - Tome 1

By ElynaEC

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« Croyez-vous en une vie après la mort, mademoiselle Rivière ? » C'est un discours pour le moins intrigant qu... More

Avant propos
Prologue
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By ElynaEC

Le lendemain matin, je suis réveillée par des coups sourds contre ma porte. Au moins mes geôliers ont eu la prévenance de ne pas venir me tirer du lit aux aurores...

- C'était trop beau pour être vrai, hein ? commente Maël alors que je me redresse dans mon lit pour resserrer le peignoir autour de ma taille.

Comme mes charmants hôtes ne m'ont pas fourni de pyjama adéquat, il a fallu que j'improvise.

- Pitié ! gémis-je. Est-ce que je dois leur ouvrir ?

- Si tu comptes partir de là un jour, je te conseille de faire semblant de les écouter jusqu'au bout. Ensuite, tu pourras affirmer que leurs histoires ne t'intéressent pas et revenir à ton train-train quotidien.

Maël a affirmé ça avec le sourire, et pourtant quelque chose dans ses paroles augmente la pression qui s'exerce au niveau de ma cage thoracique. Se pourrait-il qu'un pourcentage infime de mon inconscient se réjouisse d'en apprendre davantage sur l'organisation qui a recueilli Axel ? Non... Je ne dois pas me permettre de penser comme cela et de me laisser influencer. Que me disait Harper hier soir ? Que je n'étais pas de taille à survivre dans un tel environnement ? Il n'a sans doute pas tort, j'ai toujours été plus chochotte que mon frangin. Et pourtant... je meurs d'envie de clouer le bec à ce sale petit prétentieux.

On toque à nouveau à ma porte, me rappelant par la même occasion que je suis toujours en sous-vêtements sous mon peignoir et qu'un oiseau a planté son nid durant la nuit dans ma tignasse emmêlée.

- Mademoiselle Rivière ? Vous êtes réveillée ?

- Oui, oui !

Je parviens à enfiler mon jean et mon chemisier sans trébucher dans ma précipitation, il n'en va pas de même pour mes cheveux, qui je crois, auraient mérité que je leur consacre un peu plus de temps...

- Vous n'étiez pas obligée de vous presser, m'assure Josias en détaillant ma coiffure avec intérêt. Enfin, si vous êtes prête, venez : monsieur Fortin nous attend.

Monsieur Marvan insiste pour que je laisse mon pull et mon manteau dans la chambre. Avec une faiblesse que j'attribuerai plus tard à l'étrange petite voix qui chantonne dans ma tête, j'accepte ce compromis et le suis en sens inverse jusqu'à la salle de réunion. Mon estomac se crispe de douleur à ce constat : j'ai faim, terriblement faim. À bien y réfléchir, je n'ai rien avalé depuis plus de vingt-quatre heures.

- Le directeur adjoint a fait preuve d'une attention qui devrait vous plaire, sourit Josias en m'ouvrant la porte. Après vous, je vous en prie.

J'inspire à pleines narines et laisse échapper un petit cri de surprise devant l'étalage de nourriture qui nous attend sur un plateau.

Attendez... Tout ça, c'est pour moi !?

- « Ventre affamé n'a point d'oreilles », me prévient Maël. Je serais toi, je ferais attention : ce type a toutes les qualités du manipulateur.

- Bienvenue, Allyn ! s'exclame Loïc Fortin en se levant pour m'accueillir en bonne et due forme. Comme je me souvenais que vous n'aviez rien avalé la veille, je me suis dit qu'un petit brunch ne serait pas de refus pour entamer la journée. Qu'en dites-vous ?

- Que pour la première fois depuis notre rencontre vous m'apparaissez comme un homme sensé, affirmé-je en me laissant couler sur ma chaise sans quitter les brioches et le bacon des yeux. Je peux ?

- Mais je vous en prie.

Je ne m'embarrasse pas de manières pour engloutir mes premières tartines. À la quatrième, je sens mon ventre réclamer une pause et en profite pour étudier les deux hommes qui ne se privent pas plus que moi. Loïc, qui a intercepté mon regard, se redresse sur sa chaise et essuie ses lèvres enfarinées avec une serviette en papier afin de reprendre comme si de rien était :

- Je mentionnais hier la notion de Paradis et d'Enfer et je tiens à éclaircir un point important. Lorsque je parlais de raccourcis manichéens, je ne faisais pas référence aux couleurs de nos âmes, mais au jugement établi sur ces dernières à l'heure de leur mort. La vérité étant qu'il n'y a aucun jugement. Lors de votre mort, vous avez le choix entre avoir de la chance, ou pas. Certaines âmes deviennent blanches et vivent un repos éternel que personne ne vient troubler, d'autres sont condamnées à patienter dans la noirceur et la souffrance en attendant que des êtres tels que vous viennent les délivrer.

- Tout cela connote beaucoup plus avec la religion que vous ne voulez le faire croire, souligné-je.

- Parce que l'Homme s'inspire toujours de ce qui l'entoure pour y poser ensuite sa signature, réplique-t-il dans un sourire narquois.

- OK... Admettons, maintenant que j'ai le ventre plein, que j'adhère à vos propos et que j'admette l'existence d'une vie après la mort. Vous êtes en train de m'exposer l'existence d'autres dimensions en dehors de la nôtre ?

Loïc acquiesce et reprend une tranche de bacon qu'il marie dans son œuf au plat avant d'ajouter :

- Si vous vous souvenez de nos échanges de la veille, j'ai fait référence à un portail qui se trouve en notre possession. C'est par ce portail interdimensionnel réservé exclusivement aux individus tels que vous que l'on peut retrouver ces âmes perdues et les sauver de leur triste sort. Vous êtes l'instrument de leur destin, Allyn. Et vous avez été choisie pour cela.

- J'ai été choisie ? hésité-je. Vraiment ? Dois-je remercier la tombola génétique ?

- Ce don n'est pas transmissible d'une génération à l'autre, me corrige-t-il. Nous sommes d'ailleurs encore incapables d'expliquer comment il se propage. La seule chose dont nous soyons certains, c'est qu'il n'existe pas une fratrie épargnée : si un frère ou une sœur présente ce don, alors l'autre le possède également.

J'encaisse le coup sans ciller. Ça n'a l'air de rien, et pourtant cette révélation m'enserre le cœur.

- Axel ne voulait pas de moi, je suppose ? raisonné-je avec rancœur. C'est pour ça que vous avez mis aussi longtemps à me contacter ?

Loïc grimace, puis passe le flambeau à son collègue. La lueur qui anime son regard n'offre aucun doute possible : Josias a dû merder quelque part.

- Lors de son admission, il a été porté à notre attention qu'Axel avait une sœur. Toutefois, je suis au regret de confesser que votre nom a disparu des registres d'une année sur l'autre et que nous n'avons jamais été en mesure de vous retrouver. Axel ayant changé de nom de famille entre-temps, nous avons vite classé l'affaire, persuadés que nous avions recruté assez d'éléments.

- Vraiment ? Pourquoi la donne a-t-elle changé ?

- Parce que nos périodes de recrutement sont closes pour l'année et que nous avions besoin que quelqu'un complète en urgence l'équipe de monsieur Harper. Lucas est un très bon élément, en dépit de son caractère quelque peu... turbulent.

- Ne peut-il pas y retourner seul ? Il m'a l'air d'avoir les chevilles assez grosses pour porter les responsabilités de deux personnes.

Ma remarque a le don de faire naître des sourires sur le visage de mes hôtes. J'en profite pour récupérer un toast et le tartiner de confiture aux fraises des bois.

Bon sang, quel délice ! Elle est faite maison !

- Vous auriez tout à fait raison si le passé ne vous avait pas déjà donné tort, reprend le directeur adjoint en se raclant la gorge. Vous rappelez-vous la statue qui a captivé votre intérêt dans le hall d'entrée ?

- Oui.

- Parfait, alors regardez ça, s'il vous plaît.

Le directeur adjoint se penche en avant pour me présenter une montre à gousset où le mécanisme se dévoile par transparence. J'ignore où il veut en venir, mais au moins la montre est jolie.

- Chaque équipe fonctionne de la même manière que ce mécanisme. Chaque engrenage transmet une force qui lui est propre et qui, une fois entrée en synergie avec le reste des composants, permet le bon fonctionnement de l'ensemble. Les Singuliers agissent à l'identique : seuls, ils se voient diminués et exposés à de terribles dangers ; mais à deux, leurs chances de survie deviennent considérables.

- Leurs « chances de survie » ? Vous avez les mots pour motiver les troupes, vous.

- Cette institution n'est pas à prendre à la légère, Allyn. Je ne peux que rejoindre monsieur Harper à ce sujet : oui, nous avons effectivement besoin de vous, mais pas au point de vous laisser plonger la tête la première dans une opération qui vous dépasse.

- Merci, Josias, le coupe son collègue.

Leurs explications sibyllines amorcent en moi un flot de questions auquel Loïc coupe court en poursuivant :

- Si vous le voulez bien, je vais essayer de tout vous expliquer. Maintenant que je vous sens réceptive, il nous sera plus facile de communiquer. Je vous rassure, vous avez à peu près toutes les informations en poche, il ne manque que les termes techniques.

- Et je passe un examen d'entrée après ? blagué-je pour la forme.

- C'est presque ça, sourit-il. Je vois que vous avez à peu près accepté la notion de diverses dimensions...

- Ça, c'est vite dit, l'interromps-je.

- Rendons les choses plus concises. Allyn, qu'avez-vous compris lorsque je faisais référence aux âmes perdues ?

- Rien du tout.

Josias étouffe un ricanement et je me surprends à lui sourire.

- D'accord, d'accord... reprenons avec un exemple. Imaginons que l'un d'entre nous décède au terme de cette discussion, son âme quittera son enveloppe charnelle pour se retrouver livrée à elle-même l'espace de quelques secondes. Ce laps de temps est primordial, car il s'agit du délai durant lequel tout va se jouer. Il existe en effet une catégorie d'individus dont je ne vous ai pas encore parlé et qui sont pourtant au cœur du problème, car vous courez le risque d'en croiser lors de vos missions. Je parle, bien entendu, des Anges Noirs.

J'ai eu la mauvaise idée de boire mon jus de nectarine au même moment, ce qui fait que la moitié ressort par mes trous de nez. Ce qui ne m'attribue pas une image très digne...

- Pardon !?

- Les Anges Noirs, répète-t-il comme pour s'assurer que je n'avale plus rien correctement. Ce sont des individus de la pire espèce, programmés pour capturer des âmes et les retenir prisonnières des Affres, afin de se nourrir de leurs plus grandes peurs et ainsi accroître leurs pouvoirs. Leur dessein est d'alimenter leur dimension pour étendre leur haine sur la nôtre, et nous tuer par la même occasion.

Charmant.

- Ils font leurs emplettes chez nous, en quelque sorte.

Je n'en reviens pas d'avoir balancé un truc pareil...

- C'est à peu près ça, confirme Loïc. À ceci près qu'ils ne se soucient pas du carnage qu'ils engendrent sur leur passage.

Le directeur adjoint enchaîne des mots comme « crashs d'avion » ou encore « attaques terroristes », seulement je ne l'écoute plus. Il lui faut élever la voix pour me recadrer, ainsi que répéter sa dernière phrase pour que je reprenne le train en marche.

- Une âme grise est une âme prisonnière des Affres, résume-t-il. Nous utilisons ces appellations pour nous référer aux différentes dimensions. Les Singuliers ont pour mission de les retrouver et de les amener à bon port.

- C'est-à-dire ? Ici ?

- Non, vers une dimension nommée Hemera, où elles deviennent des âmes blanches.

- Stylé ! Et notre dimension à nous ? Comment l'appelle-t-on ?

- La dimension terrestre.

- Sérieusement ?

- J'ai bien peur que oui, me sourit-il.

- Hum, hum. Et les âmes noires dans tout ça, où peut-on les trouver ?

- Je ne suis pas en mesure de vous livrer cette information, c'est classé confidentiel.

Sérieusement ? Je disais ça pour plaisanter !

- Bien entendu, il existe sur Terre d'autres Organisations similaires à la nôtre et qui répondent aux mêmes objectifs. Nous sommes à peu près... une trentaine ? s'enquiert-il auprès de son collègue. La première a été créée il y a maintenant des siècles, sous l'époque archaïque de la Grèce Antique, et je crois bien que notre manoir compte actuellement parmi les plus imposants !

- Impressionnant..., affirmé-je, débordant d'ironie.

- N'est-ce pas ? ajoute-t-il, les yeux brillant de fierté. Alors, Allyn, ai-je été assez clair à vos yeux ou y a-t-il un point sur lequel vous souhaitez me voir revenir ?

- Honnêtement, je n'étais pas emballée par le début de votre exemple mais il est efficace. Vous feriez de bons scénarios si vous cherchiez à vous reconvertir.

- Dois-je en déduire que vous me croyez enfin ?

- Dois-je rechercher pour vous la définition du mot « scénario » ?

C'est curieux, j'aurais juré que ma petite joute verbale avec le directeur adjoint amuserait Maël. Lui qui adore bavarder des heures entières sur la science-fiction et le fantastique ! Intriguée, je jette un coup d'œil de son côté et constate que mon ami a perdu de ses couleurs. Pire encore, ses yeux écarquillés d'horreur sont marqués par les traces que ses ongles ont laissées au niveau de ses pommettes. J'aimerais attirer son attention pour comprendre ce qui ne va pas, rien à faire : son regard est rivé sur Loïc Fortin.

Eh bah, mon vieux, tu es plus impressionnable que moi en fin de compte !

- Mademoiselle Rivière ? insiste le directeur adjoint.

Je soupire en reprenant un verre de jus de fruits que je prends garde à avaler correctement cette fois-ci.

- Que voulez-vous que je vous dise ? Vous savez raconter les histoires, c'est clair, mais de là à ce que je vous affirme tout à coup que je vous crois sur parole... Il y a un monde.

- Que pensez-vous de faire la visite guidée tout de suite ? suggère monsieur Marvan. Nous pourrions par exemple nous rendre à la bibliothèque et au troisième étage.

Sous cette proposition hasardeuse se cache une idée calculée, j'en mettrais ma main au feu.

- Pourquoi pas ! concède Loïc en se levant. Josias, je te la confie.

Le directeur adjoint m'adresse un signe de la main avant de récupérer un énième toast au saumon. Un regard en arrière me permet de m'assurer que Maël suit le mouvement.

- Est-ce que tout va bien ? chuchoté-je à son attention. Tu es pâle à faire peur.

- Oui, oui, confirme-t-il d'un haussement d'épaules. Épuisant, non ? toutes ces histoires à dormir debout... Tu crois qu'ils te permettront de rentrer à temps pour profiter un peu de la fin de la journée ?

- Je doute que notre rituel plateau télé du samedi après-midi entre dans les détails de leur planning.

Je dois m'arrêter là, car Josias ralentit le pas devant une impressionnante porte en bois ambré, deux fois plus haute et large que toutes celles que nous avons aperçues jusqu'à présent. C'est la première fois que je la vois et ne peux m'empêcher d'imaginer ce qu'elle peut renfermer : un caveau à vampires ? la nouvelle créature de Frankenstein ? Bigfoot ? Plus rien ne m'étonnerait de la part de mes hôtes.

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